Démocratiser la gouvernance mondiale

La crise mondiale et ses enjeux

«Les bonnes institutions sont celles qui permettent la confiance.» Nicolas Meisel

Les effets de la mondialisation ne cessent de générer, à travers le monde, d’énormes convulsions économiques, sociales, culturelles et politiques. L’ordre international se caractérise, ces dernières décennies, par un changement sociétal global et des mutations sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. L’un des faits marquants est sans conteste, l’unilatéralisme américain qui a imposé, particulièrement depuis la présidence de George W.Bush, de nouvelles règles dans les relations internationales et amoindri sensiblement le rôle des Nations unies. Que sera le XXIe siècle? Qui arbitrera désormais les conflits de la planète? Quel sera l’impact de la mondialisation sur la souveraineté des pays? Faut-il craindre la montée des nationalismes, des fanatismes religieux et la prolifération nucléaire? Comment évoluera l’Europe dans le nouveau paysage international? Quelle place pour les pays en développement? Le Mouvement des non-alignés, dont le seul acquis marquant est la décolonisation, s’est transformé peu à peu en un simple forum où les discours grandiloquents restent généralement sans suite. Certains de ses membres qui ont des intérêts «de pays riches» vont-ils chercher à être les «représentants» des Non-alignés ou simplement à renforcer une place plus gratifiante au sein des institutions en gestation tel que le G20? Après s’être déclaré favorable à un G20 permanent et que les pays émergents «devaient prendre une part plus importante aux délibérations», le président Lula s’est, ensuite, prononcé à L’Aquila le 9 juillet 2009, pour un G14: «Déjà plus repr.» Un G14 qui serait le résultat de la fusion du G8 (Etats-Unis, Canada, France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Japon et Russie) avec le G5+1 à savoir les 5 plus grandes économies émergentes, soit: la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique, l’Afrique du Sud et l’Egypte. Pour le président Sarkozy: «C’est simple, on se réunirait à 14 ou à 20 et on prévoirait dans les deux jours et demi de réunion des sessions à huit, des sessions à six et des sessions à 14.» Quid de l’efficacité de chaque groupe? Son active plaidoirie pour un G14 laisse penser à une déception dans ses relations avec la Chine, et à son souhait de les combler par des relations privilégiées avec le Brésil, l’Inde et l’Egypte. Le problème est que cette addition de forums, ne semble pas avoir l’adhésion du président Barack Obama. Le président américain privilégie, semble-t-il, la rénovation des institutions internationales, à commencer par les Nations unies. Il soulignera à cet effet: «Je suis un grand partisan des Nations unies, mais elles doivent être réformées et revitalisées et je l’ai dit au secrétaire général. Penser que ces institutions peuvent appréhender correctement les énormes changements intervenus au cours des dernières décennies n’a pas de sens.» A travers ces multiples approches et déclarations, il faut retenir que rien n’est désintéressé; comme le rappelait le général De Gaulle: «Dans les relations internationales, il n’y a pas d’amis, il n’y a que des intérêts.»
Pré carré des grandes puissances, le G8 semble avoir fait son temps. Confrontées à la crise mondiale dont elles sont principalement responsables et face à l’immensité des défis, les principales puissances mondiales ont accepté d’élargir leur cercle en s’ouvrant à «quelques invités» pour se donner une légitimité économique et politique. Pour M.Hubert Védrine, ancien et brillant ministre français des Affaires étrangères, la dernière réunion du G8 à L’Aquila «raconte la fin du monopole occidental, le plus grand phénomène géopolitique actuel. Une fin d’autant plus rapide qu’il y a peu, les démocraties du Nord se rêvaient maîtres du monde. Si l’idée de l’élargissement n’est pas nouvelle, la crise a accéléré l’implosion du G8». A L’Aquila, les résultats n’ont pas été à la hauteur des défis. Néanmoins, une conclusion satisfaisante et pas des moindres s’est imposée, à savoir le retour des Etats dans l’économie. C’est grâce à leur intervention que le désastre a pu être évité pour l’instant. Faut-il pour autant, s’attendre, logiquement, à une régulation de la globalisation? Cela me semble peu probable. C’est ce qui explique les raisons de l’addition des forums proposés(G8, G14, G20) susceptibles, chacun, d’aborder des thématiques différentes: (les mesures appropriées pour atténuer l’impact de la crise sur le développement, le commerce, les investissements et le développement, le marché du travail, le rôle de l’ONU dans les discussions internationales sur la réforme et le renforcement de l’architecture économique et financière internationale et les contributions du système des Nations unies dans la réponse à la crise, problèmes climatiques, matières premières) etc.
Les graves déséquilibres entre l’immense majorité de la planète et une minorité s’amplifient dangereusement et ne peuvent trouver une juste et durable solution à travers des formules qui ne font guère illusion. Derrière la multiplication des propositions et de sigles se cache une bataille politique pour déterminer quelle est l’instance internationale qui aura la légitimité de formuler des réponses à la crise globale que subit notre planète.

Quels choix? Pour quelles perspectives?
Face à ce nouvel ordre mondial en gestation et aux nouvelles perspectives, quel sera notre avenir? Quelle place pour l’Algérie et de façon générale pour l’Afrique et les Non-alignés? Comment assurer les meilleures chances à l’Algérie et à l’Afrique dans ce contexte économique récessionniste et de crise mondiale multiforme? Comment s’adapter dans le cadre de l’interdépendance qui résulte de la mondialisation? Quelles corrections apporter au déficit de gouvernance mondiale? Avec quelle stratégie et quels moyens? Le terme «non aligné» est-il approprié au contexte international actuel? Quelles relations entre le non-alignement et l’altermondialisme? Par-delà ces questions, il est urgent de penser le monde de demain avec ses défis considérables qui constituent autant de ruptures historiques. Plus que jamais, des réformes courageuses tant économiques que politiques sont nécessaires dans l’ensemble de nos pays pour éviter que le fossé actuel ne devienne un écueil infranchissable. Ces questions, et certainement tant d’autres, méritent une sérieuse réflexion, des réponses cohérentes et solidaires si l’on veut que notre continent mérite respect et crédibilité. Selon M.Védrine, le G20 ne peut laisser indifférent du fait qu’il représente plus de 80% du PNB mondial mais sera difficilement un succès «parce que 172 pays, sur les 192 membres de l’ONU, restent encore exclus de ce club fermé. On s’achemine vers un système baroque fait de multiplication de « G » dans tous les sens. Mais pour autant, pas de gouvernance ni de communauté internationales. Pas de solutions ni de préconisations globales. Parce qu’il n’y a pas d’autorité mondiale, pas de vainqueur, comme après la guerre. Pas d’harmonisation d’un monde fondé sur des valeurs communes». Doit-on accepter que vingt pays s’arrogent, implicitement, le droit de parler au nom des 172 autres même s’ils représentent plus de 80% de la richesse mondiale? Face à cette situation et pour mettre les 172 pays dans le circuit de la décision, le président de l’Assemblée générale de l’ONU, jusqu’en septembre 2009, le Père Miguel d’Escoto (Nicaragua), a désigné une commission présidée par l’Américain Joseph Stieglitz, prix Nobel d’économie 2001, pour élaborer un rapport sur la réforme du système monétaire et financier international. Analysant les causes de la crise, une semaine avant la réunion du G20 à Londres en avril 2009, la commission Stieglitz incrimine «la disparité croissante des revenus dans la plupart des pays» et dénonce les «postulats erronés» que sont «des marchés efficients et autocorrecteurs». Cette commission propose également «de ne pas confier les solutions de la crise aux organismes qui ont été une partie de la cause de la crise» et de mener les nécessaires réformes, non pas dans le cadre du G8 ou G20 mais d’un G192 qui regrouperait tous les pays membres des Nations unies. La consultation mondiale organisée auprès d’une centaine d’ONG des Nations unies par la commission Stieglitz a mis également en évidence que si «l’impact de la crise est mondial, sa responsabilité première incombe aux pays développés, qui doivent entreprendre les changements les plus importants». Les ONG ont insisté sur la nécessité de démocratiser la gouvernance économique mondiale, sous l’égide des Nations unies et non d’un groupe restreint de pays, comme le G20 s’apprête à le faire. Le système de régulation financière doit être universel, les paradis fiscaux et le mécanisme bancaire offshore doivent être éradiqués. Elles demandent un code de conduite onusien pour combattre l’évasion fiscale et la création d’une organisation internationale de la taxation sous l’égide de l’ONU. Elles souhaitent que l’évasion fiscale soit considérée comme un crime dans tous les pays et que les multinationales soient taxées efficacement. Elles demandent également la création de nouveaux droits de tirage spéciaux et d’un système de réserves basé sur une monnaie multilatérale. Enfin, ces ONG jugent nécessaire de conserver intacts les systèmes de protection sociale existants, malgré la crise. La conférence des Nations unies, convoquée à New York du 1er au 3 juin 2009, pour débattre de l’ensemble de ces points n’a pas été vraiment un succès. Seuls quelque 120 pays, principalement en voie de développement, ont participé aux travaux. De nombreux pays occidentaux ont dépêché des délégations de niveau modeste à l’image du secrétaire général des Nations unies qui ne semble pas accorder une évidente attention aux travaux de la commission Stieglitz.

Démocratiser la gouvernance mondiale
Du XVIIIe au XIXe siècle, les relations internationales eurent pour caractéristiques principales de la puissance et de l’équilibre. Du XIXe siècle au XXe siècle, c’est le nationalisme, fortement marqué par une volonté de liberté, d’égalité et de démocratie, qui émerge comme le moteur des relations internationales. La fin de l’Union soviétique en 1991 et le terrible attentat du 11 septembre 2001, ont marqué la fin d’une période de l’histoire internationale dite de coexistence pacifique. L’on peut considérer, si l’on ajoute la récente crise économique mondiale, que la planète est en phase de rupture géostratégique. Les pays en développement, soit la majorité des 192 Etats membres de l’ONU, paient le prix fort des conséquences d’une crise créée par le monde développé. Leur déficit financier pourrait aller jusqu’à 700 milliards de dollars, ce qui pousserait plus de 100 millions de personnes dans l’extrême pauvreté pendant toute la durée de la crise. Ils ne sont pourtant en rien à l’origine de la crise. Les pays développés, à l’origine de la crise, les «sanctionnent «en réduisant leur aide publique au développement: avec un retard de paiement de 20 Md$. Le FMI rappelle que les pays africains sont particulièrement frappés par la crise. Selon l’Unesco, 390 millions d’habitants de l’Afrique subsaharienne devraient voir leur niveau de vie chuter de 20%. Que deviennent les promesses des principaux pays développés d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, d’éviter les mesures protectionnistes supplémentaires et d’augmenter les ressources de prêt du FMI et de la Banque mondiale? Autre exemple: selon une étude de la Ligue arabe, les pays arabes dépensent 1,5 milliard de dollars pour la formation. Sur les 100.000 étudiants, entre Libanais, Syriens, Algériens, Irakiens, Jordaniens, Egyptiens, Tunisiens et Marocains, 70% des scientifiques préfèrent, à la fin de leur formation, l’exil vers l’Europe, les Etats-Unis et le Canada. Après la fuite des capitaux, la fuite des cerveaux. Joseph Stieglitz, prix Nobel d’économie et président de la commission, estime que «la crise actuelle offre l’opportunité de mener des réformes qui n’étaient pas concevables il y a quelques mois encore».
Insistant sur l’urgence de ces réformes, il pense que «quelle que soit la forme retenue, le nouveau mécanisme doit avoir une gouvernance plus démocratique et mieux représenter les pays en développement… Le système actuel est inéquitable et il contribue à l’instabilité financière. Pour se protéger de celle-ci, les pays en développement prêtent des milliards de dollars aux Etats-Unis, à un taux d’intérêt proche de zéro. Il ne peut y avoir de système de réserves stable avec un dollar volatil», relève le professeur Stieglitz qui propose de créer un conseil de coordination économique globale dans le cadre de l’ONU. Une sorte de «Conseil de sécurité pour l’économie», qui se réunirait chaque année et offrirait une alternative démocratique au G20. Ce conseil superviserait une instance de régulation financière et une autorité pour empêcher les multinationales de devenir trop grandes et de mettre en péril la compétition. Pour Kofi Annan, l’ancien secrétaire général de l’ONU: «…En parlant comme quelqu’un qui a tenté désespérément de réformer le Conseil de sécurité des Nations unies, je peux vous dire que cette réforme est difficile, mais essentielle.» World Economic Forum on Africa, 2009. Par-delà les clivages Nord-Sud et les déséquilibres qui en résultent, il convient de rappeler également que les chances de développement d’un grand nombre de pays du Sud sont grevées par l’absence d’une bonne gouvernance: cause principale d’importantes pertes économiques. Aucune solution durable et sérieuse ne peut être envisagée sans des changements profonds tant au niveau international que national pour parvenir de façon effective à l’instauration et au respect des règles qui conditionnent une bonne gouvernance.
Lors du 15e sommet des pays non-alignés de Charm El Cheikh (Egypte), le Président Bouteflika a rappelé que «dans un contexte mondial marqué par la globalisation, la participation de nos pays au processus de réflexion et de reconfiguration des relations économiques internationales est non seulement un droit mais aussi une exigence de bon sens» et assuré que «le nouvel ordre international que nous revendiquons est celui qui sera basé sur le respect scrupuleux des obligations qui incombent à tout un chacun en vertu de la Charte des Nations unies, en particulier notre engagement à vivre en paix et en sécurité les uns avec les autres dans un esprit de tolérance et de bon voisinage». L’élaboration d’une nouvelle gouvernance mondiale apparaît comme un devoir moral et une nécessité absolue dans un monde où tout est possible: le meilleur comme le pire. Il appartient aux principaux leaders du monde de définir un nouveau pacte social à travers une éthique universelle fondée sur les principes de la Déclaration des droits de l’homme et la Charte des Nations unies: cela est loin d’être une utopie. A quelques jours du prochain sommet du G20 à Pittsburgh, il est à souhaiter que tous les efforts seront tendus pour que les grands principes, maintes fois réaffirmés par les uns et les autres, soient traduits en mesures concrètes tant attendues.(L’Expression-23.09.09.)

(*) Ancien fonctionnaire de l’Unesco

Hamid OUSSEDIK (*)

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*Un nouvel ordre mondial face à la crise globale

 Au cours de ces dernières décennies, notamment dans la décennie 2000, le monde a traversé les crises les plus graves dans plusieurs secteurs de l’activité sociale : crise politique, crise économique et financière, crise climatique, crise endémique, pour ne parler que des plus visibles.Face à ces crises, les Etats ont adopté des mesures et des politiques qui sont souvent partielles et sectorielles et qui s’attaquent plus aux symptômes qu’à la source du mal. La conséquence est que ces politiques, précisément parce que sectorielles, n’ont pas eu les effets escomptés et ont au final plutôt aggravé la situation d’une décennie à l’autre. Le Sommet mondial de Pittsburgh (USA) sera une autre occasion de faire le bilan des politiques adoptées jusqu’à maintenant pour faire face à toutes ces crises et d’adopter une stratégie mondiale plus effective. Quel sera le menu sur la table des chefs d’Etat à la réunion de Pittsburgh ? Que sortira-t-il de ce Sommet ? Ce sont ces questions que tout le Monde (avec un grand et un petit « m ») se posent. Avant de tenter de « deviner » quelles sont les stratégies qui pourraient être adoptées lors de ce Sommet. Faisons d’abord un état des lieux dans le monde aujourd’hui en passant en revue les diverses crises qui le secouent.

La crise et ses diverses facettes

Il n’est bien entendu pas possible dans cet article de parler de l’ensemble des crises qui ébranlent le monde aujourd’hui. Parmi toutes ces crises, il y en a cependant qui sont plus déterminantes que d’autres en ce qu’elles ont un impact plus grand sur l’état actuel et l’avenir de notre planète. Ces crises sont principalement : la crise politique, la crise économique, la crise environnementale et la toute dernière, la crise pandémique. Il faut souligner dès le départ que ce n’est pas tant l’acuité individuelle de chacune de ces crises qui est importante mais l’effet combiné de toutes ces crises sur notre monde actuel et futur.Commençons par la crise politique. Celle-ci se manifeste aussi bien à l’intérieur des Etats que dans leurs relations entre eux. A l’intérieur des pays, des conflits d’ordre ethnique, religieux, économique, politique n’arrêtent pas d’émerger ça et là, avec pour effet des centaines, voire des milliers de blessés et de morts presque quotidiennement non seulement en Afrique mais aussi en Irak, Afghanistan, Palestine, et dans d’autres régions du monde.

Une des formes récentes de ces conflits est ce qu’on appelle le terrorisme, qui fait des milliers de victimes et qui n’épargne aucune région du monde avec bien sûr un impact plus grand dans les continents dits en développement. A l’extérieur, les guerres inter-Etats sont observées fréquemment partout dans le monde, avec là encore une fréquence plus grande dans les pays en développement, notamment en Afrique, Asie et Amérique Latine. La dernière en date est la guerre menée par l’Etat hébreu contre la population palestinienne à Ghaza, détruisant hôpitaux, écoles et autres infrastructures de base et faisant plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés et handicapés. Tournons-nous maintenant vers une autre crise : la crise économique dont le volet le plus grave est la crise financière qui est apparue à la surface l’été dernier mais qui a ses origines plus profondes dans le laisser-faire/laisser-aller des années qui ont précédé.

Cette crise est considérée comme tellement grave que certains observateurs et experts l’ont comparée avec la crise de 1929. Cette crise, qui a ses origines apparentes dans le secteur de l’immobilier (crise dite des sub-prime) trouve en réalité ses racines dans le dérèglement du système financier dans son ensemble et l’incapacité des instances financières internationales (FMI, Banque Mondiale et les Banques Centrales des Etats) de réguler les flux financiers et monétaires internationaux. Cette crise, qui est caractérisée comme financière, a eu son lot d’effets : faillites d’entreprises parfois de dimension mondiale (General Motors, Lehmann Brothers, AIG, pour ne citer que quelques-unes), licenciements de milliers, voire de millions de travailleurs partout dans le monde, aggravant le chômage qui avait déjà atteint des taux à deux chiffres. La troisième crise que connaît le monde aujourd’hui, mais qui est, elle aussi, le résultat des politiques énergétiques, productrices et consommatrices passées, est la crise environnementale, dite aussi crise climatique.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que cette crise, en apparence naturelle, est provoquée par les politiques économiques et énergétiques adoptées par les Etats et l’absence d’une régulation mondiale de ces politiques. La conséquence est que la Terre, espace de vie des hommes, a subi des changements tels qu’il devient de plus en plus difficile d’y vivre, entraînant des maladies nouvelles mais aussi la résurgence de maladies anciennes qu’on croyait disparus. Cette crise se manifeste aussi par un épuisement des ressources naturelles, ce qui risque de menacer l’existence-même des humains qui voient leur part du gâteau se réduire de plus en plus comme une peau de chagrin. La dernière-née de ces crises, qui n’est pas la moindre, est la crise pandémique de ces derniers mois : la grippe H1N1, communément appelée grippe porcine. Une grippe surpassant toutes les grippes jusque-là connues et qui n’a fait que commencer, le pire, selon l’Organisation Mondiale de la Santé, étant prévu pour l’automne-hiver prochain.

Cette grippe, qui a commencé au Mexique et qui a touché le monde entier, a déjà fait des centaines de morts et des milliers de cas déclarés ou suspects. Selon les prévisions de l’OMS, il y a beaucoup de chance que cette grippe atteigne le degré le plus élevé de gravité dans les mois qui viennent. Avec tous les moyens que possèdent certaines puissances économiques mondiales comme les Etats-Unis, le Canada et l’Europe, cela n’a pas empêché que la grippe atteigne des populations de plus en plus nombreuses à travers le monde.

Les dégâts, comme d’habitude, sont toujours plus importants dans les pays pauvres d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. Cette crise, si elle s’aggrave, comme le prévoit l’OMS, peut mettre en péril des millions d’hommes, de femmes et d’enfants dans le monde, ce qui ne manquera pas d’ajouter au pessimisme déjà créé par les autres crises et de faire croire à l’incapacité des hommes de trouver des solutions aux problèmes qu’ils ont souvent créés eux-mêmes Que faut-il faire pour faire face à toutes ces crises ? Il faut tout de suite dire que ce n’est pas une tâche facile compte tenu de l’ampleur prise par ces crises et de leurs interrelations. En effet, la politique a un impact sur l’économie et vice-versa ; ces deux crises ont-elles-mêmes un effet sur l’environnement et l’inverse est vrai ; la santé (physique et mentale) est affectée par ces trois crises ensemble et a un effet, à son tour, sur les trois autres.

Prenons d’abord la politique. Que faire pour que cette dernière aille dans le sens du bien-être des peuples ? D’abord, il faut mettre de l’ordre dans chaque maison nationale. Il faut qu’à l’intérieur de chaque pays, le peuple soit représenté par des leaders élus démocratiquement. Il faut que les trois piliers institutionnels que sont l’Exécutif, le Judiciaire et Le Législatif fonctionnent de façon autonome et qu’il n’y ait plus d’intervention de l’un dans les décisions de l’autre. Ce n’est pas un exercice facile mais un processus qui prend du temps à être mis en place. Il faut aussi que les cultures et les ethnies locales soient reconnues par les régimes au pouvoir non comme un contre-pouvoir mais comme un composant intégrant de la richesse nationale. Il faut également que le pouvoir soit décentralisé et que les décisions locales ne soient plus prises par des pouvoirs omnipotents et omniprésents. Au niveau international, les relations entre Etats doivent être basées sur la souveraineté nationale et le respect des autres. Chaque pays doit être libre de choisir le système politique pour lequel a opté le peuple et aucun pays ne doit s’immiscer dans les affaires intérieures des autres.

L’ONU ne doit plus être une organisation géante sans pouvoir effectif. Elle doit désormais jouer un véritable rôle d’arbitre entre les nations et poursuivre les objectifs qui sont attendus d’elle : assurer la paix et favoriser le développement économique, social et culturel de toutes les nations sans exception, notamment des nations qui ont des difficultés à décoller comme les pays africains. Pour que cet objectif multiple et noble puisse être réalisé, il faut que l’ONU fasse elle-même l’objet de réformes. En particulier, il faut que le système actuel de prise de décision par un comité restreint de membres du Conseil dit de « Sécurité » (quelle sécurité ?) puisse s’ouvrir aux pays émergeants, notamment l’Inde et le Brésil, qui représentent une bonne partie de la population mondiale. C’est uniquement si ces trois remises en ordre-à l’intérieur des nations, dans les relations internationales et au sein de l’organisation mondiale de l’ONU-sont réalisées que le monde pourrait se développer économiquement, socialement, culturellement et écologiquement et vivre en paix.La deuxième réforme à entreprendre concerne l’économie et la finance, et cela également au double plan national et international.

L’équilibre rompu entre l’homme et la nature

Cette réforme doit se faire à deux niveaux : au niveau systémique et au niveau des institutions chargées de réguler l’économie et la finance mondiale (le FMI et la Banque Mondiale). Au niveau systémique, il est temps de reconnaître, comme on l’a fait avec le système socialo-communiste, que le système capitaliste classique n’est plus aussi performant qu’il était au 19e et 20e siècles et qu’il a besoin d’être régulé par un système de règles de fonctionnement et d’éthique. Cette régulation doit jouer aussi bien à l’intérieur de chaque économie nationale que dans les relations économiques et financières internationales. Concernant les institutions financières internationales, une réforme profonde doit toucher le FMI et la Banque Mondiale. Le FMI doit pouvoir trouver un modèle d’organisation et de régulation qui lui permette de jouer le rôle d’arbitrage dans les relations financières et monétaires internationales.

En particulier, il doit être en mesure d’établir une monnaie qui ne soit plus le monopole d’un quelconque Etat et qui remplisse les missions classiques d’une monnaie : moyen d’échange, étalon de la valeur des biens et services, valeur refuge. La Banque Mondiale doit aussi se réviser dans sa représentation et dans ses procédures. Elle doit être dotée d’une structure et d’outils tels qu’elle puisse réaliser l’objectif pour lequel elle a été créée depuis la Seconde Guerre Mondiale : aider au développement des pays, notamment des pays qui n’arrivent pas seuls à se mettre dans la phase du « take-off » et qui doivent être aidés à atteindre les autres phases du développement rostovien. Comme sur le plan politique, ce n’est qu’avec cette double réforme économique-au niveau systémique et au niveau des institutions financières internationales-que l’on évitera les crises comme celle que le monde vient de connaître.Le troisième volet de la réforme mondiale se situe au plan environnemental.

Jusqu’à ces dernières années, la théorie classique considérait que le développement économique allait automatiquement entraîner le bien-être des nations prises individuellement et collectivement. Malheureusement l’expérience des quatre dernières décennies a montré que cela n’est pas vrai. Au contraire, le développement économique souvent « sauvage » a eu pour effet de rompre l’équilibre qui existait entre la Nature et l’Homme en dégradant les deux. On assiste en particulier à un épuisement des ressources naturelles dont l’homme a besoin pour sa survie à long terme. L’exploitation effrénée de la Nature s’est retournée contre l’exploiteur lui-même qui non seulement expérimente une rareté de plus en plus grande des ressources naturelles mais aussi connaît des maladies dûes à la pollution des eaux et de l’atmosphère, au changement climatique et à la disparition des espèces végétales et animales qui jouaient un rôle dans la mise en harmonie de l’Homme et de la Nature.

Le monde ne doit donc plus penser uniquement en termes économiques mais aussi en termes écologiques et se dire que l’on peut faire l’un avec l’autre et non l’un sans l’autre. Arriver à un équilibre entre les deux « E » (le « E » de Economie et le « E » de Ecologie) et ne plus les considérer comme des ennemis mais comme des amis est une nécessité vitale de la symbiose nécessaire entre l’Homme et la Nature. Une des réformes à entreprendre pour rétablir cet équilibre est de créer une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME)-qui semble rimer avec Homme-dont l’objectif est de faire que la planète soit plus vivable. Enfin, et ce n’est pas le moindre, il faudrait réfléchir à un nouveau système de santé à l’échelle mondiale. Cette réforme part du postulat de base selon lequel si l’homme n’a pas une bonne santé (physique et mentale) il ne pourra pas entreprendre les activités qui lui permettent de survivre et de se développer. Or lorsqu’on fait une analyse de la situation dans ce domaine stratégique, on constate que le monde connaît une évolution constante et alarmante des maladies, non seulement de nouvelles maladies mais d’anciennes maladies qui refont surface, notamment dans les pays en développement.

Parmi ces maladies, la toute dernière est la grippe H1N1 dite grippe porcine. La dissémination rapide de cette dernière dans presque tous les pays du monde a montré l’incapacité des pouvoirs publics nationaux et des organisations internationales, avec à leur tête l’OMS, de contrecarrer l’expansion de ces maladies et encore moins de les prévenir. Une nouvelle réflexion dans ce domaine doit être engagée par les pays individuellement et à l’échelle globale pour créer un système de prévention de ces maladies. Pour cela, il faut que le monde ait le courage de transférer les sommes astronomiques d’argent et de ressources naturelles et humaines utilisées pour des guerres dévastatrices vers les centres de recherche, les hôpitaux et les organisations humanitaires. Si ce renversement de tendance n’est pas opéré, le nombre de malades et d’handicapés n’arrêterait pas de croître et on devra alors engouffrer des sommes d’argent et de ressources encore plus grandes pour prendre en charge les catégories de populations atteintes.

En conclusion, il faut dire encore une fois que ces réformes ne sont pas les seules et qu’elles-mêmes vont entraîner des réformes dans d’autres domaines reliés, qu’elles ne sont pas faciles à entreprendre, qu’elles vont prendre du temps pour mûrir, et qu’elles demandent du courage de la part de ceux-au niveau national comme au niveau international-qui ont la destinée du monde entre les mains. En même temps, si ces réformes ne sont pas engagées-et de surcroît le plus tôt possible, c’est-à-dire aujourd’hui-alors personne ne pourra dire de façon certaine ce que sera le monde de demain. Nous osons cependant émettre l’espoir que, lors de la réunion du G20 à Pittsburgh, cette fois-ci, la prise de conscience sera déclenchée, mais pas seulement cela, que ces réformes soient mises sur les rails en vue d’un monde où il fera bon vivre.(El Watan-30.09.09.)Par Dr. Arezki Ighemat  : Docteur en économie, professeur d’économie et de marketing




4 commentaires

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