Combien coûte la diffusion d’un film algérien?

*«Le cinéma blanchit l’argent sale. L’argent sale noircit le cinéma.»
Michel Boujut – Extrait de La promenade du critique

Combien coûte un film algérien pour être diffusé à la télévision sur une chaîne maghrébine? Les prix diffèrent d’une télévision à l’autre. Pour les télévisions qui diffusent dans le Maghreb, les prix proposés sont effarants, voire ridicules, qui n’honorent pas le cinéma algérien. Ainsi Canal+ Overseas, qui dirige Canal Maghreb, offre la modique somme de 3000 euros pour la diffusion d’un film algérien. C’est ce qui est offert au producteur et réalisateur Amin Kaïs pour son film Affaire d’Hommes, diffusé durant le mois sacré du Ramadhan. Mais le producteur explique que ce prix est correct car son film n’est jamais sorti en salles, ni aux USA, ni en Europe, ni dans un pays arabe. Canal Plus Maghreb a offert 3000 euros (l’équivalent de plus 30 millions de centimes en Algérie) pour 29 passages sur 6 mois. C’est le tarif accordé par Canal Plus Maghreb pour les films qui n’avaient aucune vedette à l’affiche et n’ont pas de carrière commerciale et de parcours dans les festivals importants. Si le film était sorti au cinéma et avait fait plus de 1 million de spectateurs, les données auraient changé et ça coûterait pas loin des 180.000$ ou plus selon le poids des acteurs et du film et des prix obtenus. Pour sa part, Nessma TV proposait 5000$ pour deux années d’exclusivité (un contrat risqué et cheap, car en acceptant l’exclusivité, le producteur du film n’aura aucun droit de vendre le film durant cette période à d’autres chaînes de TV). Cette offre a été refusée par de nombreux producteurs algériens, qui n’ont pas accepté d’être otages de Nessma TV durant 2 ans. Nessma TV a même refusé le tarif de 7500$ pour 6 mois, proposé par un producteur algérien. Il faut savoir aussi que l’Entv offre une proposition commerciale plus importante que Nessma TV ou Canal+ Maghreb. Quand il s’agit d’un film algérien même sans carrière commerciale importante. L’Entv offre 1 million de dinars et peut aller jusqu’à 4 millions de dinars quand il s’agit d’un film à succès. Mais à l’Entv, cette option vise néanmoins à encourager les films algériens produits et finalisés par le ministère de la Culture. Une politique qui a été appliquée pour tous les films et téléfilms produits dans le cadre de l’«Année de l’Algérie en France» ou «Alger, capitale de la culture arabe». Il faut dire aussi que chaque producteur propose un montant et négocie le nombre et la durée de diffusion. Ces négociations sont parfois âpres et difficiles. Certains producteurs proposent l’équivalent du financement d’un nouveau film. Ce que refusent certaines chaînes de télévision. A Canal Plus Maghreb on affirme que 3000 euros, c’est aussi le même tarif accordé pour l’achat d’un film américain, sans succès. Donc, ce n’est pas une dévalorisation du cinéma algérien, mais bien une règle commerciale internationale. L’arnaque est dans la durée de diffusion (6 mois c’est moins long que 2 ans) et surtout et c’est le plus important: la territorialité du film. Le Maghreb (à la différence de l’Europe et de l’Amérique) est la région la moins coûteuse en droits de diffusion des films occidentaux. Les droits de diffusion des films algériens coproduits avec les Français sont également négociés avec des entreprises françaises qui obligent les diffuseurs maghrébins à supprimer les sous-titres en français, car elle vise un public maghrébin et non français. On se souvient qu’en achetant les droits de diffusion et d’exploitation de ses films pour la région d’Asie, notamment au Japon, Alain Delon était devenu plus riche et célèbre. Son producteur a mal calculé les dividendes.

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