La journée mondiale de la liberté de la presse
**Paroles de journalistes….
Pour retracer le parcours de la presse algérienne en général et la presse indépendante en particulier depuis l’application du Code de l’information de 1990, il est important d’évoquer en toute objectivité la question de l’éthique et de la déontologie. On assiste étrangement aujourd’hui au piétinement des règles de l’éthique et de la déontologie. Diffamation, plagiat ou encore outrage. Certains journalistes n’en font qu’à leur tête. Les exemples sont multiples et multiformes. Prenons pour exemple le phénomène du plagiat qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Les journalistes ont leur mot à dire. «Le plagiat autrement dit le «copier – coller» selon Tarik Hafid, journaliste au quotidien indépendant «le Soir d’Algérie» est d’abord «une question d’éducation dans la mesure où ceci est assimilé au vol». «Ce qui signifie que, les personnes éduquées n’iront pas jusqu’à voler ce qui ne leur appartient pas», a-t-il souligné. Force est de reconnaître que la profession n’évolue pas dans le bon sens sans l’accompagnement d’un cadre juridique à même de réglementer la corporation, a-t- renchéri. Ce dernier a soulevé un autre point, celui du mouvement syndical réduit. Il faudrait, selon lui, élargir les mouvements syndicaux, pour permettre aux différents titres de faire le choix. En somme le journaliste algérien fait un bon travail en dépit des difficultés qu’il rencontre au quotidien. Il faut dire que les journalistes algériens ne sont pas épargnés par les autres soucis de la vie, «il n’est pas super citoyen», seulement le marasme de ceux-ci est exacerbé par les aléas du métier notamment le surmenage et l’accès à l’information. Ce genre de contrariétés n’émane pas uniquement des institutions étatiques mais également de celles qui relèvent du secteur privé, a-t-il souligné. De son côté Lynda Bouadma, journaliste à la chaîne III de la Radio nationale, estime que le vide juridique y est pour certaines dérives auxquelles font face les journalistes notamment les femmes. «Nous sommes exposées à un plus, à des pressions par rapport à l’homme, à des réflexions machistes voire du harcèlement sexuel», a-t-elle précisé. «Ce serait bien s’il y avait une loi sur l’exercice de la profession, à condition que celle-ci soit élaborée en concertation avec les journalistes». Sur un autre chapitre, notre interlocutrice dira qu’au bout de 20 ans de lutte, le journaliste vit «toujours dans une grande précarité». Bien entendu l’entrave majeure est liée à la liberté d’expression. «Ce n’est pas évident que l’on exerce ce métier dans une situation politique comme la notre», les orientations des uns et des autres font que la liberté de la presse soit bafouée, a-telle soutenu. Lynda Bouadma, qui anime une émission qui s’intitule «carte blanche» a tenu à émettre son souhait de traiter un jour le dossier des disparus dans son émission en toute liberté. Seul le journaliste peut jouer le rôle de médiateur entre le citoyen et les pouvoirs publics, a-t-elle conclu. (Le Courrier d’Algérie-03.05.2010.)
**Précisions utiles
Relativité. L’occasion de parler de notre métier de journaliste nous est offerte deux fois par an. La première, le 3 mai, comme c’était le cas hier, puisque c’est la Journée internationale de la presse et la seconde le 22 octobre qui est la Journée nationale de la presse instituée par le président de la République en 2013. Comme il faut être ordonné, nous nous consacrerons cette fois, à la presse du monde entier. Mais avant, une précision s’impose. Lorsqu’il est question de presse, la tendance dominante est de n’y voir que le journaliste. Les éditeurs et les lecteurs en sont écartés sans raison. Pourtant, la liberté d’expression dont peut jouir le journaliste est confinée à l’intérieur de la ligne éditoriale de l’organe où il exerce. Pourtant aussi, le seul juge du bon ou du mauvais média, du bon ou du mauvais journaliste est sans conteste le «consommateur», c’est-à-dire le lecteur. Même si on oublie de lui demander son avis, il est certain qu’il a une idée tranchée sur la question. C’est tellement vrai que sans lui, l’audimat n’aurait pas été créé. C’est tellement vrai que c’est lui qui fait et défait les ventes de journaux. Dit plus simplement, l’information est un produit comme un autre qui tient son label de qualité des lecteurs. Ces précisions vont être utiles pour la suite. Donc et comme nous l’avons dit, c’est la Journée internationale qui a été célébrée hier. Un moment propice pour faire l’état des lieux et de santé de la presse dans le monde. Le moins que l’on puisse dire est qu’aucun pays au monde n’a la palme de la liberté d’expression. Pas même aux Etats-Unis. Pourquoi en serait-il autrement en Europe? Pour créer et maintenir en vie un média il faut de l’argent, beaucoup d’argent. Il est versé sous forme de publicité. Un véritable cordon ombilical entre la finance internationale et les médias. Pour défendre ses intérêts, cette même finance internationale utilise les médias qu’elle «nourrit». Et nous obtenons la fameuse ligne éditoriale avec laquelle est balisée la liberté d’expression. N’oublions pas que nous sommes dans un monde globalisé. C’est-à-dire que les plus grands médias internationaux sont de véritables multinationales. A ne pas confondre avec les classiques groupes de presse du passé. Le centre de décision n’est plus identifié. Il a été remplacé par une charte non écrite dans le plus style des loges. Il suffit pour s’en convaincre de suivre le traitement médiatique de certains dossiers «chauds». Avec les mêmes mots. Les mêmes images. Une même information avec des aspects occultés et d’autres montés en épingle. Pour être plus clair nous citerons les affaires (au pluriel) «DSK». Dans tous les procès, les victimes sont des femmes. Les médias, tous les médias ont pris le parti de se détourner de la souffrance de ces victimes. D’ailleurs, même les organisations les plus féministes se sont mises aux abonnés absents. Il n’y a jamais eu de notes adressées aux rédactions. Il y a des codes à la place. En général c’est un média «phare» qui donne le tempo. Il suffit de suivre sa «ligne». Et pas une tête ne doit sortir des rangs. Toute cette orchestration a des objectifs politiques. On peut prendre le cas du dossier libyen en 2011. Celui de la Syrie ou de l’Iran actuellement. Celui de la Russie la «méchante» et l’Ukraine «les gentils». On peut se demander pourquoi les médias, après avoir utilisé un temps (très court) le vocable de «Daesh» sont revenus strictement au terme «Etat islamique»? Les exemples s’étendent à l’infini. C’est pourquoi personne ne peut, à partir de l’étranger, nous faire la leçon. La liberté de la presse dans notre pays est totale. Les centaines de journaux et les dizaines de télés privées en témoignent. Reste la liberté d’expression (rien à voir avec la liberté de la presse) et dont le rayon d’action est délimité, dans tous les pays du monde, par une ligne éditoriale. Et le journaliste? Un petit, tout petit acteur!*Par Zouhir MEBARKI - Lundi 04 Mai 2015/ L’Expression
***Peut-on parler de liberté d’expression ? -L’avis des citoyens.
Mohamed, 45 ans, chef de service Il est inopportun de juger la liberté de l’expression en Algérie. Pour le faire il faut que le pays soit dans un état normal et nous sommes toujours dans un état d’urgence. Moi donc, je pense que la presse algérienne est toujours limitée par d’autres considérations. L’exemple que je peux citer dans ce sens est celui de plusieurs problèmes sociaux et de fond que la presse ne peut traiter. Cependant, il y a quelques plumes qui osent dire la vérité et cassent les tabous. Je salue tous ces journalistes et j’encourage d’autres à suivre leur chemin pour le bien de notre pays.
Inés, 35ans, enseignante universitaire La liberté de la presse est un élément important pour tout régime démocrate. Mais, le cas de notre pays est très différent. Au moment où on parle de la démocratie et de l’Etat de droit, la presse est étouffée de plus en plus et le journalisme devient plus banal et insensé. Je tiens à vous dire que le discours politique est complètement différent de la réalité. À mon avis, la seule façon pour assurer un équilibre politique est d’assurer un équilibre social car le citoyen est la bombe la plus dangereuse. Alors, je ne peux parler de liberté d’expression devant des faits cachés, étouffés et parfois même ignorés pour une raison ou une autre.
Cherif, 67ans, retraité La presse et la liberté de la presse demeure un sujet très sensible dans notre pays. À un moment donné, le journaliste évitait de critiquer les terroristes de crainte de la mort, mais, il faisait son travail convenablement. Aujourd’hui, le journaliste ne critique plus l’État de crainte de prison et le journal ne dépasse pas la ligne rouge pour éviter les problèmes financiers. Alors, ni le journal ni les journalistes ne sont dans un climat adéquat pour la bonne pratique de ce métier malgré quelques voix… Je pense qu’il est temps pour les professionnels du domaine et les « vraies » plumes de faire une halte devant les problèmes de ce secteur qui se dégrade de plus en plus.
Nadia, 39 ans, femme au foyer Comment peut-on parler de la liberté d’expression si des évènements très importants se passent dans notre pays sans qu’ils soient traités par la presse nationale. Moi, je suis à la maison la plupart du temps et je suis souvent les informations mais pas sur la télévision algérienne. Elle ne montre rien et ne parle que de ce qui est bien. Quant aux journaux, on lit souvent des mensonges démentis le lendemain par un autre journal. Cela n’empêche pas qu’il y a un ou deux journaux qui ont pu garder leur crédibilité.
Abderahmane, 27ans, journaliste Le journalisme dans notre pays manque énormément de professionnalisme. On remarque une dégradation flagrante ces dernières années et aucune mesure n’a été prise pour mettre fin à un tel état de fait. Quant à la liberté d’expression, c’est vraiment illogique ce qu’on voit et ce qu’on entend. On médiatise ce que les autorités veulent qu’on médiatise et on est souvent éloigné de ce qui se passe dans les coulisses. (Courrier d’Algérie-03.05.2010.)
***Journaliste, métier des turpitudes.
Un jour, le responsable régional d’un quotidien national invitait ses collègues à réaliser un dossier sur le phénomène du travail au noir qui fait fureur dans le pays. C’est alors qu’un confrère se lève et affirme sans froisser sourcils : il suffit que chacun de nous fasse le portrait de l’autre et le dossier est ficelé. Ledit responsable lèvera la séance aussitôt tant le jeune correspondant venait d’étaler une réalité fort malheureusement légion dans le paysage médiatique national et qui renseigne on ne peut plus clairement sur la cacophonie qui y règne à contrario de ce que pense le simple lecteur qui voit en les médias une sorte de citadelle où il y fait bon vivre. En effet, s’il y a une corporation, dans notre pays, qui cultive bien de paradoxes, elle ne saurait être autre que celle de la presse. Quatrième pouvoir sous d’autres cieux avec la capacité de faire tomber des «certitudes», elle se retrouve, chez nous, loin de ses missions d’influer sur le cours des événements. Perçus comme faisant partie ou, tout au moins gravitant à la périphérie de la classe aisée, à l’abri donc du besoin, les journalistes se heurtent à un quotidien des plus aléatoires. À la pression de tout instant que suppose ce métier de toutes les turpitudes, ce qui fait que nombre d’entre eux quittent ce bas monde trop précocement, en témoignent les nombreux départs enregistrés tout dernièrement, les gens de la presse sont confrontés à un autre aléa et non des moindres. Rares sont les journalistes qui arrivent, en effet, à boucler leurs fins de mois sans recourir à des prêts ou des crédits. Contraints de s’abriter dans des chambres d’hôtels ou, pour nombre d’entre eux, dans des hammams, ils subissent chaque jour que Dieu fait, une pression des plus stressantes qui a, le plus souvent, eu raison de bien de confrères dont certains souffrent en silence en traînant des maladies incurables, s’attachant néanmoins à cette profession qui leur coule dans les veines. Le tout, en contrepartie d’une misérable mensualité et d’une carrière des plus aléatoires sans, dans de nombreux cas, couverture sociale. Et le summum du comble est que ces journalistes se retrouvent à l’avant-garde de tous les combats et de toutes les luttes syndicales menées par les diverses corporations du pays, dénonçant l’injustice sous toutes ses formes, passant sous silence et oubliant leur situation faite d’un présent aléatoire doublé d’un avenir incertain. (Courrier d’Algérie)
***médias algériens : mi-figue mi-raisin.
Cela fait vingt ans que la presse écrite indépendante a investi le paysage médiatique en Algérie. De l’avènement des premiers canards, à la promiscuité de la presse écrite avec celle du web, en passant par une presse où le sang des journalistes s’est substitué à l’encre, l’aventure de la presse privée, si semée d’embûches soit-elle, mérite d’être reconstituée en cette Journée mondiale de la liberté de la presse. Ayant vu le jour durant une période exceptionnelle de l’histoire contemporaine de l’Algérie, au moment où grâce à la révolte populaire d’octobre 1988, l’Algérie s’est frayée un chemin vers le pluralisme politique et la démocratie, la presse écrite indépendante et privée est tout de suite devenue incontournable dans la vie quotidienne des Algériens. Si La Nation, El Manar, El Haq, Libre Algérie… ont vite mis les clés sous le paillasson, sous le poids d’une certaine logique commerciale voilée, plusieurs autres titres ont pu survivre et même devenir preuve de réussite inégalée. En 1990, étant donné que le droit constitutionnel permet à tout citoyen, ou parti politique de créer un journal, un mois après avoir déposé un dossier auprès du procureur de la République, plus de 80 titres, 19 quotidiens, 38 hebdomadaires ainsi que 32 autres publications de différentes périodicités, ont façonné le paysage médiatique et ce, malgré la mainmise des autorités sur l’impression et la diffusion de la presse. À l’époque, le journaliste n’était pas seulement un agent d’information, il était assimilé souvent à un intellectuel ou à un garde-de-fou des valeurs démocratiques, ce qui a conféré au métier du journaliste un statut social et une crédibilité incontestée. La liberté d’opinion, la liberté mentale et d’expression ainsi que les débats contradictoires n’ont trouvé refuge aussi serein qu’au sein des colonnes des titres de journaux. Cet engagement de la presse pour les libertés individuelles et collectives face à la recrudescence de l’idéologie extrémiste des islamistes a été chèrement payé. Plus de 100 journalistes et professionnels de l’information, cibles privilégiées du terrorisme, ont été assassinés en Algérie depuis le 26 mai 1993. Tahar Djaout, directeur de Ruptures, Ismaïl Yefsah, journaliste à l’Entv, Saïd Mekbel, directeur du Matin, Mohamed Abderrahmani, directeur d’El Moudjahid, Rachida Hammadi, Entv, Saïd Tazrout, journaliste au Matin, Omar Ouartilane, rédacteur en chef d’El Khabar, Allaoua Aït-Mebarki, directeur de la rédaction du Soir d’Algérie, Dalila Drideche du quotidien Le Pays… Malheureusement la liste des journalistes assassinés est bien longue pour les citer tous. Nous ne manquerons pas de rappeler la mémoire de ceux portés disparus, à l’exemple de Djamel-Eddine Fahassi de la Radio nationale, disparu depuis le 8 mars 1995, et Aziz Bouabdallah du journal arabophone El Alem Essiyassi (Le Monde politique), enlevé à son domicile à Chevalley (Hauteurs d’Alger) le 12 avril 1997. La peur d’être pris comme cible au quotidien n’a pas pour autant réduit au silence les journalistes. Ils défiaient la mort à coup de plume afin que l’Algérie et les algériens résistent aux agressions meurtrières des hordes terroristes. À l’aube du nouveau millénaire, le journaliste algérien ne traînait plus comme un boulet la frayeur et l’anxiété qui le déprimaient durant les années 90. La peur a en effet changé de nature et de source. Durant les années 2000, si la presse en général se porte mal, sa liberté est tout aussi mal en point étant donné que le journaliste est confronté au délit de presse. Un délit est passible de peines de prison et d’amende. L’article 144 bis du Code pénal algérien, mis en vigueur depuis 2001, prévoit des peines de prison allant de 2 à 12 ans et des amendes allant de 50 000 à 250 000 DA pour tout propos jugé diffamatoire. L’alinéa 1 du même article précise que si «l’outrage » est le fait d’une publication quelle que soit sa périodicité, les poursuites prévues à l’article précédent sont engagées contre le rédacteur de l’article, les responsables de la publication et, fait nouveau dans la législation algérienne, contre la publication elle-même. La pénalisation du délit de presse est devenue ainsi l’une des plus importantes des entraves de l’exercice du métier de journaliste. Plusieurs poursuites judiciaires ont été engagées à l’encontre des journalistes et de leurs directeurs de rédaction. Dans un message aux journalistes à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’année écoulée, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a confirmé que la loi sur l’information promulguée en 1990 sera révisée. Il a affirmé que «la presse ne doit pas se complaire dans le rôle d’intermédiaire inerte, ni accepter d’être un outil entre des mains de rentiers pour l’utiliser à des fins autres que celles servant la Nation». Par ailleurs, le gouvernement envisage d’attribuer une carte professionnelle aux journalistes permettant ainsi un assainissement de leurs rangs. La presse algérienne tient le haut du pavé au Maghreb avec un tirage quotidien d’environ deux millions d’exemplaires par jour. Aujourd’hui, la presse écrite est présente avec plus de 70 journaux, revues spécialisées et sites web d’information tous titres confondus entre arabophones et francophones. Elle emploie actuellement environ quelque 2 000 journalistes. Mais cette pluralité ne signifie pas pour autant liberté. La surface dédiée à la publicité, selon les analystes, constitue actuellement un «danger aux couleurs et à l’odeur de l’argent» qui pèse lourdement sur la liberté de la presse, non seulement en Algérie, mais un phénomène mondial qui gangrène le paysage médiatique. Par ailleurs, les quotidiens El Khabar et El Watan sont parvenus à créer une société indépendante qui gère deux imprimeries («Algérie Diffusion & Impression de presse»), mais seuls ces deux quotidiens sont concernés. Quant aux autres titres, ils continuent de dépendre entièrement des imprimeries de l’État. Ces deux quotidiens ont pu par la suite et c’est une première dans l’histoire de la presse algérienne faire paraître El Watan Vendredi (Week-end) et El Khabar El Djoumaâ, le jour de vendredi. Il faut dire que la presse algérienne a accompli un parcours de combattant depuis l’ouverture du champ d’expression écrite au privé. Actuellement, plusieurs acquis ont été arrachés en dépit de l’avènement d’autres entraves. L’engagement doit toujours être de rigueur pour une Algérie pluraliste et démocratique comme souhaitée par les centaines de martyrs de la liberté de l’expression. (Le Courrier d’Algérie-03.05.2010.)
*** UN MÉTIER STRESSANT
La Journée de la presse ou celle de la liberté de la presse ? La nuance est de taille quand on sait que la commémoration de la première se limite à un aspect protocolaire que marquent des manifestations où des rencontres sportives et culturelles se font dans une ambiance bon enfant sans oublier le traditionnel dépôt de la gerbe de fleurs à l’espace dévolu à la mémoire, tandis que la seconde se propose de dresser un état des lieux en mettant en relief les libertés d’une corporation longtemps considérée comme le leader du monde arabe en la matière. Ainsi, au-delà de cette comparaison qui se fait dans une entité géographique, il convient de se poser la question de savoir si la presse nationale, tous statuts confondus, ne nourrit d’autre ambition que celle de trôner dans la région fusse-t-elle aussi vaste que celle qui englobe l’arabité alors qu’il eut été plus légitime qu’elle s’inscrive dans une compétition mondiale : qu’ont donc à envier nos journaux aux tabloïd anglo-saxons qui ouvrent quotidiennement sur les secrets d’alcôve des stars et autres sommités politiques? À beaucoup de parutions françaises qui, d’une sombre affaire privée au sein du couple présidentiel, en font le menu des briefings quotidiens avec déclarations, faux scoops et démentis ? Il reste, cependant, que vingt années dans la vie d’une presse, c’est à la fois très peu et beaucoup pour juger du chemin parcouru. Peu, parce que les bilans supposent l’achèvement d’un processus et nos journaux étant la plupart en gestation, il devient donc incongru de parler de bilan. Beaucoup, parce que ces deux décennies qui furent marquées par l’ouverture ont été porteuses de drames au sein d’une corporation qui a payé le lourd tribut d’un engagement pour une Algérie républicaine. Très peu de pays -et pas uniquement dans le monde arabe- peuvent se targuer d’avoir payé une telle facture en vies humaines au sein d’une profession qui n’avait que cela pour se défendre, sa plume, celle-là que craignirent les hordes d’assassins quand ils décrétèrent la mise à mort du premier journaliste à tomber au champ d’horreur : Tahar Djaout est parti à seulement quelques jours de cette journée qui consacre un corps de métier aux multiples dangers. Impossible d’oublier cette période où les journalistes changeaient chaque soir d’adresse et s’en venaient chaque matin au travail en se méfiant du moindre quidam. Et si aujourd’hui, cette période noire est loin derrière, il reste que la famille de la presse fait face à d’autres difficultés qui, si elles ne sont pas fatales pour les hommes, sont comme une épée au-dessus des publications. La publicité constitue sans aucun doute la principale difficulté- ou facilité selon les titres- et si des journaux ont la baraka avec l’institution qui distribue les pages bien rémunérées, beaucoup de titres ont fini par se rendre à l’évidence en admettant définitivement qu’on ne survit pas au manque de publicité, cette manne étatique. Cela dit, les journaux qui survivent -ou qui vivent dans l’aisance- ne sont pas à l’abri des critiques avec une gestion d’un personnel précarisé, astreint au statut de stagiaire pour beaucoup, donc avec un salaire nettement insuffisant. Le paradoxe au sein d’une corporation qui a, des revendications salariales, fait son credo en publiant régulièrement le désarroi des travailleurs de la santé, de l’éducation nationale ainsi que d’autres professions, parfois sur un ton très virulent, dénonçant les conditions de vie des professeurs, des médecins… alors que des journalistes, qui émargent au sein des rédactions, n’arrivent pas à vivre décemment. C’est que le métier de journaliste est l’un des plus contraignants et des plus stressants comme en témoignent des sondages hélas confirmés par les faits : on meurt jeune au sein de la presse et de temps à autre, tombe une macabre nouvelle qui annonce le décès d’un confrère, d’une consoeur dont l’âge ne dépasse pas la soixantaine. Une charge émotive propre à une profession qui subit toutes sortes de pathologies, du cancer à l’infarctus en passant par la dépression et cette hypertension ravageurs. On parle de temps à autre de statut du journaliste, de syndicat… Mais les choses restent en l’état pour la majorité des scribes. Sans oublier ces correspondants et ces très nombreux collaborateurs du pays profond comme on dit, soumis aux humeurs des autorités locales, vivant loin des rédactions et subissant parfois des menaces de la part des gros pontes locaux. Certains d’entre eux ont déjà lourdement payé la liberté de dénoncer les petites affaires des mafias locales. Quant aux mafias nationales, c’est une autre paire de manches. Une autre paire de manchettes. (Courrier d’Algérie-03.05.2010.)
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*Journée mondiale de la liberté de presse: le 3 mai
« Le journalisme est un moyen de débattre de manière éclairée sur un large éventail de questions de développement depuis les défis environnementaux et le progrès scientifique jusqu’à l’égalité des genres,en passant par la participation des jeunes et la consolidation de la paix. Ce n’est que lorsque les journalistes sont libres de surveiller, d’enquêter et de critiquer les politiques et les actions qu’une bonne gouvernance peut exister. »*la Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, et de la Directrice générale de l’UNESCO, Mme Irina Bokova
***La liberté de la presse est considérée comme une pierre angulaire des droits de la personne et comme une assurance que les autres droits seront respectés. Elle favorise la transparence et une bonne gouvernance et représente, pour la société, la garantie que régnera une véritable justice. La liberté de la presse est le pont qui relie la compréhension et le savoir. Elle est essentielle à l’échange d’idées entre les nations et les cultures, qui est lui-même une condition menant à une compréhension et à une coopération durables.
La Journée mondiale de la liberté de presse a été instaurée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1993 après la tenue du Séminaire pour le développement d’une presse africaine indépendante et pluraliste.
Même si l’on célèbre depuis 1993 la Journée mondiale de la liberté de presse, celle-ci s’enracine encore plus loin dans l’histoire des Nations Unies. En effet, il est stipulé, dans l’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
Aujourd’hui, dans le monde entier, le 3 mai est devenu l’occasion d’informer le public à propos des violations du droit à la liberté d’expression et le moment de se rappeler que plusieurs journalistes risquent la mort ou la prison en transmettant la nouvelle aux gens.
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), qui coordonne chaque année les activités qui soulignent le 3 mai, la Journée mondiale de la liberté de presse, c’est :
- une journée d’action, qui favorise et permet de mettre sur pied des initiatives qui visent la défense de la liberté de la presse.
- une journée d’évaluation, afin de dresser le portrait de la liberté de la presse à travers le monde.
- une journée de rappel, qui permet de rappeler aux États le respect des engagements qu’ils ont pris envers la liberté de la presse.
- une journée d’alerte, pour alerter le public et accroître la sensibilisation à la cause de la liberté de la presse.
- une journée de réflexion, pour stimuler le débat parmi les professionnels des médias sur les problèmes qui touchent la liberté de la presse et l’éthique professionnelle.
- une journée commémorative en mémoire des journalistes qui ont perdu la vie pendant qu’ils exerçaient leur profession.
- une journée d’appui envers les médias qui sont victimes de mesures qui entravent la liberté de la presse ou qui visent à l’abolir.
*source:journee-mondiale.com
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Liberté de la presse : l’Algérie dans le rouge
L’Algérie à la 136 éme place sur 180 PAYS
*La liberté de l’information est fortement menacée en Algérie. C’est ce qu’a révélé un rapport publié, hier, par l’Organisation non gouvernementale (ONG) Reporters sans frontières (RSF), affirmant que cet état de vulnérabilité des médias algériens était devenu perceptible depuis l’élection présidentielle de 2014. “Les autorités continuent à verrouiller le paysage médiatique à travers l’étranglement financier des médias. Sous pressions économique et judiciaire, journalistes et médias peinent à remplir leur mission”, lit-on dans ce rapport qui classe l’Algérie à la 136e place sur 180 pays.
Avec une note de 42,83 en 2017, l’Algérie a glissé de 2 points, précise RSF, dans son classement mondial de la liberté de la presse 2018, alors que la Tunisie a gagné deux points
(97e place) pendant que le Maroc (135e place) a chuté de deux rangs. À titre illustratif, cette ONG a indiqué qu’“au cours de l’année 2017, des policiers ont arrêté le blogueur Merzoug Touati à Béjaïa, en Kabylie, après avoir interviewé un diplomate étranger. Le journaliste Saïd Chitour a été arrêté en juin par la police pour soupçons d’espionnage et de vente de documents classés secrets à des diplomates étrangers. L’affaire a été renvoyée devant une juridiction pénale en novembre”.
En se limitant à ces seuls exemples, cette ONG s’inquiète sur l’évolution qui prévaut en Algérie, notamment sur la crise financière qui a poussé plusieurs titres de la presse nationale à baisser rideau et à licencier des dizaines de journalistes, alors que d’autres médias qui paraissent encore n’arrivent pas à payer leurs salariés d’une façon régulière. Ce constat est d’autant plus édifiant à cause du monopole qu’exerce l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep) dans la répartition de la manne publicitaire pour étouffer les titres “hostiles” à la ligne du gouvernement. En usant de subterfuges très sournois, le gouvernement évite, à chaque fois, de relancer le débat relatif à la loi sur la publicité pour maintenir le cap. Cette manière d’exercer la pression et le chantage sur certains médias s’est également illustrée par la censure de certains sites Internet et des blogs par le gouvernement qui voyait une “nouvelle menace” émerger dans le paysage médiatique.
Pis encore, des médias payent chèrement le prix de leurs lignes éditoriales. Pour cause, même les annonceurs privés, comme les entreprises, les concessionnaires automobiles, le secteur des services et autres boîtes de communication subissent de fortes pressions dans le choix des médias quand il s’agissait d’insérer leur publicité. Ce classement mondial, qui évalue chaque année la situation du journalisme dans 180 pays, a indiqué qu’“un climat de haine s’installe de plus en plus. L’hostilité des dirigeants politiques envers les médias n’est plus l’apanage des seuls pays autoritaires comme la Turquie (157e) ou l’Égypte (161e), qui ont sombré dans la média-phobie au point de généraliser les accusations de terrorisme contre les journalistes et d’emprisonner arbitrairement tous ceux qui ne leur prêtent pas allégeance”. Pour cette ONG, même les chefs d’État, qui étaient démocratiquement élus, “voient la presse non plus comme un fondement essentiel de la démocratie, mais comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion”. Selon la carte du monde dressée par RSF, 21 pays sont placés en situation “très grave”, à l’image de la Chine (176e) ou de la Corée du Nord (180e). Et si le même rapport note quatre des plus forts reculs enregistrés cette année (République tchèque, la Slovaquie Malte et la Serbie), les États-Unis de Donald Trump, pays qui sacralise la liberté d’expression, ont perdu deux places (45e). Par ailleurs, RSF s’alarme de la multiplication des violences verbales contre la presse en Europe, où deux journalistes ont été assassinés ces derniers mois. Si la Norvège se maintient au premier rang dans le classement, “il y a une inquiétude très forte pour les démocraties européennes”, a estimé Christophe Deloire, secrétaire général de cette ONG. Celui-ci a indiqué que “ceux qui récusent la légitimité des journalistes jouent avec un feu politique extrêmement dangereux. Les démocraties ne meurent pas que par des coups d’État, mais elles peuvent mourir aussi à petit feu, et l’une des premières bûches, c’est généralement la haine envers les journalistes”.–liberte-algerie.com / jeudi 26 avril 2018
**Ce ardi 3 mai, c’est la Journée mondiale de la liberté de la presse. Célébrée depuis 25 ans, cette journée est l’occasion d’évaluer le respect de la liberté de la presse dans le monde, mais aussi de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie en faisant leur métier. 1jour1actu te propose un bilan de la liberté de la presse dans le monde.
Chaque année depuis 2002, l’association Reporters sans frontières (RSF) établit un classement mondial de la liberté de la presse. Ce classement est une liste de 180 pays : plus la liberté des journalistes est grande, mieux le pays est classé. Le dernier classement mondial de la liberté de la presse, publié par RSF le 20 avril dernier, montre que la liberté de la presse diminue dans le monde : cela signifie que les journalistes ont de plus en plus de mal à exercer leur métier, et donc que les citoyens ne sont pas toujours correctement informés.
La France, seulement 45e du classement Sur 180 pays, la France est classée 45e alors que, l’an dernier, elle était 38e. La perte de 7 places s’explique en partie par l’attentat contre Charlie hebdo le 7 janvier 2015, qui a coûté la vie à 9 journalistes. Mais ce mauvais classement est aussi lié à un manque d’indépendance de certains médias : en France, de nombreux journaux ou chaînes de télévision appartiennent à des hommes d’affaires très riches, qui pourraient être tentés d’influencer le travail des journalistes pour défendre leurs propres intérêts. La liberté de la presse recule sur le continent américain C’est sur le continent américain que la liberté de la presse a le plus reculé cette année. Selon RSF, ce recul est notamment dû aux nombreux assassinats de journalistes, en particulier au Mexique : la semaine dernière encore, le journaliste Francisco Pacheco Beltrán y a été tué devant chez lui, dans la ville de Taxco. Dans d’autres pays, comme en Colombie, le trafic de drogue rend le travail d’enquête des journalistes très dangereux. Au Panama, au Venezuela ou à Cuba, l’information est largement contrôlée par les dirigeants de l’État et les journalistes sont souvent surveillés par le gouvernement. Le difficile travail du journaliste dans les pays en crise Les reportages sont souvent impossibles dans certaines zones de guerre. C’est le cas en Syrie, en guerre depuis 5 ans et classée 177e : des journalistes y sont régulièrement enlevés ou tués pour les empêcher d’informer sur les combats ou la situation humanitaire. Autour de la Syrie, de nombreux pays, même s’ils ne sont pas en guerre, connaissent des situations de crise. Et pour maintenir la stabilité de leur pays, certains dirigeants en profitent pour limiter la liberté de la presse : c’est par exemple le cas en Iran et en Turquie, où des journalistes sont emprisonnés par le pouvoir, ou encore en Algérie, où des chaînes de télévision ont été obligées de fermer. Pourtant, dans cette zone, la liberté de la presse a progressé dans un pays : la Tunisie. Classée 96e, elle a gagné 30 places en un an. C’est la preuve que la liberté de la presse peut toujours être améliorée. Anne-Laure Thomas
**3 mai 2016-2018 -1jour1actu.com
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*Tous les ans, la Journée mondiale de la liberté de la presse permet de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse, d’évaluer la liberté de la presse à travers le monde, de défendre l’indépendance des médias et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession. Le theme 2014 : La liberté des medias pour un avenir meilleur : contribuer à l’agenda de développement post-2015. Le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. La date du 3 mai permet d’informer les citoyens sur les atteintes portées à la liberté de la presse. Dans des dizaines de pays à travers le monde, des publications sont censurées, condamnées, suspendues ou tout simplement n’ont plus le droit de paraître, alors que des journalistes, des rédacteurs en chef et des éditeurs sont harcelés, attaqués, détenus ou même tués. A la faveur de cette date, nous pouvons encourager et développer des initiatives en faveur de la liberté de la presse mais également évaluer l’état de la liberté de la presse à travers le monde. La Journée sert aussi de rappel aux gouvernements sur la nécessité de respecter leurs engagements en faveur de la liberté de la presse, de moment de réflexion pour les médias professionnels sur les questions relatives à la liberté de la presse et à la déontologie, de soutien pour les médias qui font l’objet de restrictions ou dont la liberté d’expression est muselée. C’est également une journée du souvenir pour les journalistes qui ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession. fr.unesco.org/ Lundi, 5 Mai 2014
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*La presse dans l’incertitude
L’année 2016 et le début de l’année en cours constituent l’une des périodes les plus sombres de la presse algérienne depuis la décennie 1990.
Le monde et l’Algérie célèbrent la Journée internationale de la liberté de la presse dans un climat particulier : en plus du champ des libertés qui se rétrécit comme une peau de chagrin, le monde des médias vit une incroyable mue. De la presse papier, qui vit dans d’innombrables difficultés, aux sites d’information en ligne qui ne disposent même pas de cadre réglementaire malgré une existence réelle, la presse algérienne baigne dans d’innombrables paradoxes.
L’année 2016 et le début de l’année en cours constituent l’une des périodes les plus sombres de la presse algérienne depuis la décennie 1990. Le recul de la place de l’Algérie dans le classement annuel de Reporters sans frontières n’est pas une invention. C’est le résultat d’une année marquée par des emprisonnements, des interpellations et des pressions diverses qu’exercent les autorités sur les journalistes et les organes de presse.
De l’affaire du rachat avorté des actions d’El Khabar par le groupe Cevital, l’emprisonnement des dirigeants de Ness Prod, la mort de Mohamed Tamalt en prison et des fermetures de journaux pour des raisons économiques, rien n’aura été épargné à la presse algérienne. Et pour ne rien laisser au hasard, les autorités s’attaquent, sans relâche, aux rares journaux encore crédibles en faisant pression sur les annonceurs afin d’étrangler financièrement les entreprises de presse.
La publicité a de tout temps été un moyen de pression redoutable employé par les autorités contre la presse. Il suffit d’un article ou d’une enquête qui déplaît aux autorités pour que la mamelle de la publicité publique soit tarie. Cela pendant que des médias, sans lecteurs, sont arrosés à coups de pages de publicité publique. La pratique n’a pas cessé même en ces temps de crise économique.
Cette démarche des autorités est liée notamment à l’absence d’une véritable loi qui régit la publicité dans le pays. Ce secteur est laissé à l’abandon et la seule initiative prise par l’ancien ministre, Abdelaziz Rahabi, a été tuée dans l’œuf. Cette anarchie qui règne dans la publicité s’ajoute aux difficultés dans lesquelles se débat la presse écrite. Ce segment des médias se meurt un peu partout dans le monde.
Il garde encore des marges de manœuvre en Algérie. Mais le dérèglement de la publicité et la percée des sites internet sont une réalité qui s’impose à tous. Cela a engendré la fermeture de beaucoup de journaux. D’autres publications sont déjà dans le rouge et seul le secours «politique» a réussi à les maintenir en vie.
Ces dérèglements se répercutent négativement sur la situation sociale des travailleurs du secteur. A commencer par les journalistes. A cause de la fermeture de médias, beaucoup d’entre eux se sont retrouvés au chômage. D’autres vivent dans une précarité permanente qui ne leur permet pas une grande liberté d’action. Cela rappelle que le travail des journalistes est un perpétuel combat qui se mène sur plusieurs fronts : contre l’ordre politique, économique et parfois sociétal. Et ce 3 mai n’est pas une fête, mais une étape pour se rappeler ces évidences.
**Ali Boukhlef / el watan / mercredi 03 mai 2017
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*Le dur métier des messageries
La mauvaise passe que traverse la corporation depuis quelques années déjà a obligé nombre d’entreprises du secteur à mettre la clé sous le paillasson.
La Journée mondiale de la presse est également l’occasion pour mettre en lumière l’un des maillons de la chaîne de production des journaux : le dur métier de la diffusion qui approvisionne le réseau de vente de la presse. L’heure est ainsi à rendre hommage à ces acteurs qui exercent dans l’ombre un métier pénible et qui vivent aujourd’hui des moments difficiles. Des moments qui révèlent la fragilité de leur écosystème.
A l’ouest du pays, le marché de la diffusion de la presse est partagé entre trois messageries qui coexistent depuis la mise sur pied de l’actuel écosystème qui a intégré 16 entreprises sous-traitantes de livraison. A Oran, trois petites entreprises sous-traitantes assurent la livraison des journaux. Ces entreprises emploient des salariés, entre livreurs, ficeleurs et chauffeurs qui travaillent toute la nuit. Leur travail commence dès 22h par une tournée à travers les imprimeries pour s’approvisionner en journaux avant de sillonner la ville avant la levée du jour. Le dernier buraliste est livré à 5h. Ceux qui approvisionnent les wilayas de l’Algérie profonde ne rentrent pas chez eux avant 13h après une longue nuit de labeur.
Dans le passé, toutes les activités liées à la distribution des journaux étaient assurées par les messageries. Mais la complexité des missions les a éloignées de toute rentabilité. Elles ont alors été contraintes de confier les activités de dépôt-livraison à des sous-traitants. La distribution de la presse nationale à travers l’ouest du pays est effectuée par tout un réseau : trois messageries de presse reçoivent les titres dans les imprimeries, puis répartissent les journaux entre les dépositaires, qui à leur tour les distribuent aux kiosques et autres marchands de journaux.
L’activité d’entreposage et de messagerie est très variée. C’est un métier polyvalent qui demande un énorme travail de logistique : réception, répartition, traitement, livraison des titres aux buralistes et suivi du réseau des agents de la vente. Et ce n’est pas tout : ils assurent aussi la récupération auprès des dépositaires des recettes des ventes, la remontée du produit des ventes aux éditeurs. Enfin, ils assurent la collecte des données de ventes et de l’ensemble des informations concernant les ventes.
La crise est là !
Depuis trois ans, la crise n’a épargné aucun maillon de la chaîne de production des journaux. Tous les organes de la presse écrite sans exception, arabophone ou francophone, à gros ou à modeste tirage, ont été durement affectés. La baisse des ventes a affecté toutes les entreprises éditrices, les imprimeurs, les messageries et enfin les livreurs.
Cette crise révèle la fragilité de toute la chaîne de production de la presse écrite. Le modèle algérien de distribution de la presse parviendra-t-il à se tirer de la mauvaise passe dans laquelle la baisse conjuguée des ventes de journaux et des capacités d’investissement des éditeurs le place depuis plusieurs années ? Avec la crise, toute la chaîne s’est enfoncée dans des difficultés sans précédent.
Confrontés à des coûts de structure exorbitants, en retard dans la modernisation de leurs réseaux, les messageries et les livreurs ont dû faire face à une grave crise. «Environ 25% des entreprises de livraison ont mis la clé sous le paillasson en abandonnant cette dure activité. C’est le cas notamment à Tlemcen, Mostaganem, Mascara ou encore à Saïda. Ces défections ont été évidemment remplacées par d’autres opérateurs», témoignent des livreurs. La baisse structurelle des ventes de la presse continue d’avoir des conséquences sur toute la filière. «Un journal francophone à gros tirage a vu ses volumes de vente chuter de plus de 50% depuis trois ans.
Pour d’autres journaux arabophones à gros tirage, cette chute vertigineuse atteint plus de 64%. Comme nous avons un statut de mandataire-commissionnaire et que nous sommes rémunérés par une commission calculée en pourcentage de la valeur faciale du titre vendu (prix de vente au public) de l’ordre de 20% de marge bénéficiaire, nos revenus se sont alors effondrés», témoignent les chefs d’entreprise de livraison.
Et de poursuivre : «Nos revenus se sont effondrés, car en plus de la baisse des ventes, les charges ont explosé : le prix du carburant, la maintenance de trois fourgons qui constituent notre flotte et le coût de la pièce de rechange font que nos fins de mois sont de plus en plus difficiles.» Les flux des grands quotidiens sont considérés comme «structurants» sur l’ensemble du réseau.
«Nos marges se maintiennent surtout grâce à la vente des journaux à gros tirage, car la distribution des organes à tirage modeste n’est pas du tout rentable», poursuivent les livreurs. «Pour nous les livreurs, la solution est surtout de travailler directement avec les éditeurs sans passer par les messageries intermédiaires», souhaitent-ils. Le redressement de cet écosystème fragile dépend de la capacité de tous les acteurs à s’entendre pour répartir de façon équitable les coûts et les revenus, tout en modernisant le réseau, notamment en opérant des synergies entre les segments d’activité.
**Cherif Lahdiri - el watan / mercredi 03 mai 2017
**********La concurrence du Web
Suivant une tendance mondiale engagée depuis plus d’une décennie, le paysage médiatique algérien est en pleine mutation. Grâce à internet, le public dispose d’un large éventail de sources d’information. Certes, la qualité est une valeur subjective, mais il est nécessaire de faire le tri.
Des pures players (sites d’information ne disposant pas d’édition papier) et autres blogs voient le jour pour répondre à une demande d’informations de plus en plus importante : le pays comptait 29,5 millions d’abonnés à l’internet (fixe et mobile) en 2016, contre 18,9 millions en 2015.
En parallèle à cette évolution, une offre surabondante de nouvelles est proposée par de nouveaux acteurs, pas forcément des journalistes, qui font des réseaux sociaux, notamment Facebook, leur support de prédilection. Le jeu en vaut la chandelle, puisque le réseau de Mark Zuckerberg compte pas moins de 17 millions d’utilisateurs algériens.
Mais face aux flux ininterrompus de nouvelles, le public se trouve parfois dépassé, voire complètement désorienté. Comment choisir ses sources dans cet univers informationnel exubérant et où la véracité n’est pas toujours garantie ? Les réponses sont souvent déterminées par l’âge, le niveau d’instruction et bien d’autres considérations d’ordre professionnel, socioculturel…
Mohamed, 29 ans, technicien dans une entreprise privée, s’informe en premier lieu sur les réseaux sociaux : «Je me suis abonné aux pages Facebook et comptes Twitter des grands journaux (papier) et de certaines chaînes de télévision privées. Je consulte également des sites d’information que je trouve plus ou moins sérieux.» Les médias en ligne offrent, dit-il, «la possibilité d’être continuellement informé presque en temps réel et à partir de n’importe quel endroit avec mon smartphone».
Khaled, syndicaliste, âgé de 33 ans, s’informe également sur le web, mais il considère que les pages Facebook et les blogs sont les meilleures sources d’information. «Les journaux et les chaînes de télévision ne rapportent pas toujours la vérité. Les médias publics font de la propagande pour défendre les intérêts de la classe au pouvoir, tandis que les médias privés sont bridés par des contraintes commerciales et politiques.» Le syndicaliste a une préférence particulière pour «les blogs et les pages Facebook de certains activistes qui font de la dénonciation des abus de pouvoir une priorité».
Dans cette nouvelle configuration de l’espace médiatique, la presse papier algérienne se trouve contrainte de céder chaque jour un peu de son terrain, au profit de ces nouveaux acteurs qui ont fait du web leurs champs d’action et d’interaction. Toutefois, la presse traditionnelle n’a pas perdu complètement son public. Plusieurs titres, particulièrement arabophones, continuent à vendre des centaines de milliers d’exemplaires par jour. Une partie importante de la population garde ses anciennes habitudes.
C’est le cas de Meziane, 65 ans, resté fidèle à sa pile de journaux quotidiens. Chaque matin, il achète deux ou trois titres, toujours les mêmes, pour «voir ce qu’on raconte». Ancien cadre dans une entreprise publique, Meziane, aujourd’hui à la retraite, ne sait toujours pas manipuler un ordinateur ou un smartphone. «Je suis peut-être ringard, je préfère le journal papier et j’aime lire les commentaires et les analyses !» confie-t-il. Selon lui, «les chaînes de télévision privées n’ont pas apporté grand-chose. Le niveau du débat (…) laisse à désirer».
Il faut souligner que cette émigration du public vers le web — encouragée par le lancement de l’internet mobile (3G et 4G) et la démocratisation des smartphones — n’est pas sans conséquences néfastes. Des pages Facebook et des blogs suivis par des dizaines de milliers de personnes propagent parfois de fausses informations. Un fait qui remet sur le tapis la question inhérente à la qualité de l’information. Saïd Djaafer, l’un des fondateurs du site Maghreb Emergent (spécialisé en économie), considère : «Côté qualité, c’est comme pour la presse papier, il y a du bon, du moins bon et du détestable.
Ce qui rend les choses un peu délicates pour les pures players est la quête du buzz à tout prix.» Le journaliste, qui a fait une longue carrière dans la presse papier avant de passer aux médias web, estime : «Observer les réseaux sociaux est nécessaire, cela devient un des lieux majeurs où se forment les opinions publiques, mais c’est aussi un terrain fertile de fausses nouvelles et de manipulation.
C’est pour cela qu’il faut rester attacher aux règles professionnelles qui nous évitent les erreurs et, je dois dire, le ridicule.» Pour Saïd Djaafer, «les journalistes qu’ils soient sur internet ou ‘‘classique’’ vont continuer à se poser les mêmes questions : comment exercer le plus correctement possible le métier d’informer ?»
**Farouk Djouadi - el watan / mercredi 03 mai 2017
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Dr Yamine Boudhane. Maître de conférences à la faculté des sciences de l’information de l’université Ferhat Abbas (Sétif)
«Nous assistons à une prolifération d’ informations futiles»
La diffusion des informations en Algérie est sujette à une «horrible pollution», estime le docteur Yamine Boudhane. L’universitaire livre les conclusions de ses travaux sur les nouveaux médias, sans la moindre complaisance.
- Des millions d’Algériens sont présents sur les réseaux sociaux au moment où de nombreux sites d’information et autres blogs se livrent à une course effrénée pour capter l’intérêt des internautes. Peut-on dire dans ce contexte de diversité que l’Algérien est informé «correctement» ?
Effectivement, des millions d’Algériens, notamment les jeunes, se tournent principalement vers les réseaux sociaux, en premier lieu Facebook, et les blogs pour obtenir des informations politiques, sportives, artistiques…, et ce, en s’abonnant aux pages de certains médias classiques dotés de sites web et qui partagent les liens des articles et des vidéos sur les réseaux sociaux. Il y a aussi ceux qui s’abonnent aux pages personnelles de certains journalistes ou blogueurs devenus de véritables leaders d’opinion qui guident les conceptions et les orientations de nombreux jeunes sur les questions d’actualité.
Nous constatons en outre que des jeunes, engagés avec force, qui suivent et commentent les questions publiques de façon permanente sur les réseaux sociaux, se sont transformés, eux aussi, en leaders d’opinion. Ils influencent leurs amis et les amis de leurs amis. Les publications de ces jeunes engagés (commentaires, photos ou vidéos) sont partagées par un grand nombre de personnes et deviennent ainsi une source d’information pour leurs abonnés.
Mais, naturellement, n’est pas journaliste quiconque diffuse une information. Tout comme on ne peut considérer comme média quiconque propose des informations gratuites ou payantes. Nous vivons une horrible pollution dans la diffusion d’informations en Algérie. Les internautes se trouvent face à «une tempête informationnelle», où les vérités et les rumeurs sont mêlées. Le non-respect des règles d’éthique et de déontologie journalistiques a conduit à la propagation de la désinformation, la falsification, le mensonge, le manque de crédibilité, la subjectivité…
- Les fausses informations (fake news) foisonnent sur internet et sont parfois reprises par la presse écrite et des médias audiovisuels…
La non-vérification des informations à la source et le recours aux infos publiées par certaines pages sur les réseaux sociaux sans avoir examiné au préalable les références de leurs propriétaires, la course au scoop, tout cela fait que certains journalistes tombent dans le piège des «fausses informations».
Des journaux et des chaînes de télévision ont repris des informations et des vidéos qui se sont avérées par la suite fausses et «fabriquées». Certains médias s’excusent et publient des rectificatifs, alors que d’autres ignorent la question.
Le recours aux informations disponibles sur les réseaux sociaux est une pratique courante dans tous les pays du monde.
Mais plusieurs Etats sont en train de prendre des mesures fermes pour contenir le phénomène des informations mensongères. En Allemagne, de lourdes amendes sont infligées à ceux qui propagent des informations mensongères sur les réseaux sociaux. Des médias, à l’exemple de la BBC, utilisent des applications (FIB) pour découvrir les informations trompeuses.
- Des titres connus de la presse écrite occidentale ont arrêté leur édition papier pour se concentrer sur le web. Comment voyez-vous l’avenir des journaux papier algériens à moyen terme ?
Effectivement, de nombreux médias dans le monde se tournent vers le numérique, surtout avec les crises économiques que vivent les journaux suite au recul des recettes publicitaires, occasionné par les politiques d’austérité adoptées par les annonceurs. Le choix du numérique est favorisé par le fait que les lecteurs se sont orientés vers les médias sociaux et les sites d’information électroniques.
La hausse des prix du papier et des coûts de l’impression et de distribution, le recul des subventions de l’Etat destinées aux médias — notamment au niveau des pays ayant des économies rentières comme l’Algérie — ont accentué cette tendance. Tous ces facteurs réunis ont poussé les journaux à se tourner vers l’édition électronique, comme ce fut le cas pour The Independent (Royaume-Uni) et le journal libanais Essafir.
- Les médias algériens sont-ils en mesure de jouer le rôle de quatrième pouvoir ?
La presse est censée jouer le rôle de surveillant de l’exercice du pouvoir et de représentant de l’opinion publique qui transmet ses préoccupations fidèlement et avec objectivité. Mais la réalité est tout autre.
Des dizaines de titres de la presse se sont transformés en registres du commerce qui cherchent des parts de publicité, tandis que leurs propriétaires sont devenus des gérants d’entreprises commerciales en quête de gains. De nombreux journaux se sont rangés du côté de responsables au pouvoir auxquels ils ont prêté allégeance.
Il est difficile, dans cette pollution générale de l’espace médiatique algérien, de voir émerger une presse capable d’assumer le rôle d’un véritable quatrième pouvoir. Les journaux qui assument ce rôle sont souvent assiégés : on peut les priver de publicité, intimider leurs journalistes et les empêcher d’accéder aux sources de l’information.
- Que pensez-vous du contenu véhiculé par les sites d’information et des médias algériens en général ?
Je crois que le contenu de la plupart des sites d’information en Algérie manque de ce qu’on appelle «les valeurs informationnelles» telles l’importance, la neutralité, la nouveauté, la pertinence… La plupart de ces sites versent dans l’excès et l’exagération, voire le mensonge et l’intox. Ils n’apportent pas de connaissances utiles pour le lecteur.
Malheureusement, des journaux et des chaînes de télévision satellitaires sont tombés dans les mêmes pratiques. Nous assistons aujourd’hui à une prolifération d’informations traitant du charlatanisme, des fantômes, des viols, des meurtres et autres informations futiles et superficielles.
** Farouk Djouadi - el watan / mercredi 03 mai 2017
***Entre fermetures et stratégies de survie face à la rareté de la publicité
Les difficultés financières qui touchent la presse écrite n’épargnent pas les titres édités à Oran, qu’ils soient de dimension nationale ou ont un cachet purement local.
«Il y a une chute drastique des offres publicitaires et tout le monde est concerné», indique Abdellah Bouhali, directeur de publication de Carrefour d’Algérie, expliquant que les restrictions budgétaires adoptées par les sociétés et les entreprises publiques, ou même privées, ont eu des incidences fâcheuses sur les finances des journaux. Même les avis d’appel d’offres ont fortement diminué et les grandes entreprises telles celles activant dans la téléphonie mobile ont limité leur budget publicitaire, ce qui ne leur permet plus de donner de la publicité à tout le monde comme elles le faisaient avant.
«Le problème est d’ordre strictement financier», estime néanmoins le même responsable qui voit dans les interventions du ministre de la Communication un message sous-entendu, stipulant que «les journaux doivent eux aussi se serrer la ceinture, rationnaliser leur gestion en attendant que la crise passe». Le Carrefour d’Algérie a été contraint par exemple de revoir ses ambitions à la baisse. Le projet, qui consiste à ouvrir un bureau à Constantine pour tirer le journal à l’Est, est gelé.
La société éditrice a procédé à la réduction du personnel et à la baisse volontaire des tirages pour minimiser les coûts de production. «C’est le prix à payer, mais nous faisons tout pour sauvegarder l’outil de travail et maintenir au moins les anciens qui, pour certains, sont avec nous depuis 16 ans !» déplore Abdellah Bouhali, contraint de puiser dans les réserves, mais surtout travailler avec les moyens disponibles. «Nous faisions des chiffres d’affaires intéressants et maintenant que la publicité a fortement diminué, nous n’allons quand même pas tout laisser tomber, car il faut continuer quitte à ce que ce ne soit plus comme avant.» C’est l’ère de la survie en attendant des jours meilleurs.
Certains titres ont fait les frais de cette crise et c’est le cas de La Voix de l’Oranie qui a mis la clé sous le paillasson, laissant les employés, du moins pour certains, dans le désarroi. «En mai dernier, lorsque le journal a été privé de publicité durant quelque temps, on s’est d’abord passés de la version papier pour ne publier que sur le Net, mais cette solution n’a pas suffi.
On a ensuite essayé de se défaire de la version en arabe (Sawt El Gharb), mais là aussi en vain.» «Nous sommes un journal de proximité, un choix pour lequel nous avons opté depuis maintenant 17 ans, nous ne sommes pas distribués à Alger et cela pour vous dire que, évidemment, nous comptions beaucoup sur la publicité publique», nous avait-il dit à l’époque lorsqu’un mouvement de protestation s’était déclaré face à la menace de fermeture.
«Pendant 17 ans, les salaires, les charges salariales et para-salariales ont toujours été payées et c’est pour vous dire que je partage aussi l’inquiétude des employés et que moi-même j’ai du mal à me défaire d’un titre que j’ai fondé et que j’ai vu évoluer durant tout ce temps», avait-il ajouté. Aujourd’hui, le mal est fait et d’autres titres risquent malheureusement de subir le même sort.
Le journal El Wasl (en langue arabe) n’est, par exemple, déjà plus sur les étals. Sous le sceau de l’anonymat, certains déplorent les incohérences qui caractérisent le secteur. Par exemple, certains journalistes, cumulant des années de métier, ont demandé des agréments, mais ils ne les ont jamais eus. Lorsque le refus concerne le domaine sportif, il est clair que ce ne sont pas les lignes éditoriales ou les tendances politiques qui posent problème.
Sinon, l’incompréhension de voir quand même de nouveaux titres sur les étals est aujourd’hui accentuée par le fait que les journaux préexistants se débattaient dans des problèmes financiers à cause de la «pénurie» de publicité. Une manière de dire qu’au lieu de régler un problème, on en crée d’autres. A Oran, certains titres arrivent à tirer leur épingle du jeu, car les propriétaires ont d’autres affaires ou projets en parallèle. Ici, on peut dire que la crise touche beaucoup plus les éditeurs issus de la profession et dont le journal représente la seule source de revenus.
**Djamel Benachour – el watan / mercredi 03 mai 2017
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Belkacem Ahcène-Djaballah. Professeur associé à l’ENSJSI d’Alger
«L’aide à la presse… une belle carotte»
le 03.05.17 |
- Les pouvoirs publics ont décidé de mesures d’aides directes et indirectes à la presse au début de l’expérience pluraliste. Différentes lois de finances ont institué un fonds de soutien à la presse. Pourriez-vous nous en parler davantage ?
Mis à part l’opération «versement de l’allocation des trois années de salaire» (en fait, entre deux et deux années et demie, sorte d’indemnité de «licenciement» ne disant pas son nom ) aux journalistes désireux de quitter le secteur public, ce qui avait permis la création des premiers journaux (et entreprises de production audiovisuelles d’information) privés, et ce, grâce à la mise en application des mesures de la circulaire gouvernementale du 19 mars 1990 du gouvernement de Mouloud Hamrouche, il y a eu, certes, bien des facilités (locaux dans des Maisons de la presse avec des loyers symboliques, prêts bancaires rapides pour l’acquisition de matériels informatiques, accès aux imprimeries publiques, exonérations fiscales, tarifs d’impression bas, loyers de logements sécuritaires…), mais cela se faisait presque toujours en dehors d’une gestion légale (je ne dis pas illégale, mais originale… propre à notre système) du Fonds (doté alors de 400 millions de dinars par la loi de finances 1991) devenu, par la suite, Fonds de soutien à la presse écrite en 1998, 1999, puis en 2011, destiné à la seule «formation de journalistes à l’intérieur du pays et à l’étranger»… puis… Bref, toute une gymnastique politico-administrative qui fait que l’intention de départ s’est assez vite retrouvée quasi-totalement détournée et mise au service des calculs politiciens. L’aide de l’Etat à la presse ? Pas une arme fatale, mais bel et bien une belle carotte ! Des textes super, mais des applications incomplètes, retardées ou détournées.
- Le Conseil supérieur de l’information (CSI) dont vous faisiez partie a lui-même adopté une «décision fixant les règles d’octroi des éventuelles subventions, aides et subsides accordés par l’Etat aux organes d’information de la presse écrite». Qu’en est-il ?
Il faut rappeler que le texte proposé alors par le CSI (une «décision» adoptée le 5 novembre 1991), avait été transmis au ministère de la Communication de l’époque (gouvernement de Sid-Ahmed Ghozali) mais n’a jamais été mis en application.
Il ne fut publié au Journal officiel que le 22 novembre 1992 et passa inaperçu. Soyons clairs et ne tournons pas autour du pot, à l’approche des élections législatives, le gouvernement ne souhaitait, en aucun cas, se dessaisir du «Fonds de promotion de la presse écrite et audiovisuelle», créé par la loi de Finances 1991.
Par le biais d’une fantomatique «Commission d’aide financière» mise en place au niveau du ministère de la Communication par un décret exécutif en date du 12 décembre 1992, il a servi, surtout et avant tout, ceux qu’il croyait les plus à même de servir la cause démocratique. L’argent a donc été versé directement, et sans transparence, aux titres «proches et/ou amis». Et ce, malgré la polémique qui s’était installée autour de ce «trésor» (à l’époque dans les 40 milliards de centimes).
- Quelle est la situation actuelle de ce fonds ?
Il y a un fonds, il y a de l’argent. Une partie est certainement dépensée pour la «formation» (les multiples rencontres où les «points de presse» ministériels prennent bien plus de temps que les conférences elles-mêmes !) et c’est tant mieux. Il me semble que les autorités ne sont pas (comme toujours) satisfaites des expériences précédentes, ne savent pas comment opérer face à un secteur, il est vrai, assez inorganisé, parfois insaisissable (à qui la faute ?) et n’osent pas tomber dans le piège du «semeur d’argent».
De toute façon, selon moi, là n’est pas la solution. Ce serait, tout simplement, encourager peut-être des canards déjà boiteux (secteur public y compris) et retarder des fins de parcours annoncées.
- Le ministre de la Communication a demandé aux journalistes de s’organiser pour rendre le Fonds d’aide à la presse «opérationnel». Il a affirmé qu’il évoquerait les étapes de la mise en place de ce fonds «au moment opportun». Pourquoi l’Etat hésite, selon vous, à lever le gel ?
A mon avis, ce n’est ni au ministère ni aux journalistes et même aux éditeurs de presse de gérer un tel fonds et on en arrive même à se demander si un tel «fonds» doit exister… tant qu’il existe une presse écrite publique, bien souvent, pas toujours et pas tous les titres, favorisée (l’Algérie est un des rares pays démocratiques à en avoir une), et tant qu’il n’y a pas une loi sur la transparence économique et financière dans la presse écrite et audiovisuelle (publique et privée). Par contre, ce qu’il faudrait promouvoir, c’est ce qu’on pourrait appeler des aides «indirectes» que le CSI de l’époque avait initiées.
Une première lettre datée du 14 novembre 1990, suivie d’une deuxième en juillet 1991, «en attendant la mise en œuvre du texte définitif», avait alors proposé au chef du gouvernement de l’époque (aucune réponse !) d’inscrire dans la loi de finances 1991 des dispositions concernant des facilitations multiples : exonérations de taxes à l’importation des biens d’équipement, sur les bénéfices (durant cinq années), aide à la diffusion, répartition équitable de la publicité institutionnelle, tarifs réduits (transports et PTT) pour les produits et les journalistes en mission… Reprendre donc l’idée avec, cependant, une exception : instaurer un système d’aide financière directe pour la seule presse partisane (et non commerciale).
- Quels sont les critères que devraient éventuellement adopter les pouvoirs publics ? Faut-il un nouveau modèle économique ?
Jusqu’ici, les autorités publiques ont été incapables d’«inventer» un nouveau modèle économique de l’information et de la communication, la gestion du secteur se faisant au coup par coup et selon les nécessités politiques du moment et des humeurs politiciennes. Bien sûr, on ne peut pas nier qu’il y a eu des bonnes volontés, mais elles se sont toujours heurtées au mur infranchissable des «pouvoirs» en place et aux murs manœuvriers soit des partis politiques soit, depuis le début des années 2000, des lobbies affairistes.
Il ne faut pas croire aussi que les éditeurs et les journalistes ont assez de capacité pour pouvoir «inventer» un nouveau modèle qui s’imposerait aux forces de la politique et de l’argent. Qu’ils s’organisent d’abord en syndicats, en associations et en amicales. Ce jour-là, on en reparlera. En fait, le nouveau modèle économique et financier de la presse (écrite et audiovisuelle), comme pour certains autres secteurs, est en train de se construire petitement, silencieusement mais sûrement, avec ses réussites et ses échecs.
Et, la crise financière actuelle a, en fait, des conséquences sur l’organisation générale du secteur (public y compris) et bien des «plumes» vont se perdre en cours de route. Heureusement que le secteur de la communication va retrouver une autre jeunesse (après celle de 1990) avec les bouleversements technologiques en cours dans le monde et, immanquablement, en Algérie. On en voit déjà les premiers effets !
**Nadir Iddir / el watan / mercredi 03 mai 2017
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Aides et Fonds de soutien à la presse : Un gel «politique»
le 03.05.17 |
Baisse de la publicité, érosion du lectorat, concurrence du numérique. La presse vit une situation préoccupante, aggravée par la crise économique qui s’installe dans la durée.
Les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs d’aide directs et indirects au profit des entreprises de presse. Au lendemain de sa nomination en mai 2014, le ministre de la Communication, Hamid Grine, a expliqué que la répartition des aides, notamment la publicité, prendra en compte la «capacité de tirage des journaux, leur rayonnement et leur impact».
Plus tard, il appellera les éditeurs, annonceurs et journalistes à respecter «le cercle vertueux» de l’éthique pour pouvoir bénéficier des subventions publiques. «Voilà trois ans que ce monsieur est à la tête de ce ministère, mais pour quel bilan ? Tout d’abord, on remarque que la répartition de la publicité étatique via l’ANEP se fait toujours dans l’opacité la plus absolue.
Pour ces critères de distribution de la rente publicitaire, je remarque que ‘‘le rayonnement et l’impact’’ restent des concepts trop vagues, voire trop subjectifs, car ils obéissent à des appréciations idéologiques et politiques et pas professionnelles», estime Redouane Boudjemaa, enseignant à la faculté des sciences de la communication et observateur averti du champ médiatique national. Et de détailler : «Pour le respect de l’éthique comme critère, il n’est pas clair dans le discours du ministre et dans les pratiques des pouvoirs publics, vu qu’il n’existe aucun instrument objectif qui publie des rapports clairs, construits sur des méthodologies scientifiques sur les différentes formes de violation de l’éthique journalistique.
On remarque également que dans la pratique, l’éthique prend de plus en plus la forme de censure politique ; la preuve, beaucoup de journaux très corrects politiquement envers les différents cercles du pouvoir et qui font dans le sensationnel et dans la haine raciale, la xénophobie, le sexisme, etc., bénéficient d’une moyenne de 4 à 5 pages de publicité ANEP quotidiennement, avec des facilités extraordinaires avec les imprimeries publiques.»
La loi de finances 1991 a créé un compte d’affectation spécial n° 309 059 intitulé : «Fonds de promotion de la presse écrite et audiovisuelle». Ce fonds de soutien à la presse, alimenté par les différentes lois de finances, est gelé pour des raisons essentiellement politiques. «Le fonds de soutien à la presse, estimé à 80 ou 79 milliards de centimes selon la déclaration du ministre de la Communication, est gelé. Pourquoi l’avoir gelé ?
Cela ne pouvait être que pour des raisons politiques puisque les mêmes raisons qui sont derrière le mode de gestion de la publicité de l’ANEP ont été derrière cette décision», estime Kamel Amarni, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ). Et de préciser que le fonds «n’est rien du tout» comparativement à la taille du champ médiatique national (171 quotidiens en 2016, des périodiques, des télévisions satellitaires privées et une soixantaine de radios).
Membre de l’Initiative nationale pour la dignité des journalistes (INDJ), Zahir Mahdaoui s’étonne du gel du fonds «depuis 20 ans» et l’explique par des tiraillements à l’intérieur de la corporation (éditeurs, syndicat et pouvoirs publics). «Ce fonds devait servir notamment à la formation des journalistes, mais aussi aider les journalistes en difficulté (décès, maladies, etc.)», signale le journaliste.
Répartition «opaque» Le ministre de la Communication a demandé en novembre dernier aux journalistes de s’organiser pour permettre de rendre opérationnel le fonds d’aide. Dans une déclaration plus récente faite en marge d’une conférence animée à l’Ecole de journalisme de Ben Aknoun (Alger), le ministre a affirmé que le fonds ne sera finalement pas réactivé puisqu’il a été annulé comme tous les comptes publics. Le secrétaire général du SNJ affirme qu’il y a un cadre organisationnel sur lequel la tutelle aurait pu s’appuyer pour gérer ce fonds.
«Cette chanson (organisation de la corporation), je l’ai tellement entendue ! On nous demande de nous organiser, alors qu’il y a un cadre légal qu’on ignore. On ne prétend pas représenter tout le monde, mais on est là. On a essayé de nous casser à plusieurs reprises à travers l’UGTA. Ils ont créé des syndicats à travers ce syndicat. Eux ont disparu, nous, nous sommes toujours là», relève le secrétaire général du SNJ.
Redouane Boudjemaa, enseignant à l’ex-ITFC, s’étonne que le ministre s’ingère dans les affaires de la corporation. «Sur le plan de la forme, un ministre a-t-il le droit ou la mission de s’ingérer dans les affaires et les problèmes internes à l’organisation de la corporation ? C’est une aberration sur le plan de l’éthique politique, c’est même une forme de négation de l’éthique politique», estime-t-il, en soulignant que la corporation journalistique a été affaiblie par des luttes et des dysfonctionnements liés à la nature du système et du contexte socioéconomique, mais aussi par des entraves bureaucratiques.
Pour l’enseignant, il faut s’interroger pourquoi le ministère de tutelle ne publie jamais les chiffres liés aux aides directes ou indirectes des différents titres de la presse. «On a le droit de se demander pourquoi on ne publie pas les bilans financiers des fonds de soutien à la presse, les bilans des imprimeries publiques, les bilans de la distribution publique de la presse et les bilans de l’ANEP», fait-il remarquer, en précisant que la publication de ces chiffres devra renseigner sur les orientations données par le système politique aux médias et le rôle qu’il leur aura été attribué dans les différentes étapes qu’a connues l’Algérie de 1990 à nos jours.
Quels critères adopter alors pour la distribution des aides publiques et quelle presse veulent les pouvoirs publics ? Kamel Amarni propose d’assainir d’abord le champ médiatique et laisser faire le marché. «Des éditeurs n’ont rien à faire dans le métier. De faux médias continuent de bénéficier d’une manne publicitaire que ni leur taille ni leur lectorat ne justifient, alors qu’ils ne payent ni n’assurent leurs travailleurs.
De l’autre côté, il faut cesser de pénaliser des journaux qui ne sont pas forcément très favorables au gouvernement, tout en maintenant en vie des canards boiteux grâce aux deniers publics. Laissons faire le marché une fois mises en place toutes les règles du jeu», poursuit le syndicaliste. Il nous a été impossible d’avoir la version du ministre de la Communication, malgré nos appels incessants.
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Historique
Au début de l’«aventure intellectuelle», le gouvernement réformiste de Mouloud Hamrouche a décidé de plusieurs mesures d’aide à la presse naissante. Le dispositif a été matérialisé par une circulaire du 19 mars 1990 et l’allocation de deux ans à deux ans et demi de salaire aux journalistes désireux de quitter le secteur public.
D’autres mesures incitatives ont aussi suivi pour la prise en charge de la location des locaux, le colportage, le papier, etc. La loi de finances 1991 a créé un compte d’affectation spécial n°309 059 intitulé : «Fonds de promotion de la presse écrite et audiovisuelle».
Doté de 400 millions de dinars, ce fonds dont les modalités de fonctionnement ont été fixées par décret n’a pas été utilisé suite à la suppression du Conseil supérieur de l’information (CSI) fin 1993. En 1998, la loi de finances a rétabli ce dispositif d’aide. Le compte d’affection a été alimenté durant les exercices successifs de 1998 et 1999 de 400 millions de dinars.
L’ancien membre du CSI et expert en économie de presse, Belkacem Ahcène-Djaballah, qui a retracé l’historique de ce dispositif dans un article publié sur son site almanach-dz.com, a expliqué que le fonds n’a été mouvementé en dépenses qu’une seule fois pour régler les factures du logement sécuritaire des journalistes dans les hôtels publics, en souffrance depuis plusieurs années (410 millions de dinars).
La LF 2000 a introduit l’obligation pour tous les comptes d’affectation de préciser par arrêté interministériel la nomenclature des dépenses et les actions auxquelles elles sont destinées. L’arrêté en question sera signé en 2013.
«L’arrêté interministériel (Communication, Finances) publié dans le Journal officiel n°20 est venu en application du décret exécutif n°12-411 fixant les modalités de fonctionnement du compte d’affectation n°32-093 intitulé ‘‘Fonds de soutien aux organes de presse écrite, audiovisuels et électroniques et aux actions de formation et de perfectionnement des journalistes intervenant dans les métiers de la communication’’ signé le 8 décembre 2012 par Abdelmalek Sellal», détaille un cadre du ministère des Finances, qui fait remarquer que l’ancien ministre Djoudi était «sensible» aux arguments de son collègue de la Communication de l’époque, Belaïd Mohand Saïd, qui voulait réactiver le fonds gelé en 2004 pour l’affecter à la formation des journalistes, d’où le changement de l’intitulté.
«L’argent du fonds ne sera jamais débloqué, ni du temps de Mohand Saïd, parti en septembre 2013, ni même après l’adoption d’un nouvel arrêté en 2014», explique notre source, qui évoque la publication d’un texte qui permet de prendre en charge des créances des logements sécuritaires.
L’expert en communication et professeur à l’ex-ITFC, Redouane Boudjemaa, déplore l’«opacité» d’un système politique qui utilise la publicité et l’argent du contribuable comme supports pour acheter le silence des uns, le soutien des autres, et pour anéantir définitivement ce qu’il considère comme la nuisance des autres.
«On interdit la publicité étatique et même privée maintenant par des directives souvent sans trace écrite», constate-t-il. La crise que subissent les médias incite à réfléchir sur le fonctionnement économique des entreprises de presse.
Redouane Boudjamaa est catégorique : «On assiste aux funérailles du système économique que le gouvernement Hamrouche avait initié avec les réformes, un système très ambitieux pour la promotion du métier journalistique, loin de toutes les pressions.» N. I.
**Nadir Iddir / el watan / mercredi 03 mai 2017
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*REPORTERS SANS FRONTIÈRES publie pour la première fois
la liste de “100 héros de l’information”.
A l’occasion de la Journée mondiale de la presse 2014, Reporters sans frontières (RSF) publie pour la première fois une liste de “100 héros de l’information”. Dotés d’un courage exemplaire, ces “100 héros” contribuent, par leur travail ou leur combat, à promouvoir la liberté prévue par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, celle de “chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit”.Les “100 héros” mettent leur idéal “au service du bien commun”. A ce titre, ils ont valeur d’exemple.
“La Journée mondiale de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières
fut à l’origine, doit être l’occasion de saluer le courage de ces journalistes et blogueurs qui sacrifient chaque jour leur sécurité et parfois leur vie à leur vocation, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Les “héros de l’information” sont une source d’inspiration pour toutes les femmes et tous les hommes qui aspirent à la liberté. Sans leur détermination et celle de tous leurs semblables, il ne serait pas possible d’étendre le domaine de la liberté tout court”.
La liste de Reporters sans frontières, naturellement non exhaustive, est une reconnaissance et un hommage non seulement pour les 100 personnalités citées, célèbres ou méconnues, mais pour tous les journalistes, professionnels ou non, qui participent chaque jour à éclairer le monde et à rendre compte du réel sous toutes ses formes. Cette initiative a pour objet de démontrer que le combat pour la défense et la promotion de la liberté de l’information passe par un soutien intense aux victimes d’exactions mais aussi par l’érection de figures qui peuvent servir de références.
La liste des “100 héros de l’information” comprend des femmes et des hommes de tous âges (de 25 à 75 ans) et de toutes nationalités (65 nationalités représentées). Le cadet, Oudom Tat, est cambodgien, et l’aîné, Muhammed Ziauddin, pakistanais. L’Iran, la Russie, la Chine, l’Érythrée, l’Azerbaïdjan, le Mexique et le Vietnam, sont représentés par au moins trois héros chacun. Figurent dans la liste des 100 des personnalités aussi différentes qu’Anabel Hernandez, auteur d’un best-seller sur la collusion de personnalités politiques mexicaines avec le crime organisé, Ismail Saymaz, journaliste turc poursuivi en justice une vingtaine de fois pour ses reportages, Hassan Ruvakuki, emprisonné pendant 15 mois au Burundi pour avoir tendu son micro à des mouvements rebelles, et Gerard Ryle, directeur de l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), qui a contribué à l’émergence d’enquêtes journalistiques globales.
Certains travaillent dans des démocraties. C’est le cas de Glenn Greenwald et Laura Poitras, ressortissants américains à l’origine de la révélation des pratiques de surveillance massive des services de renseignement de sécurité américains et britanniques. D’autres exercent dans les régimes les plus autoritaires qui soient, comme la journaliste iranienne Jila Bani Yaghoob. Tous ne sont pas journalistes professionnels. Ainsi, le citoyen journaliste vietnamien Le Ngoc Thanh est aussi prêtre catholique. Nombre d’entre eux, à l’instar du journaliste italien spécialisé dans le crime organisé Lirio Abbate, ont fait de la corruption et de la criminalité dans leur pays leur cheval de bataille. C’est le cas de Peter John Jaban, animateur radio en Malaisie longtemps exilé à Londres, de Serhiy Leshchenko, journaliste d’investigation ukrainien, et du Bulgare Assen Yordanov, qui fait régulièrement l’objet de menaces de mort. Parmi ces portraits, Reporters sans frontières a également tenu à faire figurer des militants tels que María Pía Matta, engagée auprès de l’AMARC pendant près de 10 ans pour la liberté des radios communautaires d’Amériques du Sud.
Le courage est le dénominateur commun à toutes ces personnalités. En Ouzbékistan, les autorités n’ont pas hésité à torturer Muhammad Bekjanov pour lui extorquer des aveux. Il est détenu depuis 15 ans, privé de soins malgré sa tuberculose. En Érythrée, dernier pays au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières pour la septième fois en 2014, Dawit Isaac croupit dans les geôles du dictateur Afeworki depuis 13 ans. Mazen Darwish, fondateur du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression et lauréat du prix RSF 2012, est retenu prisonnier depuis plus de deux ans par le régime syrien.*alwihdainfo.com-Rédigé par RSF – 29 Avril 2014
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* Situation socioprofessionnelle des journalistes algériens
Les cordonniers mal chaussés de la presse !
J’ai déposé ma lettre de démission un 1er mai pour contester justement les droits bafoués au sein de mon journal : absence de grille salariale, pressions au travail, salaire démotivant…
Mon départ se veut un écho au manque de professionnalisme que je refuse de subir plus longtemps.» Cette journaliste qui a requis l’anonymat s’apprête à quitter la profession après y avoir passé près d’une décennie. La date est toute choisie. Entre le 1er et le 3 mai, fête des travailleurs et Journée internationale de la presse, une marge infime dans laquelle se mêlent les droits du travailleur et le malaise des journalistes. Cette année encore, quelques démissions de travailleurs de la presse ont été déposées à ces deux dates. Ils se comptent sur les doigts d’une seule main. D’ailleurs, ils sont plus nombreux à profiter de ces deux dates pour fêter leur adhésion à une profession qui les passionne, à proposer de nouvelles initiatives pour faire bouger les choses au sein de la corporation, mais cela ne veut pas, pour autant, dire que l’envie de démissionner leur manque.
Ce qui les retient ? Un salaire même s’il n’est pas très motivant et un mode de vie qu’il est difficile de quitter. Si les stars de la presse avoisinent ou dépassent même les 100 000 DA par mois, les journalistes moyens, eux, continuent de toucher entre 15 000 et 20 000 DA dans les petites rédactions et atteignent les 35 000 dans les grandes rédactions en sachant que tous ne sont pas déclarés à la Sécurité sociale.
Les patrons dans tout ça ? Un secret bien gardé, mais des sources généralement bien informées parlent de 200 000 à 300 000 DA par mois, ce qui n’est pas fait pour rassurer la corporation. «Les journalistes les plus touchés par la précarité sont souvent gênés de parler de leurs conditions de travail ou de leurs petits salaires par peur et pudeur, et l’absence de maturité et la corruption ne sont pas là pour arranger les choses», note Karim Kébir, journaliste à Liberté. Mauvais salaire, frais de mission en inadéquation avec le coût de la vie, pressions, problèmes de logement, surmenage, absence de moyens de travail… Les revendications ne manquent pas, dans la presse privée autant que dans la presse publique. «Et même le journalisme web, qui en est à ses premiers balbutiements en Algérie, n’est pas en reste», confirme Farid Alilat, fondateur et directeur de DNA (Dernières Nouvelles d’Algérie). «Nos journalistes sont libres de travailler comme ils le souhaitent. Il y a aucune pression sauf la contrainte des moyens financiers», soutient-il. Les moyens financiers sont justement le nœud gordien de toute la détresse de la presse. «La situation du journaliste algérien est catastrophique et même si la liberté de la presse est plus concrète chez nous que dans les pays voisins, il reste qu’au Maroc et en Tunisie, les journalistes touchent en moyenne le triple de notre salaire moyen», explique Tarik Hafid, journaliste au Soir d’Algérie. A qui la faute ? «Le pire ennemi du journaliste algérien est le journaliste lui-même», répond-il.
Abus d’obéissance
Saad, caricaturiste de Wakt El Djazaïr, a choisi la Journée internationale de la presse pour déposer sa démission. Les raisons ? «Pas pour une question de salaire… mais plutôt d’opposition à l’intimidation dans les rédactions, à la censure et à l’envie d’assimiler les travailleurs de la presse à des fonctionnaires» explique-t-il. Mais ils ne sont pas nombreux à oser, comme lui, contester ou démissionner. Se soumettre est plus facile que d’assumer les fins de mois difficiles. Le chroniqueur d’El Watan, Chawki Amari, pense d’ailleurs qu’«il n’y a souvent que des abus d’obéissance là on voit des abus de pouvoir». Les journalistes se laissent faire parce qu’ils ont du mal à s’unir pour défendre leurs droits. «La peur du chômage et l’absence d’un syndicat fort en sont les principales raisons», selon lui. «Les féodalités sont encore en cours, comme dans beaucoup d’autres secteurs. Dans notre milieu, c’est encore plus grave étant donné que la presse est censée combattre les injustices et faire avancer le monde du travail vers un statut plus moderne, ce qu’elle fait par ailleurs mais pas forcément pour elle-même», ajoute-t-il. Si les journalistes devaient organiser une grève ou un sit-in pour demander leurs droits, qui couvrirait l’événement ? Ils sont justement pris au piège et entraînés dans une spirale sans fin dans laquelle ils tournent autour des problèmes de toutes les catégories sociales sans jamais toucher un mot sur la précarité de leur situation. «Difficile de s’attarder sur sa propre condition quand on est pris dans l’engrenage de l’actualité. D’autant qu’il y a beaucoup de journaux et que les nouveaux diplômés s’adaptent à la logique du milieu sans contester, car ils savent que s’ils se retirent d’autres prendront tout simplement leur place !», souligne Rachid Hamoudi du quotidien public Horizons. Aucun cadre légal n’est là pour organiser les grilles des salaires ou les conditions de travail, ce qui permet aux éditeurs d’appliquer dans le cadre de leurs organes respectifs, des logiques propres à chaque décideur. «Dans la presse privée autant que dans le secteur public, certains journaux sont respectueux de la réglementation et payent très bien leurs journalistes, certains journalistes touchent 150 000 DA par mois !» tient à préciser Rachid Hamoudi.
Les éditeurs dans leur rôle
Kamel Daoud, chroniqueur et ancien rédacteur en chef du Quotidien d’Oran, pense justement que «les éditeurs sont dans leur rôle de chefs d’entreprise». «Ce qui me dérange, explique-t-il, c’est la confusion créée autour des conditions des éditeurs et celles des journalistes». Selon lui, «le problème de la liberté d’expression masque les vrais problèmes de la corporation. La presse est devenue le premier secteur informel et ça arrange tout le monde, les éditeurs qui font dans l’exploitation, mais qui sont également en position de faiblesse par rapport à l’Etat, les syndicats qui, à force de s’être trop politisés, s’éloignent de leurs prérogatives». Pour lui, comme pour beaucoup d’autres journalistes, les éditeurs sont les seuls à pouvoir sortir la profession de son marasme. Pour sa part, Riadh Boukhedcha, journaliste à El Ahdath et membre de l’«initiative nationale pour la dignité du journaliste», lancée dernièrement, mise encore sur la carte syndicale : «Nous pouvons nous structurer et c’est ce que nous tentons de faire. Plus de 500 journalistes adhèrent à l’initiative et nous voulons nous battre pour les 65% des journalistes algériens actuellement sans logement.» Hamid Yacine, journaliste à El Khabar, malgré les nombreuses pressions et poursuites judiciaires qu’il subit ces derniers temps, croit, lui aussi, qu’il est encore possible de se structurer et de s’organiser, «encore faut-il que tout le monde s’y mette». La corporation est désabusée, mais se donne tout de même le luxe contradictoire de croire en des lendemains meilleurs. Ce qui est sûr, c’est que la révolution de la presse n’aura pas forcément lieu un 3 mai. (El Watan-03.05.2011.)
***Des journalistes habitent dans des hammams …
*Rassemblement des professionnels des médias…à la place de la Liberté de la presse, à Alger.
La demande d’un statut particulier pour le journaliste algérien figurait en tête des revendications des professionnels.
Plusieurs dizaines de journalistes se sont rassemblés, hier matin, à la place de la Liberté de la presse, à Alger, à l’appel des animateurs de l’Initiative nationale pour la dignité du journaliste.
Pour rompre avec le cérémonial ennuyeux des fêtes, les professionnels, qui ont dépassé les clivages de langues et de secteurs, se sont rencontrés pour évoquer, ne serait-ce que brièvement, la situation des médias algériens le jour de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse. La demande d’un statut particulier pour le journaliste algérien figurait en tête des revendications des professionnels.
Le statut adopté du temps de Rachid Boukerzaza, ministre de la Communication, paraît dépassé aujourd’hui. Selon Riad Boukhedcha, un des animateurs de l’initiative, une plateforme de revendications socioprofessionnelles a été préparée et envoyée aux autorités ainsi qu’au président de la République. «Nous demandons l’activation, la révision et l’application de la loi sur l’information de 1990. Cette loi doit, par exemple, prendre en charge les médias électroniques. Les procédures relatives à la création de nouveaux journaux doivent être allégées. Il faut aussi prendre des mesures pour barrer la route à des non-professionnels d’infiltrer le métier de la presse et de fouler aux pieds les règles de déontologie», a-t-il estimé. Il faut, selon lui, organiser la carrière des journalistes, trouver des solutions au problème du logement et revoir la grille des salaires.
«Le salaire de base du journaliste ne doit pas être inférieur à 60 000 DA. Il est nécessaire de supprimer les disparités salariales qui existent entre les journalistes du secteur public et ceux du secteur privé. L’expérience de chaque professionnel doit être prise en compte dans toutes les circonstances. Nous demandons aussi une carte nationale professionnelle pour mettre fin à l’anarchie», a indiqué Riad Boukhedcha. D’après lui, presque 60% des journalistes algériens ne possèdent pas de logement. «Il y a des journalistes qui vivent dans les hôtels, d’autres dans des cités universitaires et d’autres encore dans des hammams. C’est regrettable ! De plus, nous avons constaté que 90% des journalistes ne sont pas connectés à Internet chez eux», a-t-il révélé.
Aïcha Belkacemi, journaliste à la chaîne Une de la radio d’Etat, a estimé que la situation sociale et légale des professionnels des médias algériens est trop fragile. «Ceci est un frein à l’évolution du métier. Le journaliste est livré aux pressions, à la censure et à l’autocensure. Il n’y a pas de protection réelle des professionnels. En plus, il y a beaucoup de difficultés à accéder aux sources d’information. La dépénalisation du délit de presse peut aider à améliorer la pratique du journalisme», a-t-elle souligné insistant sur la nécessité de défendre le droit du citoyen à l’information.
Selon elle, le principe du service public doit être respecté par les médias lourds et par les journaux privés. «La liberté d’expression est un acquis arraché par la population. On ne doit pas l’oublier», a-t-elle noté.
Dans un communiqué rendu public, les animateurs de l’Initiative ont estimé que les réformes annoncées, après le Conseil des ministres du lundi 2 mai, ne sont «qu’un premier pas sans plus dans un long processus pour redorer le blason de la profession». (El Watan-04.05.2011.)
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**accès à l’information, dépénalisation du délit de presse…Les chantiers du président..
M. Bouteflika a répondu aux soucis et aux aspirations de la corporation, en attendant la concrétisation de tous ces projets sur le terrain.
L’aide de l’Etat à la presse écrite, la formation des journalistes, une nouvelle loi sur la publicité, la réactivation du Conseil de l’éthique et de la déontologie et la garantie de l’accès de l’information aux journalistes, telles sont les mesures décidées par le chef de l’Etat destinées à la professionnalisation de la presse. A l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le Président Bouteflika a annoncé une batterie de mesures visant la consolidation des acquis et l’évolution de la presse algérienne.
Dans un message adressé à la communauté journalistique nationale à cette occasion, le président de la République a instruit le gouvernement d’initier «une large opération de formation et de perfectionnement des journalistes». A ce titre, il a recommandé que ces cycles de formation soient appuyés sur l’expertise nationale et étrangère. Pour y parvenir, il annonce l’activation du fonds d’aide à la presse. Cette mesure vient renforcer celle décidée lundi dernier en Conseil des ministres.
M.Bouteflika avait, lors de cette réunion, affirmé la disponibilité de l’Etat à contribuer à l’épanouissement de la presse écrite à travers l’aide publique. Dans le même message, le chef de l’Etat a instruit l’Exécutif de mettre en oeuvre, dans les plus brefs délais l’élaboration du projet de loi organique relatif à l’information.
Dans le même sillage, il a demandé au gouvernement de faire participer tous les acteurs de la corporation à l’élaboration de la nouvelle loi. «Le cadre de la concertation avec la profession et avec la société doit être le plus large possible pour aboutir à un consensus préalable autour des questions dominantes, y compris la mise en place des autorités de régulation du secteur de la communication».
Par la même occasion, le Président a appelé la corporation à procéder la réactivation du Conseil de l’éthique et de la déontologie. S’agissant de la communication institutionnelle, il a ordonné à l’Exécutif de mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais, une stratégie qui garantisse aux journalistes l’accès à l’information «dans le respect des lois et règlements du pays».
Le chef de l’Etat a rappelé au gouvernement, lors du Conseil des ministres d’avant-hier, qu’il était également chargé de préparer les projets de lois relatifs à la publicité et aux sondages médiatiques. Il a été procédé également, à l’examen du projet de loi sur la dépénalisation du délit de presse. Outre ces mesures, le Président envoie un message fort aux journalistes, à travers lequel il les appelle à «prendre conscience de leurs devoirs, assumer leurs responsabilités, s’organiser et accomplir leur part du chemin en termes de régulation paritaire, d’éthique, de déontologie et de défense des droits moraux et sociaux des journalistes», a-t-il souligné.
En cette Journée mondiale de la presse, Abdelaziz Bouteflika a tenu à rendre «un vibrant hommage aux femmes et aux hommes algériens et étrangers qui furent des compagnons de lutte et qui se sont sacrifiés pour les nobles idéaux d’une presse porteuse d’espérance, dénonciatrice de souffrances et ferme dans ses convictions pour l’Algérie indépendante». Il a affiché, également, dans son message, son respect et la reconnaissance de la nation à tous ceux qui ont contribué à l’émergence d’une presse nationale engagée résolument dans la reconstruction de l’Etat national. Depuis son discours à la Nation, le 15 avril dernier, le chef de l’Etat n’a pas cessé de prendre des décisions destinées à la presse.
L’ensemble de ces décisions ont été accueillies avec joie par les journalistes, malgré les réserves affichées par certains. Rappelons, enfin, que ces mesures ont fait l’objet d’une large revendication de la part des journalistes.
Aujourd’hui, on peut dire que le Président a répondu aux soucis et aux aspirations de la profession. Il reste à vérifier, maintenant, la concrétisation de tous ces projets sur le terrain comme l’ont souhaité le chef de l’Etat ainsi que les journalistes. (L’Expression-04.05.2011.)
**Le journalisme sans la prison
La fonction de journaliste pourra continuer «à mener à tout… à condition d’en sortir». Sauf en prison. Ainsi en a décidé le Conseil des ministres de mardi dernier. L’événement, servi la veille de la Journée de la liberté de la presse, restera gravé dans l’histoire du journalisme algérien. Mais attention, et cela tous les journalistes professionnels en sont conscients, la dépénalisation de l’acte d’informer ne peut être un «permis» pour diffamer ou injurier. Cette dépénalisation, si elle nous libère de l’angoisse «des barreaux», nous astreint du même coup à une plus grande rigueur professionnelle. Une rigueur que tout journaliste n’a, normalement, aucune peine à observer. Et pour être journaliste, il faut remplir plusieurs conditions. L’idéal serait de commencer par la vocation. A défaut, il faut au moins gravir les marches du long «escalier» (au lieu de l’ascenceur) qui mène à l’accomplissement professionnel. Est-ce le cas aujourd’hui? Quand on aime ce métier, il faut avoir le courage de mettre le doigt sur la plaie, pour le revaloriser. Cette plaie a commencé en 1990, avec l’ouverture démocratique. Elle est malheureusement toujours là et encore plus «infectée» faute de n’avoir jamais été «soignée». Dès l’installation des premiers titres de presse privés à la Maison de la presse du 1er Mai (elle portera plus tard le nom de Tahar Djaout), s’est posé pour les éditeurs un crucial problème de «main-d’oeuvre qualifiée». Les journalistes en activité à l’époque étaient, soit restés dans les organes publics qui les employaient, soit devenus actionnaires des journaux privés qu’ils créaient avec l’apport de trois années de salaires que l’Etat versait aux journalistes qui optaient pour «l’aventure intellectuelle». De ce fait, il n’y avait aucun journaliste demandeur d’emploi. Comment les nouveaux journaux allaient-ils faire pour pourvoir en personnel leur rédaction? Aucun autre choix que de puiser dans le lot des chômeurs diplômés, nombreux à l’époque de la dette et de son rééchelonnement, de diverses filières (agronomes, vétérinaires, médecins, etc.). Il suffisait aux postulants de savoir sommairement aligner des phrases. Une fois retenus, ils étaient aussitôt envoyés au «charbon» c’est-à-dire «couvrir», chaque jour, des sujets différents. Au mieux, les actionnaires corrigeaient (non sans arrière-pensées) les papiers politiques. Si la formation était absente et que chacun «poussait» sa plume comme il pouvait, la fréquentation des allées du pouvoir donna, à leur corps défendant, le vertige puis la grosse tête à nombre de journalistes de «la cuvée 90». Depuis, rien n’a changé. Les «fournées» qui ont suivi ne pouvaient que se plier à «l’ordre établi». Sans encadrement ni balises, il aurait été étonnant de ne pas avoir tous les travers que nous connaissons encore, même si beaucoup ont fait des efforts individuellement pour s’en démarquer. Des efforts, certes, mais qui ne suffisent pas à offrir aux lecteurs des reportages, des enquêtes, des chroniques judiciaires, ni même à bien «bâtonner» les dépêches. Toutes choses qui ne se trouvent que dans le fameux «escalier» qu’on a évoqué plus haut. D’importantes mesures ont été annoncées par le Conseil des ministres de mardi. Une nouvelle loi de l’information, une commission indépendante d’experts nationaux pour améliorer la fonction, une aide publique pour son épanouissement, une autorité de régulation… C’est bien. A condition, toutefois, que la formation prenne toute sa place dans le dispositif. C’est l’unique condition pour revaloriser le journalisme. Pour faire renaître les vocations très utiles dans ce métier souvent ingrat pour le journaliste mais très utile à la société.
Zouhir MEBARKI…(L’Expression-04.05.2011.)
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Groupe The Elders (Les sages)
**Editorial pour la Journée mondiale de la liberté de la presse
Tout le monde dans les pays arabes reconnaît que de profonds changements sont nécessaires, urgents et inexorables à court terme – y compris les dirigeants.
De Martti Ahtisaari
et Lakhdar Brahimi*
Le courage de ces jeunes gens luttant dans cette région pour leurs droits politiques et économiques, et finalement pour leur dignité, a recueilli l’admiration générale du monde entier. Les changements introduits jusqu’à présent en Egypte et en Tunisie sont fragiles mais prometteurs. Ils ont surtout donné espoir à des millions de gens. Desmond Tutu, notre président, adhère à l’esprit et la manière de procéder du mouvement de protestation et l’a formulé ainsi dans un message twitter : «Frères et sœurs en Egypte, vous avez donné au monde le bien le plus précieux : la conviction qu’en fin de compte c’est le droit qui l’emporte.» Il semble bien que sa phrase en ait touché plus d’un, car elle a été reprise sur twitter par des milliers de personnes. Les jeunes en Egypte et en Tunisie sont toujours mobilisés. Ils constatent que ce à quoi ils sont parvenus est, certes, remarquable, mais loin d’avoir définitivement abouti. Beaucoup d’entre eux, sans doute la majorité, comprennent que l’ancien régime est révolu, mais qu’un nouveau régime meilleur a du mal à s’instaurer.Ils ont été choqués, par exemple, par la cour martiale condamnant un blogueur égyptien à une peine de trois ans de prison pour avoir critiqué l’armée. Ils sont à juste titre troublés par les informations sur les arrestations, disparitions et tortures auxquelles sont soumis d’autres militants depuis la mise en place du gouvernement de transition dirigé par le Conseil militaire suprême. Ils constatent que les sites web rapportant de tels incidents sont bloqués et que d’anciennes lois servent à faire taire les critiques. Une culture basée sur la responsabilité redditionnelle ne se fera pas du jour au lendemain, même si l’ancien président Moubarak est détenu et plusieurs ministres sont jugés pour des affaires de corruption flagrantes. Certains journalistes ont avoué que dans les circonstances actuelles l’ancienne habitude consistant à s’autocensurer n’avait pas complètement disparu. Ce qui se passe en Egypte est important. Le pays a traditionnellement joué le rôle de leader dans le monde arabe et africain. Les gens se tournent vers Le Caire en espérant que le vent du changement souffle dans la bonne direction.Le large mouvement du peuple égyptien tentant de mettre en place un vrai gouvernement représentatif libérera de grandes forces pour la reconstruction de l’Egypte elle-même et enverra un signal fort dans toute la région, si on lui permet de poursuivre cet objectif efficacement. Il est déjà évident que la demande d’un vrai changement non superficiel rencontre une résistance qui s’appuie sur l’utilisation excessive et inacceptable des forces de l’ordre au Yémen, en Libye et en Syrie. Au Bahreïn, les demandes légitimes pour la liberté et l’égalité ont conduit à de dangereuses tensions régionales. À long terme, l’impact de ce «printemps arabe» sera difficile à contenir. En fait, il ne fait aucun doute qu’un des résultats importants issus de ces révolutions populaires est d’avoir gagné de façon irréversible une plus grande liberté d’expression – pour les peuples et pour les médias. De nouvelles entreprises médias voient déjà le jour et nous espérons que d’autres suivront. Un accès plus large à l’information et le droit de regard des citoyens ordinaires dans les décisions concernant leur vie sont essentiels afin de remédier aux causes profondes des tensions, y compris le chômage et l’inégalité. Le désir toujours plus grand de justice devrait donner un coup de fouet aux efforts internationaux pour trouver un règlement juste au conflit israélo-palestinien. Comme nous l’avons constaté à maintes reprises à travers le monde, la censure et le contrôle de l’information ne desservent que les intérêts d’une minorité privilégiée ; l’Etat de droit en pâtit, les droits de l’homme sont ignorés et l’impunité ainsi que la corruption se répandent de manière incontrôlée. Les médias libres, responsables et reflétant des opinions diversifiées favorisent, au contraire, la transparence et la responsabilité redditionnelle, enrichissent le débat public et contribuent à s’assurer que les gouvernements tiennent compte des préoccupations et aspirations de tous les citoyens.Il ne faut cependant jamais relâcher ses effortsLes Constitutions nationales et les traités internationaux peuvent garantir la liberté d’expression mais la réalité sur le terrain est souvent bien différente. Des millions de gens dans le monde entier vivent dans des pays où le flux d’information est étroitement contrôlé, où la censure est routine et la liberté d’expression entravée ou pire encore. Les lois restrictives sur la diffamation empêchant toute critique ne sont que trop courantes. C’est surtout le cas au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Une étude récente estime que trois personnes sur quatre dans ces régions vivent sans aucune presse libre – et que seule une personne sur 20 a accès à des médias complètement libres. Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, seul le Liban est placé dans les 80 premiers pays. L’Iran, la Syrie et le Yémen sont dans les dix derniers.Les régimes répressifs de toute la planète peinent de plus en plus à contrôler le flux d’information. Là où les forces de l’ordre cherchent à bloquer internet, les gens trouvent rapidement le moyen de contourner la censure. L’économie a également besoin d’internet et les régimes commencent à comprendre que bloquer le web a des répercussions dans tout le pays. Cela n’implique pas que l’expression de ses opinions à travers les nouveaux médias soit sans risque. Blogueurs, militants et journalistes sont identifiés à travers les médias sociaux et surveillés. Ils sont victimes d’intimidations, d’agressions, d’arrestations et même de meurtres. Nous devrions tous clamer haut et fort ces abus, appeler au relâchement immédiat de ceux qui sont incarcérés et exiger que les pays ne se contentent pas de belles paroles mais portent un intérêt réel à la liberté d’expression qu’ils ont garantie. La Journée mondiale de la liberté de la presse nous donne la possibilité de réfléchir à l’importance des médias libres et au soutien qu’ils apportent aux hommes qui aspirent à un monde plus juste. Nous devons redoubler d’efforts pour faire passer ce message, à savoir que les médias libres sont garants de la protection et un atout pour chaque personne sur cette planète.(*)Martti Ahtisaari, ancien président de la Finlande et prix Nobel de la paix, ainsi que Lakhdar Brahimi, ancien ministre des Affaires étrangères en Algérie et envoyé spécial de l’ONU, sont tous deux membres du groupe The Elders (les sages) www.theElders.org
*publié dans El Watan-03.05.2011.)
**Hommage rendu à la mémoire des journaliste martyrs du devoir à Alger
Les journalistes algériens ont célébré la journée internationale de la liberté d’expression, dans l’ignorance des autorités et en prévision de l’application de la nouvelle loi sur l’information. Ils ont célébré la journée mondiale de la presse tout en attendant l’amélioration de leur situation socioprofessionnelle et le renforcement de la marge de la liberté de la presse en Algérie. Plusieurs journalistes se sont rassemblés à la place de la liberté de la presse à Alger, en réponse à l’appel de « l’Initiative nationale pour la dignité du journaliste ». Ils ont clamé la prise en charge immédiate des problèmes et difficultés des journalistes algériens. Le porte-parole de l’Initiative, M. Riad Boukdeche a indiqué, lors de ce rassemblement que les journalistes algériens vivent dans une situation d’ambigüité et d’obscurité, suite aux lacunes juridiques. Il a expliqué cette situation par le retard accusé dans la publication des textes d’application de l’article 11 de cette nouvelle loi, relatif à l’institution de régulation de la presse écrite et au conseil supérieur de l’audiovisuel ainsi que le conseil d’éthique de la profession de journaliste et de la commission nationale chargée de la publication de la carte professionnelle. « Nous demandons aux éditeurs privés l’amélioration de la situation des journalistes et la prise en charge des revendications socioprofessionnelles de la corporation », est-il indiqué dans le communiqué. Le ministre de la communication, M ; Nacer Mehal qui a assisté au recueillement à la mémoire des journalistes assassinés à la place de la liberté de la presse à Alger a déposé une gerbe de fleurs devant la stèle commémorative érigée à la mémoire des 72 journalistes assassinés durant la crise sécuritaire qu’a traversée l’Algérie. A Tizi-Ouzou, l’association des journalistes et correspondants a rendu hommage aux journalistes martyrs de la profession. Une rencontre a également été organisée pour débattre des problèmes des correspondants de cette wilaya. Pour sa part, la direction de la culture de la wilaya a rendu hommage à la famille du journaliste assassiné Ismail Yafsah. Il est à noter que le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika n’a pas adressé de message aux journalistes et à la famille médiatique, contrairement à l’année passée où il a abrogé la peine de prison contre les journalistes.(El Khabar-03.05.2012.)
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Situation de la presse en Algérie
Pas de prison, mais les pressions demeurent
Les peines de prison pour les journalistes partiellement supprimées du code pénal puisque l’article 298 sur la diffamation est maintenu.
La «famille de la presse» sera sollicitée par le gouvernement pour élaborer une nouvelle loi sur l’information. La décision a été prise hier en Conseil des ministres réuni sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika. Une loi qui, selon un communiqué du Conseil repris par l’agence officielle APS, donnera de nouvelles garanties juridiques sur la liberté de la presse. «Nous travaillerons à une modernisation de l’espace médiatique national pour le porter au niveau de notre pluralisme démocratique et des ambitions de notre population et pour conforter le professionnalisme et l’éthique», a déclaré Bouteflika. Par le passé, Bouteflika avait déjà promis d’amender de la loi sur l’information de 1990 en consultant les professionnels des médias. Cela n’a jamais été fait. Lors du Conseil des ministres d’hier, le chef de l’Etat a annoncé qu’une commission indépendante d’experts nationaux dans le domaine des médias audiovisuels, de la communication et de l’information sera mise sur pied.
«Cette commission aura pour mandat de proposer les voies et les moyens d’améliorer le paysage audiovisuel, de promouvoir la communication par le biais des nouvelles technologies de l’information et d’identifier les domaines à travers lesquels l’aide publique contribuera à l’épanouissement de la presse écrite», a-t-il précisé. Donc, pas d’ouverture des champs audiovisuels à l’initiative privée en attendant les conclusions de cette commission. Prenant en compte visiblement les récentes recommandations de Franck La Rue, rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression et la liberté d’opinion, qui était en visite en Algérie dernièrement, Bouteflika a annoncé la création d’une autorité de régulation des médias après l’adoption de la nouvelle loi sur l’information. «Elle aura pour mission de veiller au respect des principes consacrés par la liberté d’expression, de garantir un accès équitable des partis politiques aux médias audiovisuels et de concourir au respect de l’éthique et de la déontologie», a-t-il indiqué.
La proposition du rapporteur onusien était relative à une autorité qui veille à l’indépendance des médias publics (télévision, radios et agence de presse). Le Président a chargé le gouvernement de préparer les projets de lois relatifs à la publicité et aux sondages médiatiques. A première vue, la présidence de la République a complètement oublié le projet de loi sur la publicité bloqué au niveau du Conseil de la nation depuis au moins dix ans ! En juillet 2010, Nacer Mehal, ministre de la Communication, avait évoqué l’élaboration d’un décret sur les conditions et modalités d’exercice de l’activité des agences de communication et de publicité. Le code pénal, amendé à l’époque d’Ahmed Ouyahia, ministre de la Justice, en 2001, sera débarrassé des peines d’emprisonnement pour les journalistes. C’est du moins ce qu’apparaît du projet adopté au cours du même Conseil des ministres. L’article 144 bis du code pénal relatif à l’offense au chef de l’Etat sera dépouillé de la peine de 1 à 3 ans de prison. L’amende qui va de 100 000 à 1 000 000 DA est maintenue. Le texte prévoit le doublement de la peine en cas de récidive.
La suppression de la peine d’emprisonnement est proposée pour l’article 146 relatif à l’outrage, à l’injure et à la diffamation contre le Parlement, les juridictions, l’armée et les institutions publiques. Les amendes sont également maintenues. L’article 144 bis 1 sera abrogé. Cette disposition prévoit des peines pour offense au président de la République commise par une publication. Le plus important est que l’amende de 500 000 à 5 000 000 DA prévue pour les publications est supprimée. Curieusement, le projet d’amendement du code pénal n’a pas mentionné l’article 298 du code pénal. Cette disposition stipule que «pour une diffamation dirigée à l’encontre des individus, la condamnation est d’une peine de prison allant de cinq jours à six mois et d’une amende de 5000 à
50 000 DA ou de l’une des deux peines. Pour diffamation dirigée à l’encontre d’une personne ou plus appartenant à un groupe racial ou doctrinal ou une religion quelconque, la condamnation est à une peine de prison allant d’un mois à une année et d’une amende de 10 000 à 100 000 DA ou de l’une des deux peines s’il y a une volonté d’incitation à l’intolérance entre les citoyens ou les populations».
Alors est-on devant le cas d’une «dépénalisation» partielle du délit de presse ? Et qu’en est-il des dispositions pénales prévues dans la loi sur l’information de 1990 ? Ce texte est toujours en vigueur et tant qu’il n’a pas été remanié, il reste applicable pour les magistrats.
Evoquant ces nouvelles mesures, Bouteflika a estimé qu’il s’agit là d’une «mise en concordance de nos lois avec nos convictions, ainsi que d’un message de considération adressé à la famille de la presse nationale».
Répondant indirectement aux critiques du rapporteur spécial de l’ONU, le chef de l’Etat a indiqué que la liberté d’opinion et d’expression est «un acquis constitutionnellement garanti». «Nous veillerons à la conforter comme je l’ai indiqué en annonçant les réformes politiques qui seront mises en œuvre au cours des prochains mois», a-t-il affirmé. (Fayçal Métaoui ) -El Watan.03.05.2011.
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MAGHREB
Une liberté sous haute surveillance
C’est devenu un rituel et une tradition, pour les journaux et medias maghrébins de dresser à la veille de la Journée internationale de la presse un bilan plus ou moins exhaustif de la liberté de la presse dans chacun des pays de la région. Il n’est cependant pas aisé d’établir un tableau comparatif de la liberté de la presse au Maghreb dans la mesure où seuls deux pays, l’Algérie et le Maroc, sont éligibles à l’analyse même si des prémices encourageants se font jour en Mauritanie. En Algérie, vingt ans après l’ouverture du champ médiatique, il est indéniable que la presse “indépendante’’ ou du moins les titres phares qui se comptent sur les doigts d’une main ont une liberté de ton sans égale dans le monde arabe, même si le paysage médiatique est parasité par une explosion de titres qui ne font pas honneur à la profession. On est malheureusement loin du temps béni et très court qui a caractérisé une véritable aventure intellectuelle, rendue possible par un lectorat exigeant et hautement politisé qui a naïvement cru à l’émergence d’un contre-pouvoir, condition sine qua non de toute société démocratique. Car peut-on parler d’exerce libre et autonome du journalisme –ce quatrième pouvoir selon les standards américains— sans véritable environnement démocratique, même si force est de constater l’importance de l’aide multiforme de l’État à la presse et notamment les rétributions financières directes, la mise à disposition de locaux, d’exonérations fiscales et cerise sur le gâteau, une manne publicitaire gouvernementale distribuée pratiquement à l’ensemble des journaux et publications. Liberté est également laissée aux journaux les plus virulents à l’égard du gouvernement d’instituer leurs propres agences de publicité et de ratisser large auprès des annonceurs les mieux-disants . Ce rapide état des lieux ne peut occulter de graves insuffisances, marquant une corporation qui se déchire ouvertement, incapable de s’organiser, dominée par le Roi-dinar au détriment de syndicats de journalistes représentatifs et de patrons de presse guidés par l’amour de la profession et non le goût du lucre. Plus grave encore, l’on assiste à la mise à l’écart, y compris dans le service public de compétences et de professionnels reconnus au profit d’affairistes véreux qui ont littéralement squatté la profession. Sans parler d’hommes politiques, de sénateurs et de députés qui se découvrent subitement une vocation de journalistes. La presse algérienne dans son ensemble, qui a été et demeure un des remparts décisifs contre l’obscurantisme et l’intégrisme mérite mieux, eu égard à la centaine de confrères morts en martyrs. Au Maroc, selon Ali Ammar, fondateur du quotidien Le Journal –forcé à la disparition en raison de son ton très libre – passer d’une monarchie absolue à une « monarchie exécutive » où Mohamed VI le « très riche roi des pauvres » a plus de pouvoir que son père le champ médiatique est habilement verrouillé.Le Journal qui a publié des dossiers brûlants sur la fortune royale , la corruption et qui a brisé le consensus artificiel sur le Sahara Occidental prenant à contre-pied la propagande gouvernementale, a été contraint à la fermeture après une série de procès dont l’un ruineux intenté par un intellectuel mercenaire, établi à Bruxelles et qui publie régulièrement des «études» sur le Sahara Occidental financées grassement par le Palais royal marocain. Le Maroc qui tire ses principales ressources financières du tourisme ne peut se permettre, selon les officiels marocains une presse à l’image de la presse algérienne critique tous azimuts. La personne du roi reste sacrée et la fiction du «Sahara marocain» entretenue cahin-caha, sous peine de cachot ou d’exil, à l’instar de Ali Lemrabet ; qui a défendu courageusement le droit à l’indépendance du peuple sahraoui. En Tunisie, où la liberté d’expression est tout à fait inexistante, Ben Brik a frôlé la mort, en prison pour ses prises de position contre les excès en tout genre du régime Ben Ali. Il n’a dû son élargissement qu’à de fortes pressions internationales. La Mauritanie qui s’essaye courageusement à la démocratie après des coups d’État à répétition, connaît et l’on s’en réjouit, sous la pression populaire une certaine ouverture du champ démocratique et l’émergence de quelques journaux libres d’opinion. Enfin en Libye, pays en mutation en de nombreux domaines, la liberté de la presse n’est toujours pas à l’ordre du jour. Le guide de la Révolution libyenne n’hésite pas à intenter des procès aux journaux maghrébins qui osent la moindre critique à son égard. (Courrier d’Algérie-03.05.2010.)
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Taoufik Ben Brik : «Le journaliste est un hors-la-loi !»
Vêtu d’un «dengri», un «shanghai» noir, habit populaire en Tunisie, Taoufik Ben Brik a bien voulu s’extirper de sa retraite pour nous livrer ses sentiments sur ce qui agite son pays depuis le 17 décembre 2010 et l’immolation de Mohamed El Bouazizi, «ce guerrier du trottoir» comme il l’appelle. Poète, écrivain, journaliste «en exil» même s’il vit à Tunis, lui qui publie un peu partout (le Courrier international, Libération, le Monde, le Nouvel Observateur, la Croix, etc.), Taoufik Ben Brik est surtout connu pour avoir été un opposant notoire à celui qu’il surnomme «Zaba» ou encore «Ben Avi».
Un guérillero de la première heure. A lui seul, c’est un haut symbole de résistance à la «dictature de proximité», comme il dit de Ben Ali et ses «3P» (la police, la pègre, le parti). On se souvient particulièrement de sa grève de la faim de 42 jours entamée le 3 avril 2000 pour dénoncer les graves atteintes aux droits de l’homme en Tunisie. Personnage haut en couleur, féroce, attachant, le verbe haut, caustique, chambreur, grillant cigarette sur cigarette, il nous parle de «son» 14 janvier qu’il relate, du reste, dans un livre-événement, son 10e : Tunisie, La Charge. Il nous fait part également de ses désillusions et de ses colères de journaliste.
A 50 ans, il n’a rien perdu de son impertinence créatrice. Langue de bois connais pas…
Propos recueillis à Tunis
- D’abord, comment avez-vous vécu, Taoufik Ben Brik, cette incroyable journée du 14 janvier ? C’est un peu le couronnement de votre combat contre le régime de «Zinochet»…
*Je l’ai vécue comme la plupart des Tunisiens. J’étais devant le ministère de l’Intérieur. En fait, j’étais là comme observateur, comme journaliste. Je devais faire un papier sur ça.
- Honnêtement, vous attendiez-vous à une chute aussi brutale de Ben Ali ?
*J’étais sûr que ce jour-là il partirait. Tout était là pour dire qu’il va foutre le camp. Il faut souligner que cette révolution n’a pas été voulue seulement par le peuple. Elle a été voulue avant par le système lui-même parce que Ben Ali a commencé à désorganiser le système. C’est comme si dans le système solaire, la lune fait ce qu’elle veut, Saturne fait ce qu’il veut… En Tunisie, il y a toujours un ministère et son ombre. Il y a le ministère de l’Intérieur, et au Palais de Carthage, il y a des ministères de l’Intérieur. A chaque clan, son ministère. Le «système Ben Ali» voulait se débarrasser de Ben Ali. Il était devenu un caillou qui faisait grincer la machine, et il fallait s’en débarrasser. Il faut savoir que le système Ben Ali est une constellation organisée autour des «3P» : la pègre, la police, le parti et tout autour, il y a d’énormes satellites. Il ne faut pas oublier que l’Amérique a toujours été là, de même que la France, à travers leurs services de renseignements. Moi je crois que Ben Ali a carrément été poussé pour commettre la gaffe qu’il ne fallait pas, c’est-à-dire les tueries, surtout celles de Tala et de Kasserine. Personnellement, je suis persuadé qu’ils ont marchandé avec lui, et ça, je l’ai écrit. Ce n’est pas seulement l’armée, la police ou les grands conspirateurs de l’Etat. Les Etats-Unis et la France aussi étaient dans le coup. Ils ont marchandé. Ils lui ont donné un milliard et demi et sa femme a foutu le camp avec. La plupart de ses gendres ont quitté le pays avant le 12 janvier.
- Toujours est-il que l’événement détonateur aura été l’immolation d’El Bouazizi. Le pays était sur une poudrière, le peuple tunisien était déterminé à en découdre, toutes ces villes de l’intérieur, «portuaires de la révolution» selon votre formule, et auxquelles d’ailleurs vous dédiez votre dernier livre…
*C’est vrai que les gens tendent aujourd’hui à minimiser cette étincelle. Tout d’un coup, les gens qui étaient couards deviennent des vaillants et des braves. Il fallait aller au-delà de la peur parce que s’immoler, ce n’est pas à la portée d’un petit bourgeois scolarisé qui a sa villa à Gamarth. D’ailleurs, il ne s’est pas immolé chez lui, il l’a fait sur la place publique. C’est donc un acte public, c’est un acte qui a un parfum de religiosité. Une religiosité non pas «religieuse», mais une religiosité lumineuse, bouddhiste presque. S’immoler, c’est une façon de dire : Voyez, moi, je suis capable de me faire encore plus de mal que le mal que vous comptez me faire. Donc je peux aller plus loin dans la souffrance.
Le peuple n’en pouvait plus. Ben Ali a enlevé toute humanité aux Tunisiens. Il les a rendus lâches, mouchards, minables. Il a fait de nous des animaux enfermés dans une réserve immense. Il faut dire qu’on ne s’est pas soulevés seulement contre Ben Ali mais aussi contre l’Etat. L’Etat pour les Tunisiens, c’est un poste de police, un tribunal et une prison. Moi je n’ai connu que ça.
- Vous êtes un symbole de résistance au régime répressif de Ben Ali. Vous avez longtemps porté quasiment seul le fardeau du peuple tunisien. Le 14 janvier, vous ne vous êtes pas dit je ne suis plus seul, tous les Tunisiens sont désormais des Taoufik Ben Brik ?
*Non, non, au contraire. Je me suis senti bien seul ce jour-là. C’est que, avec le départ de Ben Ali, je perds ma muse. J’ai écrit des tonnes d’articles sur lui, des livres sur lui. J’avais quelqu’un sur qui déverser ma haine. La haine, on ne peut pas la réserver à n’importe qui. Du coup, changer de sujet m’est très difficile. Moi je n’ai écrit que sur Ben Ali pratiquement. Je m’identifie un peu aux humoristes américains, Bruce Lenny, Woody Allen… Pour eux, les présidents sont de bons clients. C’est après tout notre travail. Le président, il faut le démolir, le ridiculiser. C’est une façon de le rendre humain. Surtout que nos présidents à nous deviennent… je ne sais pas comment… «El Presidente». Ils ne restent pas des Présidents. Ils gonflent et deviennent tout d’un coup des Nosferatu, des anthropophages, des Hannibal L’Eclair. Ils se délectent de notre chair vive. Maintenant, je n’ai plus de véritable sparring-partner. Je suis comme ces lutteurs Sumo, il me faut des poids lourds. Là, la prise est maigre. Ce sont tous des poids mouches, avec ces Ghannouchi, Caid Sebsi, etc.
- On vous a d’ailleurs reproché d’avoir rabaissé Yadh Ben Achour…
*Je dis ce que j’ai à dire, et eux, ils font ce qu’ils ont à faire. Pourquoi, je leur dois quelque chose ? Wella chaddine aliya esma la tih (ils empêchent le ciel de me tomber sur la tête ?). Mon travail, c’est d’en découdre avec le système. Eux, ils sont de l’autre côté de la palissade. Moi, je suis comme une sentinelle, une vigie, un sniper. Tu passes, je tire. Aux autres de faire l’éloge de ces messieurs. Alors, au moins qu’on me laisse ça. Je suis seul à cet exercice, qu’on me fiche la paix ! Tout le monde fait l’éloge de Yadh Ben Achour (président de l’instance supérieure de la réforme politique, ndlr). Ils disent de lui que c’est un type respectable, de bonne famille. La belle affaire ! Est-ce qu’on a besoin d’un type respectable, de bonne famille, bourgeoise, hautement bourgeoise ? Les seuls qui ont fait la révolution, ce sont les enfants de la balle, c’est les pieds nus, ceux qui ont chargé Tunis capitale à main nue. C’est les habitants des cités poudrières, c’est des villes entières qui ont marché comme Kasserine, villes portuaires de la révolution.
Les véritables guerriers de cette révolution restent aux aguets, restent en dehors, le sabre brandi. Les autres, ils ont déjà remis leurs armes en échange de «bassboussettes». Moi ils m’ont approché, ils veulent me caser. Mais je ne vais jamais me caser ! Je ne suis allé voir ni Ghannouchi ni ce Béji Caid Sebsi. Ce ne sont pas eux qui ont fait la révolution. J’ai un mépris incommensurable pour ces gens-là. Il nous faut des Evo Morales, des Lula, des gens qui nous ressemblent. Il faudrait des gens qui ne portent pas de cravate.
Cette révolution, personne ne la voit comme une révolution unique et exclusive. Pourtant, c’est une révolution énorme. Elle a bousillé la planète entière, a fait marcher une nation entière de l’Atlantique à l’océan Indien. Les gens ne voient pas que nous avons fait une révolution qui est meilleure, qui précède toutes les autres révolutions. C’est une révolution du XXIe siècle faite par des hommes du XXIe siècle par les moyens du XXIe siècle, avec un esprit du XXIe siècle. Et cette révolution ne peut pas être encadrée par un cours de droit constitutionnel. Mais on s’en fout de la loi ! La loi vient toujours pour encadrer le hors-la-loi. La révolution, c’est cette belle anarchie, ce chaos formidable et splendide qu’on veut enterrer.
- Vous avez annoncé votre candidature à l’élection présidentielle. Quel sens donner à cette annonce ? C’est de l’ironie, de la provocation… ?
*Avant tout, c’est pour désacraliser la fonction présidentielle. Si Taoufik Ben Brik peut prétendre à se porter candidat à la Présidence de la République, alors tous les citoyens tunisiens peuvent le faire. Pour le reste, je dirais juste : «Wait and see et Yes we Can !» (rires).
- Vous estimez que le métier de journaliste n’existe pas en Tunisie pour avoir été banni sous Ben Ali, et vous vous présentez comme un «journaliste en exil», même si vous vivez à Tunis…
*Dites-moi, est-ce que je peux parler, est-ce que je peux écrire ici ce que je suis en train d’écrire comme je le fais en France ou même en Algérie parfois ? C’est impossible à faire ici.
- Pourtant, après le 14 janvier, les journaux tunisiens se sont lâchés…
*Au fond, c’est un problème qui ne concerne pas que la presse. Le système Ben Ali est toujours là. Il est même resplendissant et flamboyant. On n’a rien arraché, ni le pouvoir soldatesque et l’armée ni rien du tout. On n’a pas le baroud, on n’a pas les «flouss» (l’argent), on n’a pas la justice, on n’a pas l’administration et on n’a pas la presse.
- Avez-vous été approché par des journalistes qui vous dénigraient sous Ben Ali pour demander pardon comme l’a fait Abdelaziz Jeridi qui a carrément fondu en larmes devant Sihem Bensedrine ? Par ailleurs, il y a le cas de Mohamed Krichen, le confrère d’Al Jazeera, qui a engagé des poursuites contre les propagandistes de Ben Ali qui le pourfendaient. Etes-vous prêt à tourner la page ? Eprouvez-vous de la haine envers les journalistes qui vous ont sali ?
*Non, pas du tout, pas du tout. Je n’ai pas de haine. En fait, ces gens-là, je leur dois quelque part un quart de ma célébrité. Il ne se passait pas une semaine sans qu’il y ait un portrait salé de moi dans leurs journaux de caniveau. D’ailleurs, je deviens triste lorsqu’ils me lâchent un peu. Ils m’ont fait de la publicité, et je leur dis merci.
- Vous disiez donc qu’au fond, rien n’a changé dans la presse tunisienne. Vous ne percevez vraiment aucun changement ? Elle se montre quand même plus critique…
*Je ne peux pas croire que des chiens de garde qui ont longtemps été les chiens de garde de Ben Ali deviennent tout d’un coup des chiens errants et enragés. Comment peuvent-ils devenir aussi vite des journalistes vaillants et courageux ? J’aurais préféré qu’ils restent eux-mêmes, c’est-à-dire des gens qui appartiennent toujours à la garde blanche. J’aurais eu pour eux un peu d’estime. Un peu de décence, quand même ! Il aurait fallu que ces gens vident les lieux. Si vous me demandez pourquoi vous ne travaillez pas dans un canard tunisien, je vous répondrais : mais il n’y a même pas de place. Toutes les places sont prises. Il n’y a même pas de strapontin, pas même dans le poulailler. D’ailleurs, je n’ai pas de carte de presse. Je ne peux pas. Je ne veux pas. Pour moi, le journaliste doit rester libre de toute attache.
- Vous refusez d’être encarté, «encravaté»…
*Complètement ! Est-ce que c’est la carte de presse qui va attester que Taoufik Ben Brik est journaliste ? Je les envoie chier, et je ne veux pas entendre parler d’eux. La vérité est que je n’aime même pas les côtoyer. Ce ne sont même pas des journalistes. Ils n’ont jamais fait leur métier de journaliste.
- Un nouveau code de la presse est en gestation. La reconfiguration du paysage médiatique tunisien n’a pas besoin d’une loi sur l’information selon vous ?
*Pour moi, il faudrait juste calquer l’article 1 (le premier amendement) de la Constitution américaine, c’est tout. C’est le droit à l’expression. En fait, moi, dès qu’on me parle de textes de loi, je me braque. Pour moi, le journaliste est un hors-la-loi. Qu’ils fassent leur loi ! Qu’est-ce que ça veut dire une année ou deux années ou six mois de prison ? On les fait, c’est tout ! En vérité, on les emmerde plus qu’ils ne nous emmerdent. En nous faisant brimer ou emprisonner ou embastiller, ils ne font qu’amplifier notre parole. Nous sommes les hors-la-loi, les bandits d’honneur, de ce siècle. Les poètes de ce siècle. Les poètes d’un écrit éphémère qui atterrit chez le poissonnier, qui sent le poisson après, ou la viande ou les fruits… Le journaliste a une marchandise lumineuse et précieuse. Les autres, à côté, vendent du vent, de la pacotille.
- Avez-vous gardé des séquelles de vos détentions et vos grèves de la faim en prison ?
*Je souffre d’une maladie orpheline. Mais, vous savez, il y a des gens qui ont gouverné la planète entière assis sur une chaise roulante.
Et si vos lecteurs vous prenaient au mot : «Aux armes les oubliés», ce mot d’ordre qui orne la jaquette de votre livre ?
(Rires) Ça serait fantastique ! Je niche au 9e étage d’un immeuble et je baroude avec ma plume comme d’autres baroudent avec le baroud lui-même. (El Watan-03.05.2011.)
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***lire aussi…le métier du journaliste,c’est celui d’informer
***consulter dossier sur la liberté de la presse…cliquer
http://www.courrierinternational.com/dossier/2003/10/27/la-liberte-de-la-presse
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* La presse algérienne… le pire et le meilleur La presse algérienne, leader en matière de défense de certains droits légitimes et démocratiques, a sans doute connu le pire comme le meilleur durant ces deux décades d’un combat pas toujours acharné, quoique toujours recommencé. Si les débuts avaient consisté en une sorte de « lune de miel » tolérée entre le pouvoir et la presse privée, que d’aucuns s’évertuent à qualifier d’indépendante, il faut dire que des tensions ont vite fait de se faire jour. Les aides directes et indirectes accordées à certains journalistes des médias de l’ex-parti unique afin qu’ils lancent leurs propres journaux n’avaient pas servi à grand-chose lorsqu’il s’était agi de faire rempart à l’hydre intégriste. Le dernier exemple en date, pour n’en citer qu’un seul, a trait à un certain journal qui s’en prend aujourd’hui aux services secrets algériens, sous prétexte qu’ils influeraient sur les lignes éditoriales des journaux, alors que cette même publication, dans le temps, avait publié, contre monnaie sonnante et trébuchante, un placard publicitaire signé par Hachani, successeur de Abassi Madani et Ali Benhadj, demandant aux soldats de se rebeller et de fomenter en Algérie une véritable guerre civile. Ainsi donc, le propre du bon journaliste, celui qui ne baisse jamais les bras, est d’avoir une mémoire la plus longue possible. Libre à chacun de réécrire l’histoire comme il l’entend. D’autant que c’est aux vainqueurs, ici les plus riches, que reviendra ce privilège. Il n’en demeure pas moins que les témoins vivants de ces époques, et même de celle que nous vivons présentement, demeureront comme une mauvaise conscience pour tous. La presse algérienne, ceux qui prétendent en être les « parrains » du moins, au lieu de se pencher sur une sorte de salvatrice autocritique, préfèrent persister sur une voie qui, pourtant, a montré toutes ses limites. Et c’est peut-être la raison principale qui a fait que ce métier, dévoyé, a déprécié le travail et les sacrifices d’authentiques journalistes qui méritaient sans doute un meilleur sort. Car, finalement, heureux les martyrs qui…(Le Courrier d’Algérie – 03.05.09.)
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* Entre stress et noblesse
Une date, un engagement…un combat: le 3 Mai, Journée mondiale de la liberté de la presse. Les journalistes, de par le monde, célèbrent aujourd’hui cette date…symbole. Une occasion pour faire le bilan , de réfléchir sur la profession souvent qualifiée de métier de toutes les peines, les souffrances…bref l’expression choisie importe peu . Le qualificatif est là. Il reflète souvent la réalité de ce noble métier. Et ceux qui l’ont qualifié ainsi ne se sont pas forcément trompés, ni du mot, ni de lettres. Sauf que le métier, en dépit des souffrances qu’il véhicule, continu de séduire, de fasciner encore et encore. Il ne se passe pas un jour sans qu’une rédaction ne connaisse un nouveau « venu », un « initié »… un futur journaliste. Hier et il n’y a pas longtemps, et quand la « coïncidence » fait bien les choses, notre rédaction a eu à accueillir un jeune étudiant fraîchement diplomé de l’université. Il vient tout juste de terminer ses études de journalisme à Alger. Il veut, entamer une carrière professionnelle. Logique, c’est le métier de ses « rêves ». Et ce n’est que justice s’il veut traduire son rêve en réalité. Le jeune est âgé à peine de 25 ans. Il fait preuve d’une volonté tenace. Il veut connaître plus le métier. Il se rapproche d’un jeune journaliste et lui demande de lui raconter son expérience…son vécu dans ce métier pas comme les autres : « Je me souviens, comme si c’était aujourd’hui, de mes débuts dans le journalisme, autrement dit de mes premiers balbutiements, il y a de cela 4 ans. C’était dur…», lui dira le jeune journaliste. Et de renchérir : « J’avais tellement peur de frapper à la porte du journal. Un pas en avant deux en arrière. J’étais tellement timide et anxieux que les mots m’échappent. J’étais devenu presque muet. Le trac m’a envahi et une multitude de questions a taraudé mon esprit en ces instants là. Devrait-je entrer ou bien rebrousser, tout bonnement, chemin ? La décision est délicate, mais aurait-je vraiment le choix ? La réponse est, vraisemblablement, non ». Qu’avez-vous fait, lui demande le jeune étudiant, qui semble déjà attiré par l’aventure de notre journaliste qui poursuit : « Un temps de réflexion, j’ai décidé, finalement, de continuer mon chemin et voir le responsable (rédacteur en chef) avec qui j’avait rendez-vous. Après tout, ce n’est pas la fin du monde ? Dis-je. Mais surtout, il n’y a rien de plus désastreux que de rater son premier rendez-vous. Je ne veux à aucun cas qu’il me traite de manque de sérieux, moi qui veut réussir ma carrière ». « L’heure fatidique est arrivée : le rédacteur en chef m’a, alors, demandé, à titre d’essai, d’écrire un article sur l’éducation nationale. Aussitôt dit aussitôt fait. Quand j’ai terminé mon travail, la même personne, l’air sérieux, dynamique, m’a demandé de le faire enregistrer sur micro. Après quelques minutes, la même personne m’a appelé annonçant que mon test est réussi ». Et là ? « C’est fut la grande joie. Et comment ? C’est le début de ma carrière professionnelle, de mon aventure intellectuelle….j’était heureux, en somme . Dès lors, les jours passaient et se ressemblaient pour moi. La rédaction est devenue ma seconde « demeure », l’actualité mon pain quotidien, mes collègues mes frères du travail et la liste est encore longue. Actuellement, les choses ont, certes, changé pour moi, sur le plan intellectuel, mais ma « simple vie » est restée toujours la même. Rien de changé par rapport au passé. Et pourtant, le métier est devenu pour certains une véritable source de richesses, de bonheur « matériel ». Et ce n’est pas les exemples qui manquent… Aux perspicaces d’en deviner », dira encore notre collègue, avant de souligner : « Cela dit, je ne regrette pas mon choix, d’autant qu’il s’agit de mon rêve. C’est la vie. La manière de voir les choses est différente… de voir le journalisme, également. Pour moi, les choses sont claires, ma devise, également. Et ma foi…je ne changerai jamais et je resterai toujours le même. Mon véritable bonheur c’est d’exercer ce métier des plus nobles avec professionnalisme et respect». Enfin, un conseil : « Si vous êtes ici pour d’autres finalités que le travail intellectuel, (droit d’informer les gens avec respect et objectivité) il faut changer de métier, il faut voir ailleurs, sauf si. Le journalisme est avant tout, une morale, une éducation….des valeurs et vertus» à qui veut entendre…Notre hôte du jour (jeune étudiant) ne souffle mot. Pense-t-il toujours au journalisme ? (Le Courrier d’Algérie – 03.05.09.)
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* L’urgense d’une halte d’évaluation
À peine la halte du 1er Mai consommée, telle une illusion furtive sur la place publique, voilà qu’un autre anniversaire, et pas des moindres pour ne pas dire des plus sensibles, se place sous les feux de la rampe. Il est question de la Journée mondiale de la liberté de la presse correspondant au 3 Mai de chaque année. Les décors qui se font jour en cette circonstance sont presque connus dans le menu détail par les professionnels de la corporation tout comme d’ailleurs le discours de circonstance. Ainsi femmes et hommes de la plume n’excluent pas l’option, en cette matinée même, d’un regroupement entre consoeurs et confrères qui se donneront rendez- vous par exemple à la Place de la liberté de la presse pour se remémorer les sacrifices de leurs aînés qui ont payé de leur vie leur engagement par la seule arme de la plume contre les forces de l’obscurantisme, et pour que cette valeureuse Algérie s’émancipe à jamais sur le chemin du modernisme et de la démocratie. Des voix s’élèveront pour rappeler que la presse a payé un lourd tribut dans sa façon de s’ériger comme un rempart incontournable non seulement contre la terreur intégriste qui régnait en maître une décennie durant, mais aussi pour barrer la route à toute tentation d’un pouvoir absolutiste. À chaque arrivée du 3 Mai, la presse algérienne se fait également l’invitée d’honneur des partis et de quelques institutions officielles. Dans l’après-midi d’hier, une cérémonie en l’honneur de la presse a eu lieu au siège national du FLN et ce matin une autre cérémonie du même genre est prévue dans l’enceinte de l’auguste Assemblée nationale. Qu’il soit au FLN, à l’APN, le discours à ronronner des allocutions monotones du genre «la liberté de la presse privée a réalisé de grandes avancées depuis son avènement», «l’Algérie en matière de presse peut se targuer d’un tirage de 2 millions d’exemplaires», « l’avenir de la corporation n’est que prometteur». Mais est-ce le constat qu’il faudrait présentement établir. La situation de la presse en Algérie est à même de se suffire de ces propos dithyrambiques des uns et des autres parmi nos politiques? La réponse est par la négative et la réalité dans ce secteur vital pour l’équilibre du pays, hélas est, peu reluisante. Quand bien même le paysage médiatique s’est enrichi depuis quelque temps par la parution de nouveaux quotidiens d’information, il reste que des pans entiers parmi la population n’accèdent guère en temps réel au contenu des journaux notamment ceux de leurs choix. Il est devenu coutumier depuis un bon moment déjà que les populations des wilayas du sud ne consultent les journaux du jour que dans les 48 h qui suivent leur parution. Et puis en langage de chiffres, que représente vraiment un tirage de 2 millions d’exemplaires brandi avec fierté face à une population estimée à plus de 34 millions d’habitants dont les deux tiers sont certainement en âge de consulter un journal? Autant dire alors que l’accès à l’information, un des droits les plus élémentaires de l’homme reste encore mitigé en Algérie. La désunion, ce mal qui ruine les journalistes C’est bien là un sérieux handicap qu’il faudrait faire disparaître via une généralisation massive de la diffusion et une mise en place d’un système de distribution des plus efficients à même d’assurer l’arrivée à temps des journaux dans les recoins les plus reculés de ce pays-continent qui est le notre. L’accès aux sources d’information demeure cet autre handicap auquel sont confrontés les professionnels de la presse. Mais c’est là sans doute un souci moins grave face au rythme des persécutions et d’intimidations continues auquelles est livrée la corporation des journalistes. D’aucuns parmi ces derniers savent pertinemment que l’épée de Damoclès pèse grossièrement sur la corporation. Une corporation ne cessant de se lamenter face à des conditions socioprofessionnelles des plus déplorables. Mais qui demeure une corporation disparate dont la source de tous ses maux, faut-il le dire, émane de son incapacité d’unir ses rangs à même de faire valoir des droits les plus indispensables et d’assurer ainsi sa survie face à une multitude de problèmes pas vraiment faciles à résoudre pour la plupart. Et puis il y a aussi cette question d’encadrement de jeunes journalistes qui fait défaut ces derniers temps, dans l’enceinte même de beaucoup de rédactions. En un mot comme en mille, l’aventure de la presse plurielle, relativement indépendante en Algérie est l’une des plus émancipée dans la région du Maghreb et même dans le monde arabe. Cependant n’est-il pas grand temps de procéder à une halte pour jauger les acquis d’une telle expérience, corriger les défauts et repartir ainsi sur de nouvelles bases ? (Le courrier d’Algérie)
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*Le chemin à parcourir…..
Ce 3 mai, le monde célèbre la Journée mondiale de la liberté d’expression et de la presse. Qu’en est-il en Algérie où cette notion de «liberté d’expression» reste un concept abscons sans impact immédiat sur la libre circulation de l’information? L’information! Informé a, de tout temps, été un enjeu de pouvoir, d’autant que le détenteur et producteur de l’information exerce un monopole certain sur le droit du citoyen à être correctement informé. La connotation politique, donnée à l’information en Algérie, prive ainsi le citoyen de son droit à l’accès à l’information.
L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, stipule que «la liberté d’expression est un droit humain fondamental». On peut longtemps ratiociner sur ce concept de «liberté d’expression», il n’en demeure pas moins qu’en Algérie celle-ci, telle qu’énoncée par les textes fondamentaux de l’ONU, est loin d’être évidente ou la mieux partagée. Rappeler ce principe en cette Journée mondiale de la liberté de la presse, montre aussi le chemin à parcourir pour parvenir à l’universalité de la liberté de dire et de pensée. Aussi, les professions de foi ne sont que ce qu’elles sont, lorsqu’elles ne sont pas suivies d’effets et ne garantissent pas l’accès des citoyens à une information fiable et impartiale. Ce qui n’est pas toujours le cas. L’exemple le plus probant est encore la manière de communiquer des pouvoirs publics, comme vient de le montrer le ministère de la Santé à propos de la grippe porcine qui mobilise l’ensemble des médias de la planète.
Le ministère justifie l’absence de communication par son souci de ne pas «semer la panique» parmi la population, quand cette dernière, par le biais des médias lourds internationaux, est déjà au fait de ce qui agite depuis quelques jours la planète, y compris les spéculations autour de l’Algérie sur cette question. En réagissant à contre-courant de cet événement mondial, les pouvoirs publics ont largement montré les limites d’une information contrôlée, livrée au compte-gouttes et à contretemps. Or, l’information et l’accès à l’information sont garantis par la Constitution. Etre informé, avoir accès à une information exacte, permet au citoyen de participer à la vie politique, culturelle économique et sociale du pays et assurer dans le même temps le pluralisme d’opinion sans lequel la démocratie ne saurait être qu’un ersatz de la liberté de dire et d’entreprendre. De fait, ces libertés resteront sujets à caution tant que perdure le monopole qu’exerce l’Etat sur les médias lourds, aujourd’hui fermés à une opinion politique plurielle. La radio et la télévision demeurent ainsi un vecteur-clé de la démocratie dans la mesure où ils donnent au citoyen, par une information crédible, d’être au fait d’enjeux le concernant en tout premier lieu. Aussi, l’existence de médias libres, pluralistes et indépendants renforce et pérennise la liberté d’expression laquelle ne peut être que plurielle. C’est dans ce contexte que l’Unesco marque la Journée mondiale de la liberté d’expression par une conférence (à Doha au Qatar, hier et aujourd’hui) placée sous le signe du dialogue et de la compréhension mutuelle. Ce colloque, expliquent ses organisateurs, «repose sur l’idée que seuls des médias libres contribuent (…) au dialogue et à la réconciliation entre parties antagonistes». Pour ce faire, est-il noté, «seul un média libre, (…) dynamique, indépendant, pluraliste, inclusif et équitable, dont la rédaction est libre et à l’abri de la censure et des influences d’intérêts politiques, économiques ou autres, peut intrinsèquement contribuer au dialogue et à la compréhension qui transcendent les barrières». C’est dire le chemin encore à parcourir pour fonder, en Algérie, une presse libre en conformité avec le droit des Hommes. (L’Expression- 03.05.09.)
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« Il y a trop de journaux en Algérie » … selon Judy Yablonky , consultante internationale.
Judy Yablonky est une consultante internationale en médias. Journaliste franco-américaine, elle a assuré des stages de formation pour les journalistes algériens depuis 2001.
L’Expression: Vous connaissez suffisamment le paysage médiatique dans le monde arabe pour y avoir donné des cours de formation. Que pensez-vous de la presse algérienne?
Judy Yablonky: Malgré ses problèmes financiers et de sur compétition, malgré le manque de formation adéquate de la plupart des journalistes, et en dépit de ses écarts récents pendant l’élection présidentielle, la presse algérienne reste parmi la plus libre et la plus animée du monde arabe. Malheureusement, il y a toujours beaucoup de progrès à faire pour que la presse algérienne arrive au niveau des standards internationaux des éthiques et de la liberté de la presse.
Le nombre de plus en plus croissant des titres imprimés en Algérie est-il un avantage ou un inconvénient pour la pratique journalistique?
Il y a trop de journaux en Algérie pour le pourcentage de la population qui peut les lire. Il y a surtout trop de journaux de la presse française dans un pays de plus en plus arabophone. Cette situation crée des journaux non rentables, qui sont subventionnés, et alors, qui ne peuvent pas être indépendants.
Beaucoup d’experts de médias craignent aujourd’hui pour l’avenir de la presse écrite. Partagez-vous cet avis?
Non, pas vraiment. La presse écrite mondiale doit changer, doit accepter la nouvelle technologie et doit trouver d’autres manières d’attirer un lectorat. Mais les journaux, ou l’actualité écrite, continueront d’exister.
Avez-vous une estimation (approximative) du nombre de journaux imprimés qui sont passés à la version on line?
Partout dans le monde, les journaux ont des versions on line. Mais la question «sont-ils rentables» n’a que peu de réponse positive. Aux Etats-Unis aujourd’hui, à cause de la crise financière qui crée une crise de publicité, il y a des journaux qui impriment seulement quelques jours de la semaine et sont on line les autres jours de la semaine. Il faut attendre, voir si cette expérience aide la rentabilité et la continuité de la presse écrite. (L’Expression du 03.05.09.)
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