Où en est le quatrième pouvoir en Algérie?

**Djilali Hadjadj. Président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC)

Djilali Hadjadj, porte parole de l'Association algérienne de lutte contre la corruption.

«Le droit d’accès à l’information pourrait contribuer à faire des Algériens des citoyens à part entière»

La liberté de la presse demeure un vœu pieu en Algérie devant le fait accompli imposé par les pouvoirs politiques concernant l’accès à l’information. La liberté de la presse demeure un vœu pieu en Algérie devant le fait accompli imposé par les pouvoirs politiques concernant l’accès à l’information.

- Le droit à l’information est garanti par la Constitution, mais aucune loi n’a été établie pour légiférer et préciser les dispositions sur l’accès à l’information, avant que le ministère de la Justice ne nous apprenne, fin février dernier, qu’un projet de loi est en cours d’élaboration…

Dans toutes les Constitutions algériennes depuis l’indépendance – et il y en a eu pas mal –, le droit à l’accès à l’information a toujours brillé par son absence. Même dans la toute dernière, celle de mars 2016, l’expression «accès à l’information» n’est pas évoquée, remplacée par «l’obtention des informations, documents, statistiques et leur circulation sont garanties au citoyen» (article 51).

Il a fallu attendre ces déclarations du directeur général des affaires judiciaires et juridiques au ministère de la Justice pour en savoir plus, déclarations où il évoque «l’élaboration en cours d’un projet de loi consacrant le droit d’accès à l’information, garanti par la Constitution».

- Comment expliquez-vous que les pouvoirs publics aient attendu aussi longtemps avant de légiférer ? Et pourquoi maintenant ?

Une centaine de pays dans le monde a déjà légiféré sur le droit de l’accès à l’information pour tous, particulièrement ces 20 dernières années, avec le soutien notamment de l’Unesco qui pilote cette question pour le compte de ses membres, dont l’Algérie. Les pouvoirs publics qui font de la résistance à ce sujet depuis belle lurette ont dû se dire qu’il était temps d’y aller pour ne pas être mis au ban de la communauté internationale. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

A une question d’un journaliste qui l’interrogeait au sujet de l’accès aux sources d’information à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse en 2003, Hocine Zehouane, avocat et militant des droits de l’homme de la première heure, répondit : «Vous revenez au problème des sociétés qui vivent encore sous la culture des sociétés secrètes.» Il a ajouté que «dans des administrations, des institutions et des ministères, on en est encore au régime des sociétés secrètes». Et de citer des exemples : «Si vous allez demander dans un ministère quel est le pourcentage des femmes qui travaillent dans cette administration, si vous faites une enquête sur le travail de la femme et tout simplement la promotion de la femme, on vous dira que c’est un secret.»

- C’est aussi une surprise car personne ne s’y attendait, n’est-ce pas ?

Quand nous avions pris connaissance en mars 2016 de l’article 51 de la nouvelle Constitution, article cité plus haut et au contenu ambigu, nous n’étions pas sûrs qu’il s’agissait effectivement du droit d’accès à l’information. Donc, bonne surprise oui, même si la manière avec laquelle cela a été annoncé est assez bizarre : une toute petite dépêche de l’APS qui mentionnait :

«En marge d’une visioconférence présentée par la directrice du bureau de la politique d’information au Département de la Justice des Etats-Unis», où participait le directeur général des affaires judiciaires et juridiques au ministère algérien de la Justice. Nous aurions préféré une annonce plus solennelle et dans un cadre plus souverain. Annonce en catimini, à telle enseigne que cette dépêche est passée totalement inaperçue dans les médias, tous supports confondus, et même sur les réseaux sociaux.

- Qu’est-ce qui amène les pouvoirs en place à préférer la loi de l’omerta à la transparence ?

Il est d’abord utile de préciser que l’Algérie est tenue de respecter ses engagements internationaux, dont des pactes et des conventions qu’elle a signés et ratifiés. A commencer par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, signé par l’Algérie en 1968 et ratifié seulement en 1989 dans le prolongement des événements d’Octobre 1988.

Ce pacte est surtout caractérisé par le 2e paragraphe de l’article 19 : «Toute personne a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.» Mais il a fallu attendre 2004 – après des années de blocage par des pays non démocratiques –, pour qu’il y ait adoption, sous l’égide de l’Unesco, des «principes directeurs pour le développement et la promotion de l’information du domaine public gouvernemental». Du côté du pouvoir algérien, le secret est devenu une sorte de seconde nature.

L’historien Benjamin Stora évoque ainsi «les imaginaires du secret» à l’œuvre dans la situation algérienne, dans son livre Algérie, naissance d’une nation. S’interrogeant sur les forces en conflit, il se demande «quels sont les acteurs réels du pouvoir qui font de l’opacité une arme essentielle de gouvernement ?» et considère qu’en Algérie «le secret est pensé comme “secret de fabrication” de la politique, incompatible avec le principe de la “chose publique”, système où un groupe d’hommes se dissimule derrière un épais rideau pour contrôler le pays».

- Dans ce droit, il y a la partie qui concerne les journalistes, la plus connue peut-être, mais il y a aussi un champ d’action inestimable pour d’autres segments de la société…

C’est le Français Alfred Sauvy – statisticien, économiste, sociologue, démographe, professeur, journaliste, conseiller politique, tout à la fois – qui avait affirmé à juste titre : «Bien informés, les hommes sont des citoyens. Mal informés, ils deviennent des sujets
Le droit d’accès à l’information gouvernementale pour tous consacré prochainement par une loi en Algérie pourrait contribuer à faire des Algériens des citoyens à part entière et non plus entièrement à part.

Pour reprendre les experts de l’Unesco qui planchent depuis des années sur l’exercice de ce droit. Une loi répondant aux standards et bonnes pratiques internationales en la matière devrait concerner toutes les personnes, tout type d’information, toutes les administrations publiques, contenir des exceptions limitées et comprendre des procédures gratuites, rapides et simples avec la mise en place d’un organe indépendant de surveillance, entre autres dispositions.

- Votre association travaille sur la corruption et l’information est vitale pour vos enquêtes. Qu’est-ce qui va changer pour votre action si la loi est adoptée ?

Ces dernières années, dans de multiples combats de la société civile pour une vie meilleure, et exigeant des administrations locales voire centrales de rendre des comptes sur leurs activités, la revendication pour le droit à l’information sur le terrain au quotidien et autour des aspirations populaires, parfois les plus élémentaires, est souvent apparue, même si les populations ont été amenées à l’exprimer par des émeutes de plus en plus fréquentes, à croire que c’est devenu le seul moyen de se faire entendre du pouvoir de plus en plus sourd et de plus en plus coupé des réalités.

- La rétention de l’information devient répréhensible, n’est-ce pas ?

A titre d’exemple de ce qui nous attend, il faudra modifier nombre de lois algériennes, dont le code pénal, le statut général de la Fonction publique, notamment sur la notion de secret professionnel. Effectivement, si nous obtenons une bonne loi, la rétention de l’information par les agents publics sera interdite. Ces derniers ne sont pas propriétaires des documents ni de l’information qu’ils détiennent en raison de leur fonction, et les citoyens ont le droit d’y accéder et de leur en demander communication.

- En dépit de l’importance capitale du sujet, ne pensez-vous pas qu’il y a un déficit de travaux de recherche sur le sujet ?

Vous avez tout à fait raison, ce déficit existe, ou du moins si des travaux ont été menés, leurs auteurs gagneraient à les rendre publics à la faveur de cette loi à venir, et les médias d’ouvrir leurs colonnes à des contributions dans ce sens. J’avais personnellement, déjà en 2004, travaillé sur le droit de l’accès à l’information pour le compte de l’ONG Transparency International, étude à l’appui, de concert avec des experts du Maroc, du Liban, de Jordanie et de Palestine.

En 2008 et 2009, à la demande du Bureau Maghreb de l’Unesco, dont le siège est à Rabat, j’avais fourni une étude assez fouillée sur cette question en Algérie, ce qu’avaient fait aussi des spécialistes de Tunisie, de Mauritanie et du Maroc. Nous disposons aussi d’une importante documentation à ce sujet, cumulée depuis une quinzaine d’années, que nous mettrons à la disposition du plus grand nombre.

- Le gouvernement semble avoir opté pour le modèle américain sur le sujet. Est-ce un bon choix et qu’en pensez-vous ?

La Suède a été le premier pays, il y a 250 ans, à ouvrir l’accès aux documents publics avec la loi sur la liberté de la presse de 1766 et elle est restée la seule nation à l’appliquer  pendant près de 200 ans. Cette loi a établi le principe de publicité et de transparence de l’administration. Les Etats-Unis ne se sont dotés du «Freedom of Information Act» (FOIA) qu’en 1966, il y a 50 ans, et la loi a été renforcée en 1974 à la suite des révélations de l’affaire du Watergate qui avait eu pour conséquence la démission forcée du président Nixon.

La Suède est un modèle du genre pour l’exercice de ce droit, c’est ce qui a dû effrayer le gouvernement algérien. Ce dernier a fait malheureusement le choix des Etats-Unis, pays qui s’est surtout distingué ces dernières années par un net recul en termes de droit d’accès à l’information, multipliant les restrictions sous prétexte de menaces sécuritaires et accentuant toutes sortes de surveillances de ses administrés.

- Etes-vous confiant ?

Seules de nouvelles avancées démocratiques issues de fortes luttes citoyennes seront à même d’obtenir des acquis pour que la loi sur l’accès à l’information devienne rapidement une réalité en Algérie. C’est un énorme chantier, législatif et réglementaire notamment, qui pourrait s’ouvrir dès cette année. Mais les lois sur l’accès à l’information ne sont toutefois pas suffisantes en soi. En pratique, elles font généralement intervenir une procédure bureaucratique qui peut être lourde. Il est donc nécessaire d’élaborer un cadre général de gestion et de diffusion proactive de l’information.

Les organisations de la société civile ont également un rôle crucial à jouer pour faire connaître le plus largement possible ce droit, pour tester l’effectivité des mécanismes mis en œuvre, veiller à ce qu’aucune restriction exagérée ne soit appliquée et suivre les avancées les plus récentes pour demander la mise à niveau des législations nationales.

Pour le bénéfice de tous, citoyens, journalistes, militants, élus, parlementaires, l’engagement du plus grand nombre est nécessaire. Notre association a saisi l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, pour rendre publiques des propositions sur le droit d’accès à l’information en Algérie.**Nouri Nesrouche / el watan / 04 mai 2017

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*Les journalistes algériens méritent le plus grand respect

Aujourd’hui, en véritables gardiens de la République, ils sont toujours les premiers à dénoncer les mauvais comportements et les dépassements dangereux, qu’ils soient, d’un côté ou de l’autre, de la ligne de la gouvernance.

Les journalistes algériens méritent le plus grand respect pour ce qu’ils ont fait jusque-là et pour ce qu’ils continuent encore à faire. Qui qu’ils soient, là où ils sont, ces journalistes travaillent dans des conditions suffisamment contraignantes pour les pousser à jeter, un jour leur plume et s’en aller essayer d’autres métiers à l’exercice moins passionnant, peut-être, mais moins stressants à coup sûr. Au lieu de cela, ils ont préféré persévérer face à un environnement compliqué et complexe. Ils ont affronté, différemment sans doute, les caprices incompréhensibles de gouvernants et ont dû résister aux chantages mesquins de certaines parties. Ils ont assumé leur rôle qu’ils savaient pourtant peu gratifiant et peu reposant.
Lorsque la poussée de la folie terroriste avait fini par sérieusement mettre le devenir de l’Algérie en réel danger, ces journalistes n’avaient pas fui leur responsabilité alors qu’ils venaient à peine de se lancer dans l’aventure de la presse libre. Ils n’avaient, ni reculé ni même hésité à porter haut l’étendard d’une Algérie combattante, solide et surtout, jalouse de sa liberté. Le tribut à payer était connu à l’avance, mais l’objectif était pour ces hommes et ces femmes plus cher et plus important que la vie elle-même. Certains y ont laissé leur vie avec tout ce que cela comportait comme difficultés pour les leurs. Leur amour pour le pays était immense, leur sens du devoir incroyable et leurs convictions étaient si fortes que, bien qu’à chaque fois qu’ils mettaient les pieds dehors s’attendaient à ne plus revenir, ils continuaient malgré tout à mener la lutte contre les fous du passé, les assassins du présent et les ennemis du futur. Et ils ne considéraient pas cela plus que leur devoir. Aujourd’hui, en véritables gardiens de la République, ils sont toujours les premiers à dénoncer les mauvais comportements et les dépassements dangereux, qu’ils soient, d’un côté ou de l’autre, de la ligne de la gouvernance. C’est ainsi, par exemple, que toute la presse a compris, justifié et même soutenu sans ambiguïté le mouvement des chômeurs du Sud tout en attirant l’attention de ses derniers sur la ligne rouge de l’unité nationale et l’irrecevabilité de tout détournement dangereux de la protestation pour le pays. Par ailleurs, et comme la communication officielle chez nous relève de l’ère du néolithique, c’est la presse nationale, indépendante surtout, qui, fait sien le rôle de réagir à toute atteinte au pays et se lève dans un seul et même élan, pour défendre ses intérêts à chaque manquement de la part de quelques parties étrangères que ce soit. Jamais en retrait par rapport à sa mission, la presse nationale se trouve toujours au-devant du combat que mène l’Algérie pour s’extirper enfin de son faible développement. S’invitant dans tous les débats, même lorsqu’ils dérangent les décideurs, la presse nationale a, semble-t-il, décidé de pousser le pays vers plus de transparence et meilleure prise en charge des aspirations du peuple. De différentes tendances et puisant leurs lignes dans diverses convictions, nos journalistes ont conscience que cette diversité est un immense capital pour l’entretien, la sauvegarde et l’amélioration de la liberté d’expression et l’exercice de la profession.
Aujourd’hui, plus que jamais, l’Algérie a besoin de ses journalistes et de sa presse. Elle en a besoin pour accompagner le processus encore fragile de transition vers un Etat de droit, elle en a besoin pour dénoncer les agissements malhonnêtes et préjudiciables aux intérêts du citoyen et elle en a besoin pour veiller sur la République. Autant dire que, en ces temps assez difficiles, l’Algérie a besoin de ses journalistes et de sa presse pour éviter les pièges qui visent à la traîner là où n’est pas son intérêt et pour contourner de dangereux écueils érigés sur son chemin. Tout compte fait, et de manière générale, il ne fait pas de doute que la presse algérienne a eu, jusque-là, un parcours plus qu’honorable. Disons-le lui, sincèrement, en cette Journée mondiale de la presse! *L’Expression-04.05.2013.

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*Les médias algériens en 2016, selon Reporters Sans Frontières

*un pluralisme médiatique asphyxié

**La main invisible du système sur les médias

En 2014, la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat suscite de très fortes tensions. L’opacité entourant l’état de santé du chef d’état depuis l’AVC qui a réduit ses capacités d’élocution et de mobilité en 2013, l’absence de transparence quant au déroulement du scrutin, et les nombreux scandales de corruption entachant le système politique de manière récurrente, inquiètent quant à l’avenir du pays.

Facteur aggravant, l’Algérie subit de plein fouet, à partir de 2015, les conséquences du contrechoc pétrolier engagé par l’Arabie saoudite, avec une chute de plus de 70 % du prix du baril en l’espace de deux ans. Ces difficultés n’empêchent toutefois pas l’impulsion de nouvelles initiatives dans le camp de l’opposition : en 2014 est créée la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD), élargie ensuite à d’autres partis politiques et membres de la société civile à partir de la mi-2015, au sein de l’Instance de concertation et de suivi de l’opposition (ICSO).

Cette dernière, dont la principale revendication est la mise en place rapide d’une transition démocratique, a tenu son deuxième congrès en mars 2016. Dans ce paysage politique complexe, les médias continuent à jouer tant bien que mal un rôle de vecteur de l’information entre le citoyen et l’État. Si, pour évaluer la situation de la liberté de la presse en Algérie, les regards se sont longtemps tournés vers la presse écrite privée née du processus d’ouverture démocratique des années 90, les réformes engagées par le gouvernement dans le secteur médiatique à partir de 2011 amènent à élargir le champ de l’observation. L’édiction du code de l’information, loi organique votée en 2012, en est un marqueur important. Prévoyant la dépénalisation partielle des délits de presse, ce texte de loi permet également la libéralisation du secteur télévisuel, jusque-là monopole de l’État. La loi sur l’audiovisuel de 2014 entérine cette ouverture, bien que, dans les faits, les nouvelles télévisions privées évoluent dans une zone grise, en l’absence de régulation du secteur, toujours attendue.

Au-delà de la presse écrite et de la télévision, des médias électroniques ont enrichi le panorama médiatique algérien. L’émergence de journalistes-citoyens encourage également une réflexion renouvelée sur la production de l’information à l’ère du numérique et des réseaux sociaux. Cette récente multiplication des acteurs du secteur médiatique n’indique pas pour autant une plus grande tolérance des autorités pour le droit à une information libre, indépendante et porteuse d’un véritable pluralisme d’opinions. Le pays se trouve d’ailleurs au 129e rang sur 180 du Classement mondial 2016 de la liberté de la presse de RSF. Certains sujets – tels que la santé du président de la République, l’atteinte aux « valeurs et principes de la société » ou les « fondements de la Nation » – sont 5 considérés comme des « constantes » nationales, et autant de pierres d’achoppement auxquelles peu de médias osent se heurter.

D’autres outils de pression – judiciaires, économiques ou politiques – sont également utilisés par les pouvoirs publics pour rétrécir le champ de la liberté d’informer. Au mois de juin 2016, deux responsables d’une chaîne de télévision algérienne (KBC/El Khabar) ont été mis sous mandat de dépôt plus de 20 jours pour « fausses déclarations ». Le 11 décembre 2016, la nouvelle du décès en détention du journaliste algéro-britannique Mohamed Tamalt à Alger a profondément choqué la profession et les défenseurs des droits de l’homme.

Condamné à deux ans de prison ferme pour « outrage à corps constitués » et « atteinte à la personne du Président » après la publication de statuts sur Facebook, Mohamed Talmat avait entamé une grève de la faim dès son incarcération le 27 juin. Tombé dans un coma profond début septembre, il est décédé en décembre en prison. Un autre journaliste Hassan Bouras, harcelé depuis 2003, est également derrière les barreaux, pour avoir publié une vidéo où trois témoins dénoncent à visage découvert des faits graves de corruption impliquant des hauts responsables de l’appareil judiciaire et sécuritaire de la ville d’El Bayadh, dans l’ouest algérien.

Hassan Bouras a été condamné sur la base du code pénal pour « outrage à corps constitués », entre autres. En choisissant de recourir au code pénal, les magistrats désavouent complètement le code de l’information de 2012 et la Constitution. Basé sur une vingtaine d’entretiens menés entre mai et octobre 2016 à Alger, Oran et Tunis, ce rapport présente un panorama non exhaustif de l’évolution de la liberté de la presse en Algérie depuis 2014, avant de détailler les pressions subies par le secteur ces deux dernières années. Il propose enfin des recommandations à destination des autorités, de l’autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) et de la communauté internationale, pour le renforcement de la liberté de l’information en Algérie.

UN PLURALISME MÉDIATIQUE ASPHYXIÉ

Un constat partagé par le directeur d’El Watan Omar Belhouchet qui considère que « chaque acquis obtenu par la presse indépendante pendant les années 90, au prix de très lourds sacrifices, est en train d’être perdu dans un contexte de déréglementation où, sous couvert de pluralisme, des fonds occultes sont en train de s’emparer peu à peu des médias ».

Pour éviter ce scénario, une autorité indépendante de régulation de la presse écrite devait être créée, chargée de mener des réformes encourageant l’indépendance des médias et le pluralisme d’opinion. Selon le code de l’information2, sept de ses 14 membres sont élus à la majorité absolue par la profession, et non par les organes exécutif ou parlementaire de l’État. Si cette autorité n’a toujours pas vu le jour, c’est parce que les autorités craignent sa trop grande indépendance. En mai 2016, le ministre de la Communication Hamid Grine considérait que cette autorité « ferait doublon avec le ministère » et proposait de la « supprimer » avant de se voir contredit par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui évoquait en septembre « un retard dans la mise en place de l’autorité dû aux difficultés qu’a connues l’opération de délivrance des cartes de journalistes ».

LE SECTEUR AUDIOVISUEL EN MUTATION

Le privé constamment sur la sellette Les réformes engagées à partir de 2012 pour ouvrir le champ audiovisuel algérien au secteur privé après des décennies de verrouillage a mené à l’apparition d’une cinquantaine de chaînes de télévision. Seules cinq parmi elles – Dzair TV, Ennahar TV, El Djazair, Echourouk TV et Hogar TV – ont obtenu en avril 2013 l’agrément leur permettant d’ouvrir des bureaux à Alger, agrément qui n’a d’ailleurs pas été renouvelé après la fin de cette même année. Évoluant dans une zone juridique grise, les chaînes algériennes ont un statut d’entreprise offshore leur permettent d’émettre vers l’Algérie via des opérateurs satellitaires tel l’Égyptien NileSat.

L’ambiguïté de ce statut complique le travail de ces télévisions, notamment pour obtenir des accréditations à leurs journalistes, pour enregistrer des émissions dans des studios algériens et pour démarcher des annonceurs publicitaires.

Soumis au bon vouloir du gouvernement, ces chaînes peuvent voir leur matériel saisi ou leurs studios mis sous scellés du jour au lendemain sans aucun recours, quand elles ne sont pas purement et simplement fermées. En 2015, l’absence d’une réglementation claire a mené les autorités à fermer manu militari la chaîne El Watan TV, non pas pour une erreur qu’elle aurait commise mais pour des propos tenus par l’un de ses invités Madani Marzag. Ce dernier n’a, pour sa part, jamais été inquiété par les autorités.

« C’est très clair : le pouvoir algérien a une peur panique de l’image, souligne Abdou Semmar, directeur d’Algérie Focus et chroniqueur pour plusieurs émissions de télévision censurées par les autorités en 2015 et 2016. C’est pour cette raison qu’il fait tout pour la garder sous contrôle en favorisant les chaînes thématiques, notamment celles consacrées au divertissement. » La loi de 2014 relative à l’activité audiovisuelle4 prévoit que seuls les services de communication audiovisuelle relevant du secteur public peuvent être organisés en chaînes généralistes, c’est-à-dire couvrir les domaines de l’information, de la culture, de l’éducation et du divertissement (articles 4 et 7).

Le privé, lui, est cantonné à des chaînes thématiques, avec des programmes d’information dont le volume horaire doit être dûment précisé (art 5, 17 et 18). Le service public : une crédibilité mise à mal « Le service public doit avant tout renforcer la cohésion socioculturelle de l’Algérie », nous explique un responsable à l’EPTV (Établissement public de télévision). Quant à l’avenir de la télévision, notre source met en exergue un excès de l’offre actuelle : « Le grand défi auquel nous devons faire face est la multiplication du nombre de chaînes satellitaires, avoisinant les 1 400 aujourd’hui dans le monde arabe. » Bien que disposant d’une dizaine de titres de presse, de cinq télévisions et huit radios nationales, les médias de service public peinent à servir l’intérêt général par la production d’une information crédible et indépendante. Les JT d’information couvrent principalement les activités du président de la République et du gouvernement, sans donner la voix à l’opposition. La diffusion de programmes préenregistrés domine et les sujets traités cherchent à faire de la question des valeurs socioculturelles de l’identité algérienne un point d’honneur dans la mission du service public.

UNE PRESSE EN LIGNE COMBATIVE MAIS FRAGILE

À partir du milieu des années 2000, les médias en ligne algériens s’affirment dans le paysage médiatique bien que le nombre d’utilisateurs d’Internet demeure assez faible en Algérie – 38,2/100 personnes en 2015 selon l’UIT (Union internationale des télécommunications).

Reconnus par le public, les pure-players évoluent dans un brouillard juridique précarisant. Bien que le code de l’information de 2012 leur ait consacré un chapitre, ils n’ont d’autre choix que de se constituer en sociétés de services, agences de communication ou entreprises de droit étranger pour exercer leur métier. « Nous sommes dans une situation d’aliénation de la norme, déclare Ihsane El Kadi, directeur d’Interface Médias, qui édite le site Maghreb émergent. La précarité juridique dans laquelle nous exerçons nous fait vivre dans la peur constante d’une perquisition, notamment lorsque l’on traite de sujets sensibles tel que le retour en Algérie en mars 2016 de Chakib Khelil, ancien ministre algérien de l’Énergie, très proche de Bouteflika et accusé de graves faits de corruption. »

«Nos journalistes ne disposent pas d’accréditations puisque nous n’avons pas de statut clair. Cette situation rend difficile la couverture médiatique et encourage un système de faveur et de petits arrangements, nuisible à la liberté de la presse », ajoute Hamid Guemache, directeur du média en ligne TSA. La problématique financière vient se greffer aux difficultés auxquelles doivent faire face les pure-players. Le modèle économique suivi par ces derniers s’oriente généralement vers un financement via l’actionnariat et la publicité. « Nous n’avons pas d’autre choix pour le moment. Nous avons tenté l’expérience du crowdfunding pour Radio M mais cela s’est avéré très compliqué à mettre en place. Le développement d’un contenu payant en ligne, par exemple, est impossible puisque pour que nos lecteurs puissent s’abonner à notre site, ils devraient pouvoir payer par Internet, ce qui n’est pas encore possible en Algérie ! », ajoute Ihsane El Kadi. Le 4 octobre 2016, le e-paiement était lancé en Algérie en grande pompe. Celui-ci ne concerne pour l’instant pas les médias.

LE JOURNALISME-CITOYEN CONTRE VENTS ET MARÉES

Dans les régions où l’information est plus difficilement accessible ont émergé les voix de journalistes-citoyens, très présents sur les réseaux sociaux et YouTube. Ils partagent leurs photos ou vidéos pour pallier les lacunes de l’information officielle, notamment dans les régions où se déroulent d’importants mouvements sociaux. Sujet d’inquiétude pour les autorités algériennes, celles-ci n’hésitent pas à les poursuivre sur la base du code pénal en l’absence d’une législation protectrice. Si plusieurs projets de loi relatifs au numérique semblent être en attente d’examen devant le Conseil des ministres (dont un code du numérique, une loi sur la protection des données personnelles et une autre sur l’accès à l’information), il est certain que ces textes chercheront avant tout à contrôler le droit d’informer sur Internet.

« Le privilège régalien de l’information s’étend maintenant à Internet, juge Mohamed Benchicou, ancien directeur du journal papier Le Matin, prisonnier d’opinion de 2004 à 2006 et actuel rédacteur en chef du média en ligne Le Matin d’Algérie. Les prochaines victimes de la censure seront les journalistes-citoyens, parce qu’ils ont entre les mains un outil qui pourrait faire émerger le renouveau du journalisme de combat, loin de la politique des compromis. » L’État maintient d’ailleurs son monopole sur Internet puisque l’accès y est fourni par une seule entreprise, étatique. Le web peut être coupé à tout moment sur une décision unilatérale du gouvernement. En juin 2016, les autorités ont ainsi bloqué tout accès aux réseaux sociaux de peur de voir fuiter les sujets du baccalauréat. Il est à craindre que cette censure soit utilisée à l’avenir pour filtrer l’information et réduire ainsi le champ de la liberté des journalistes-citoyens et des lanceurs d’alerte.**algerie-focus/ jeudi 22 décembre 2016

Pour lire la suite du rapport de Reporters Sans Frontières, cliquez sur ce lien

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*Sale temps pour la presse

Le pouvoir multiplie les actes d’hostilité

Comme les années précédentes, les journalistes algériens rencontrent des difficultés à accéder aux sources d’information, surtout au niveau des hautes instances de l’Etat et des administrations locales. La fermeture de tous les canaux de communication laisse donc la voie ouverte aux spéculations.

La Journée internationale de la liberté de la presse est célébrée, cette année, sous le signe de nouvelles restrictions contre tout ce qui représente, dans le pays, la presse. Pour mieux «gratifier» la presse algérienne, le pouvoir lui a offert un cadeau : la veille de la date célébrant la liberté de la presse, il attaque en justice El Khabar, l’un des rares journaux arabophones qui ont réussi à s’imposer tout au long des 25 ans de multipartisme médiatique que connaît l’Algérie. Non content d’avoir étranglé le journal en exerçant un chantage sur les annonceurs privés – mesure qui a touché également El Watan – le pouvoir veut donc pousser El Khabar à l’asphyxie financière.

Car interdire la cession de certaines actions en faveur de Cevital signifie une volonté de mise à mort du titre. Alors qu’il a fait mine d’inscrire plus de libertés dans la nouvelle Constitution, adoptée en mars dernier, sans que les décrets d’application ne voient encore le jour, le pouvoir fait le contraire. En représailles contre la publication d’articles évoquant la création de sociétés offshore par des responsables algériens, le ministère de la Communication a retiré la publicité publique à certains journaux à grand tirage. C’est le cas du quotidien Liberté.

Sous prétexte d’avoir «porté atteinte» à l’image du chef de l’Etat, des journalistes français ont été interdits de visa d’accès en Algérie. Un fait dénoncé par de nombreuses organisations internationales de défense des droits des journalistes et de la liberté d’expression qui estiment que ce genre de comportement ne favorisent en aucun cas la promotion de la liberté de la presse. En plus de ces mesures de coercition, les autorités continuent d’harceler des journalistes pour leurs écrits. C’est le cas d’un journaliste du quotidien gouvernemental El Djoumhouria (qui paraît à Oran) qui fait l’objet de l’acharnement de son directeur de la publication.

Poursuivi pour «atteinte au Prophète», le rédacteur a pourtant été blanchi en première instance par le tribunal d’Oran. Mais son patron fait appel. L’affaire sera donc jugée en appel. Une blogueuse de Tlemcen, Zoulikha Belarbi, a été traînée dans les tribunaux pour avoir caricaturé le chef de l’Etat. Elle s’en est sortie à bon compte suite à la mobilisation des associations de défense des droits de l’homme. Mais elle a servi d’exemple à ceux qui seraient tentés de dessiner Abdelaziz Bouteflika ou toute autre personnalité du pouvoir.

Comme les années précédentes, les journalistes algériens éprouvent d’énormes difficultés à accéder aux sources d’information. Cela est surtout valable au niveau des hautes instances de l’Etat et des administrations locales. La fermeture de tous les canaux de communication laisse donc la voie ouverte aux spéculations. Autre caractéristique du secteur de la presse en Algérie : après avoir permis la création de dizaines de titres, généreusement arrosés de la publicité étatique pour tenter de noyer les vrais journaux, le pouvoir se retrouve devant l’implacable réalité du marché.

Ne pouvant donner de la publicité à tous ces journaux, il est contraint d’assister à la fermeture de beaucoup d’entreprises de presse avec un coût social exorbitant. Des dizaines de salariés se retrouvent du jour au lendemain sans emploi. Incapables de faire face à la moindre charge, les entreprises dissoutes ne peuvent même pas verser les indemnités de départ de leurs employés. A tous ces problèmes s’ajoute l’absence d’un cadre législatif qui régit la presse dans le pays. Car après avoir adopté une nouvelle Constitution, le pouvoir devra changer tout l’arsenal juridique qui régit certains secteurs, dont la presse qui se retrouve ainsi sans loi. Et rien ne semble se profiler à l’horizon.*Ali Boukhlef / el watan / mardi 03 mai 2016

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*Abdelaziz Bouteflika pour la mise en place de l’autorité de régulation de la presse écrite

Abdelaziz Bouteflika a exprimé, publiquement, un véritable désaveu au ministre de la Communication Hamid Grine. Le chef de l’Etat a demandé, dans un message envoyé à l’occasion de la célébration de la journée nationale de la presse, de mettre sur pied l’autorité de régulation de la presse écrite.

«Je saisis cette heureuse occasion pour exhorter la corporation de la presse écrite et les autorités publiques concernées à œuvrer ensemble pour accélérer la mise en place de l’autorité de régulation de la presse écrite, stipulée par la loi», a indiqué le chef de l’Etat. Le ministre de la Communication, Hamid Grine, a justement refusé, à plusieurs reprises, de créer cette instance pourtant exigée par le code de l’information.

Faisant le parallèle avec l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, le Chef de l’Etat a émis le vœu que cet organe «soit lui aussi» «un espace pour établir davantage de compréhension entre le pouvoir et la presse écrite et aider la presse algérienne à améliorer sa performance, non seulement en termes de liberté d’opinion, de diversité d’idées et de convictions, mais également pour la consécration de la certitude que nous sommes, aussi différentes que soient nos obédiences, un peuple uni et unique et que nous n’avons d’autre  patrie que l’Algérie».

Le chef de l’Etat a également «profité» de cette journée pour donner des leçons de morale sur l’éthique aux journalistes : «Je vous exhorte à ne jamais perdre de vue l’Algérie en tant que patrie,  Etat et peuple. L’Algérie et ses intérêts, non pas le pouvoir ni un courant  politique quel qu’il soit». «L’Algérie est confrontée aujourd’hui à plusieurs défis, tant pour la préservation  de sa sécurité et sa stabilité dans un environnement marqué par les tensions que pour le parachèvement de son processus rénové sur la voie de la construction et de l’édification économique, sociale, culturelle et politique», a ajouté Bouteflika.*algerie-focus/ vendredi 22 octibre 2016

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Journée mondiale de la liberté de la presse

Aujourd’hui, le monde de la presse fera une halte sur les acquis mais aussi sur les droits des professionnels des médias Aussi bien les rares syndicats que les journalistes décrient une situation difficile, voire catastrophique.

*Cette précarité qui menace le métier de journaliste

La floraison des titres et des chaînes de télévision s’est malheureusement accompagnée d’une précarité criante, mettant à mal une corporation déjà lourdement affectée par le chantage financier exercé par l’Etat et les violations de la réglementation du travail. S’introduire dans les rédactions aussi bien publiques que privées pour évaluer les conditions socioprofessionnelles des journalistes s’avère un parcours du combattant. Si certains organes de presse se démarquent à travers des acquis — qui restent insuffisants — la plupart n’offrent pas le minimum des conditions d’exercice d’une profession devenue très vulnérable et surtout la moins représentée syndicalement.

Pour les professionnels, «lorsque le journaliste exerce dans la précarité, la célébration du 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, n’a plus de sens». L’avis est partagé aussi bien par les rares syndicats du métier que les journalistes avec lesquels nous nous sommes entretenus et qui décrivent en général «une situation difficile», voire «catastrophique» dans certains cas.

Cette tendance n’est pas récente. Elle remonte aux années 2000 et s’est accentuée vers la fin de la décennie. Pris en otage et tiraillé par des luttes internes, le seul syndicat des journalistes (SNJ), créé vers la fin des années 1990, a fini par voir déserter nombre de ses adhérents. Seul un bureau, dont le mandat n’a pas été renouvelé depuis près de 8 ans, exerce. Son secrétaire général par intérim, Kamel Amarni, continue «tant bien que mal» à répondre «aux nombreuses préoccupations» de la profession. «Les problèmes socioprofessionnels sont de plus en plus nombreux. Avec 170 quotidiens, les chaînes de télévision, les sites électroniques et les radios locales, les problèmes se sont amplifiés», explique Amarni.

Le cas du journal El Ahdath est révélateur, dit-il : «Il vient de fermer et avec lui 35 postes  risquent de disparaître. Nous lui avons trouvé un repreneur, mais avec la condition de sauvegarder les emplois.» Dans le secteur privé, ajoute-t-il, la situation est «problématique». «Dans le secteur public, nous avons réussi à négocier avec la tutelle, qui est le ministère de la Communication, une convention collective et une grille salariale, qui ont d’ailleurs été appliquées malgré les réticences. Dans le secteur privé, il n’existe pas d’interlocuteur unique. Ils sont trop nombreux. En dépit de toutes les tares reprochées au SNJ, il faut reconnaître qu’il existe et qu’il tente tant bien que mal de pousser au changement.

La corporation a grandi rapidement avec l’apparition de nouveaux titres et de chaînes privées. Jusqu’à aujourd’hui, 5000 journalistes ont obtenu leur carte de presse officielle. Il existe des journaux dont on ne connaît même pas les propriétaires. C’est le cas d’El Ahdath. Même ses journalistes ne connaissent pas leur vrai patron. D’autres journaux recrutent des jeunes diplômés de l’Itfc, payés par l’Anem, ne déclarent pas leur personnel, etc. La situation est peu reluisante», lance le syndicaliste.

Selon Amarni, les journalistes ont une part de responsabilité dans cette situation. «Lorsqu’ils ne sont pas empêchés, ils ne s’impliquent pas, manquent d’engagement et de mobilisation. Lorsque nous avons lancé l’élaboration des conventions collectives, nous avions appelé à une assemblée générale pour discuter la dernière mouture, seuls 8 éléments sont venus», regrette-t-il, tout en précisant : «Cela ne veut pas dire que l’Etat n’est pas responsable. C’est à l’Etat de faire respecter les lois du travail et de protéger les journalistes des dérives.» Si certains ont continué à militer au SNJ en dépit de ses problèmes organiques, d’autres ont opté pour cette action appelée «Initiative pour la dignité du journaliste» lancée en 2011.

Ryadh Boukhedcha, membre fondateur de ce réseau, dresse un tableau noir de la situation socioprofessionnelle. «Dans de nombreuses entreprises de presse, les journalistes perçoivent des salaires compris entre 25 et 35 000 DA, nombre d’entre eux vivent dans cités universitaires ou dans des dortoirs indignes de la profession qu’ils exercent. Les conventions collectives et les grilles salariales n’existent pas. D’autres n’ont même pas d’outils de travail comme le micro-ordinateur ou la connexion internet.

La réglementation du travail est carrément foulée aux pieds. En 2016, nous avons perdu 150 postes de journalistes et 300 autres emplois dans les médias sont perdus depuis début 2016. La situation est d’une telle précarité ! Comment pouvons-nous parler de liberté de la presse lorsque la dignité du journaliste est bafouée ?» dénonce Boukhedcha, qui annonce la publication aujourd’hui du troisième rapport sur la situation de la presse. Cependant, le SNJ et l’Initiative pour la dignité des journalistes ne sont pas les seuls cadres de revendication. Des confrères d’El Khabar et de Liberté ont privilégié la création d’un syndicat d’entreprise sous la bannière de l’UGTA.

Histoire d’éviter les tracasseries bureaucratiques et surtout de bénéficier de l’expertise dans le domaine de la réglementation du travail et des négociations. Les deux expériences se ressemblent, elles ont aidé leurs entreprises à surmonter de nombreux conflits internes. Pour Rafik Ouahid, secrétaire général du syndicat d’El Khabar, la priorité était la grille des salaires. «Nous avons réussi à éliminer de nombreuses disparités salariales des journalistes.

Cela n’a pas été facile en raison de la résistance de certains. Mais tous ont fini par reconnaître que le journaliste n’est pas juste un travailleur, il est partie prenante dans la réussite de l’entreprise. Notre erreur est de n’avoir pas discuté en même temps la grille des salaires et la convention collective. Nous avons accéléré la procédure de négociation, mais il y a eu, entre temps, la vente du journal. Le dossier, aujourd’hui, est sur le bureau du nouvel employeur.» Ouahid note par ailleurs : «L’essentiel pour nous est de protéger l’entreprise en lui permettant de se mettre en position de respect de la loi, à travers la création du comité de participation, de la commission paritaire, des œuvres sociales et faire en sorte que le climat du travail soit serein.»

Les mêmes préoccupations sont prises en charge par le syndicat d’entreprise au quotidien Liberté. Mais après avoir arraché plusieurs acquis, il a fini par se transformer en coquille vide après une succession de démissions de ses membres. Dans ce désordre, beaucoup de journalistes reconnaissent que «certains organes de presse offrent des conditions de travail plus ou moins acceptables». L’avis est largement partagé par un responsable d’un grand quotidien qui a requis l’anonymat. Tout en reconnaissant la précarité des emplois au sein de sa rédaction privée, il explique : «Si le secteur public a répondu favorablement aux revendications socioprofessionnelles des journalistes, c’est tout simplement parce que derrière, il y a les ressources financières de l’Etat.

Ce qui n’est pas le cas du secteur privé, qui reste tributaire de ses ventes et de la publicité que les pouvoirs publics utilisent, d’ailleurs, comme moyen de chantage à son égard. Il n’en demeure pas moins que certains parmi eux offrent des conditions de travail assez confortables, même si elles restent à parfaire.» Pour tous, la corporation «va mal». Ils tirent la sonnette d’alarme face à la vulnérabilité et la précarité du métier. Pour les journalistes, «la liberté de la presse ne peut s’exercer sans le respect de la dignité, qui passe obligatoirement par le respect des conditions de travail».*Salima Tlemçani /  el watan / mardi 03 mai 2016

***Entre discours élogieux et pratiques liberticides

Harcèlement judiciaire, pression économique et étranglement financier sont méthodiquement au service de la mise au pas de la presse libre. Les beaux discours officiels sur la liberté de la presse et d’expression ne résistent pas à l’épreuve d’une réalité faite d’interdits et de déni des libertés.

Célébrer la liberté de la presse le jour, la brimer la nuit. C’est le jour même où le très influent quotidien arabophone El Khabar est convoqué devant un tribunal qui décidera de sa vie ou de sa mort, que le pouvoir de Bouteflika s’est fendu d’un message «élogieux» aux journalistes à la vielle de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse.

«La lutte nationale et les sacrifices incommensurables qui ont jalonné le parcours de la presse nationale, dans le cadre des batailles, des victoires et des douleurs de son peuple, lui valent respect et reconnaissance», lit-on dans le message présidentiel. Le cynisme poussé à son apogée. La technique du pouvoir consiste à faire précéder la répression par des éloges. Le chef de l’Etat rend hommage à une corporation qui a été «au premier rang de la résistance pour la survie de l’Algérie». C’est la même corporation à qui le pouvoir qu’il incarne livre une guerre permanente.

Harcèlement judiciaire, pression économique et étranglement financier sont méthodiquement au service de la mise au pas de la presse libre.  Dans son message, la présidence de la République tente de mettre en évidence «les avancées des réformes» en matière de la liberté de la presse. «Partant de notre considération pour la presse et de notre conviction qu’elle représente un noble moyen au service de la marche de notre peuple sur la voie de la liberté et de la démocratie, nous nous sommes employés, ces dernières années, à actualiser et à enrichir les lois de notre pays relatives à la presse, toutes formes confondues.»

Cependant, les réformes dont parle le message du chef de l’Etat, engagées depuis 2012, n’ont pas vu le jour et les textes qui en découlent ne sont pas mis en application. Le cas de l’autorité de régulation de l’audiovisuel est la parfaite illustration du décalage entre le formel et le réel. Pis encore, un président de cette autorité a été nommé et a agi durant des mois sans que l’instance soit complètement installée. Et depuis janvier dernier, ce même président a été remercié sans qu’un successeur soit désigné.

Le ministre de la Communication, Hamid Grine, dont la mission est de veiller à la mise en application des mécanismes prévus par la loi, s’est même autorisé à dire que «la mise en application de l’autorité de régulation de la presse écrite est inutile parce que nous allons vers la révision de la loi sur l’information dictée par la nouvelle Constitution». Cela dénote du cafouillage institutionnel dominant. Des lois promulguées devenues caduques avant même leur entrée en vigueur.  Restent les lois liberticides, qui ne changent pas, mais sont surtout appliquées dans leur stricte rigueur comme dans le cas du journal El Khabar.

La réalité du champ médiatique qui baigne dans une anarchie sciemment entretenue démonte le discours de Bouteflika et son message d’hier. «L’établissement de mécanismes d’autorégulation pour la presse écrite, à la lumière de l’installation du Conseil d’éthique et de déontologie conférera davantage de sérénité aux professionnels» évoqué par le chef de l’Etat n’a aucune prise sur le réel.

Et la promotion de «rapports entre les composantes de la société et les institutions pour favoriser une dynamique créative basée sur l’arbitrage d’une législation juste, qui garantit à tous l’équité dans les droits et les devoirs» est battue en brèche par la régulation par la violence des lois répressives. Des lois appliquées à géométrie variable et soumises au bon vouloir des détenteurs du pouvoir.

Faut-il rappeler qu’avant même que le ministre de la Communication saisisse la justice pour mettre en échec la cession des actions d’El Khabar, c’est le chef de cabinet de la Présidence, Ahmed Ouyahia, qui a sonné la charge en menaçant des journalistes et ceux qu’il nomme «lobbies qui veulent prendre le pouvoir en étalant leur monopole sur les médias». En somme, les beaux discours officiels sur la liberté de la presse et d’expression ne résistent pas à l’épreuve d’une réalité faite d’interdits et de déni des libertés. Et ce n’est sans doute pas avec les lois et les pratiques en vigueur que «notre pays se frayera une place parmi les pays démocratiques» comme tente de le faire croire le message du Président. **Hacen Ouali /   el watan / mardi 03 mai 2016

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un grand hommage aux intellectuels persécutés pour leurs idées et aux journalistes qui chaque jour souffrent et meurent dans l’exercice de leurs nobles fonctions.

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Le monde de l’audiovisuel et de la communication fête comme chaque année le 03 mai la journée mondiale de la presse. Je tiens à rendre un grand hommage aux intellectuels persécutés pour leurs idées et aux journalistes qui chaque jour souffrent et meurent dans l’exercice de leurs nobles fonctions. En ce monde mondialisé super médiatisé, je ne puis séparer le rôle de l’intellectuel, non pas l’intellectuel organique aux ordres, et celui du journaliste. Je considère que le rôle de l’intellectuel, du journaliste et d’un cadre de la Nation y compris les Ministres, est d’éviter tant la sinistrose, le dénigrement gratuit que l’autosatisfaction source de névrose collective, mais d’émettre leurs analyses et appréciation selon leur propre vision du monde. Le débat contradictoire productif, le dialogue serein et la symbiose Etat/citoyens, sont me semble t-il la condition sine qua non pour établir tant un bilan objectif afin de corriger les erreurs que de tracer les perspectives futures du pays. A l’ère d’Internet le monde est devenu une maison en verre et il s’agit d’éviter toute désinformation contre-productive. L’Algérie a besoin surtout d’un regard lucide et non de courtisans liés à la rente , nuisibles au devenir du pays.

1.-Le mot intellectuel provient du mot latin intellectus, de intellegere, dans le sens d’”établir des liaisons logiques, des connexions entre les choses”. La fonction de l’intellectuel n’est pas à proprement parler récente car à l’époque de la Grèce antique des leaders charismatiques, qui font l’intellectuel, se retrouvent dès la première étape du mouvement social, comme Gorgias ou Protagoras ont marqué leur époque par une démarche passionnelle de l’esprit. Dans la littérature française, la naissance du mot est attribuée à Saint Simon au début du 19ème siècle, terme repris par Clémenceau lors de l’affaire Dreyfus : « intellectuels venus de tous horizons pour se grouper sur une idée ». Ainsi, le mot « intellectuel » est utilisé souvent pour désigner quelqu’un qui s’engage dans la sphère publique pour défendre des valeurs. Dans Horizons et débats, numéro 26, juin 2004, le rôle de l’intellectuel dans la société Joseph M. Kyalangilwa, définit comme “intellectuel” toute personne, homme ou femme, qui met son intelligence au service de la communauté. Selon les historiens Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, un intellectuel est « un homme du culturel, créateur ou médiateur, mis en situation d’homme du politique, producteur ou consommateur d’idéologie“. Raymond Aron, dans L’Opium des intellectuels (1955), pose cette question du rôle du savant dans la cité, l’intellectuel étant un « créateur d’idées » et doit être un « spectateur engagé ». Pour Pierre Bourdieu, dans « Contre-Feux 2, Raisons d’agir, Paris 2001 » l’ intellectuel ne peut être que collectif.Pour Edward Said (des intellectuels et du pouvoir, Seuil, Paris 1996), l’intellectuel n’est ni un pacificateur ni un bâtisseur de consensus, mais quelqu’un qui s’engage et qui risque tout son être sur la base d’un sens constamment critique, quelqu’un qui refuse quel qu’en soit le prix les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir et autres esprits conventionnels. Pour Albert Camus (discours de Suède, Gallimard, 1958) pour qui l’écrivain « ne peut se mettre au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent » Mais, ajoute-t-il, il ne faudrait pas pour autant « attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales. La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu’exaltante. » pour Michel Foucault, (Dits et écrits II, 1976-1988, Gallimard, Paris 2001), « pendant longtemps, l’intellectuel dit « de gauche » a pris la parole et s’est vu reconnaître le droit de parler en tant que maître de vérité et de justice. On l’écoutait, ou il prétendait se faire écouter comme représentant de l’universel. Etre intellectuel, c’était être un peu la conscience de tous. (…) Il y a bien des années qu’on ne demande plus à l’intellectuel de jouer ce rôle. L’intellectuel, selon Noam Chomsky, vision défendue également par Normand Baillargeon ou Jean Bricmont, contrairement à ce qu’écrivent souvent les médias, est avant tout au service de l’idéologie dominante. Pour Paul Valéry le rôle de l’intellectuel est celui de « remuer toutes choses sous leurs signes, noms ou symboles, sans le contrepoids des actes réels ».

2.-Quels liens entre culture, le rôle des intellectuels et journalistes et le développement ? L’intellectuel et le journaliste ne sauraient vivre en vase clos. Sa méthodologie pour produire est simple : pour paraphraser le grand philosophe allemand Hegel, méthodologie reprise par Karl Marx dans le Capital, il observe d’abord le concret réel ; ensuite il fait es abstractions, les scientifiques diront des hypothèses. IL aboutit à un concret abstrait c’est-à-dire son œuvre. Si le résultat final permet de comprendre le fonctionnement du concret réel à partir du canevas théorique élaboré, les abstractions sont bonnes. C’est aussi la méthodologie utilisé en sciences politiques pur déterminer le niveau de gouvernance dites des 80/20%. En effet, 20% d’actions bien ciblées ont un impact sur 80% de la société ; mais 80% d’actions désordonnées que l’on voile par de l’activisme ministériel ont un impact que sur 20% Aussi l’intellectuel se pose entre la réalité et le devenir de l’humain devant tenir compte de la complexité de la société toujours en mouvement d’où l’importance de la multi pluridisciplinarité et donc du mouvement de l’histoire. L’intellectuel et le journaliste produisent ainsi de la culture qui n’est pas figée, mais évolutive fortement marqués par l’ouverture de la société sur l’environnement englobant l’ensemble des valeurs, des mythes, des rites et des signes partagés par la majorité du corps social et est un constituant essentiel de la culture d’une manière générale , de la culture de d’entreprise , du transfert technologique d’une manière particulière et tenant compte du rôle d’ Internet et des nouvelles technologies, ou le monde est devenu une maison de maison de verre, en vue de l’adaptation de la diffusion des connaissances. Les expériences réussies du Japon, des pays émergents comme la Chine et l’Inde montrent que l’on peut assimiler la technologie sans renier sa culture. D’ailleurs le transfert technologique est favorisé lorsqu’il existe une meilleure compréhension des valeurs convergentes et divergentes qui s’établissent entre deux groupes et vouloir imposer ses propres valeurs, c’est établir une relation de domination qui limite le transfert. Aussi, la culture d’entreprise est un sous-produit de la culture nationale et par conséquent un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes partagés par la majorité des salariés et un élément essentiel pour expliquer les choix stratégiques en renforçant les valeurs communes :exemple , les règlement de conduite , les descriptifs des postes, ainsi que par le système de récompense et de sanctions adopté afin que les salariés soient mobilisés, pour qu’ils s’identifient à leur entreprise et s’approprient son histoire. Tout cela facilite le transfert de technologie qui ne doit pas se limiter à l’aspect technique, mais également managériale, organisationnel et commercial et culturel. En ce XXIème siècle, le capital se socialise dans différents dispositifs techno- organisationnels influant dans le rapport des individus au travail. Cependant les enquêtes montrent clairement que cette extension des savoirs sociaux s’accompagne de nouvelles formes de segmentation (qualifiés/non qualifiés ; mobiles/immobiles ; jeunes/vieux ; homme/femme et d’un partage des activités et servies qui deviennent de plus en plus marchands (délocalisation avec l’informatique en Inde l’électronique au Japon, Corée du Sud ect). C’est la résultante de la nouvelle configuration de la division internationale du travail, produit de l’évolution du développement du capitalisme que l’on nomme aujourd’hui mondialisation, les anglo-saxons parlant plutôt de globalisation. Cette approche socio- culturelle qui rend compte de la complexité de nos sociétés doit beaucoup aux importants travaux sous l’angle de l’approche de l’anthropologie économique de l’économiste indien prix Nobel Amartya SEN où d’ailleurs selon cet auteur il ne peut y avoir de développement durable sans l’instauration d’un Etat de droit et de la démocratie tenant compte de l’anthropologie culturelle de chaque société, qui permet à la fois la tolérance, la confrontation des idées contradictoires utiles et donc l’épanouissement des énergies créatrices. Cela renvoie au concept de rationalité ( voir les importants travaux du grand philosophe allemand Kant) qui est relative et historiquement datée comme l’ont montré les importants travaux de Malinovski sur les tribus d’Australie. Car, il s’agit de ne pas plaquer des schémas importés sur certaines structures sociales figées ou il y a risque d’avoir un rejet ( comme une greffe sur un corps humain) du fait que l’enseignement universel que l’on peut retirer de l’Occident- est qu’il n’existe pas de modèle universel. Lisons attentivement l’œuvre du grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun. Je pense fermement que la seule façon de se maintenir au temps d’une économie qui change continuellement, et donc d’une action positive de l’intellectuel et du journaliste c’est d’avoir une relation avec l’environnement national et international, c’est-à-dire mettre en place progressivement les mécanismes véritablement démocratiques qui ont un impact sur l’accumulation des connaissances internes.

3.-En résumé, l’intellectuel ne saurait s’assimiler uniquement aux diplômes mais avec son niveau culturel. Rappelons que Einstein postulant une théorie non-conformiste par la suite qui a révolutionnée le monde, a au début été rejeté par ses pairs de l’Université car qui se limitaient à une évaluation bureaucratique – administrative. Et c’est cela qui fait que les journalistes peuvent parfois jouer le rôle des intellectuels autrefois réservés aux scientifiques surtout dans une société hyper médiatisée. En fait, il s’agit de toute personne (femme ou homme) qui, du fait de sa position sociale, dispose d’une forme d’autorité et la met à profit pour persuader, proposer, débattre, permettre à l’esprit critique de s’émanciper des représentations sociales L’intellectuel et le journaliste doivent douter constamment et se remettre toujours en question, selon la devise que le plus grand ignorant est celui qui prétend tout savoir. L’histoire du cycle des civilisations, prospérité ou déclin, est intiment liée à la considération du savoir au sens large du terme et qu’une société sans intellectuels et journalistes est comme un corps sans âme. Le déclin de l’Espagne après l’épuisement de l’or venant d’Amérique et certainement le déclin des sociétés actuelles qui reposent essentiellement sur la rente, vidant d’illusion à partir d’une richesse monétaire fictive ne provenant pas de l’intelligence et du travail. Aussi, attention pour l’Algérie du fait de la dévalorisation du savoir richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures. En bref, le rôle de l’intellectuel et du journaliste n’est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive pour le pouvoir lui-même en contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité. Aussi, pour pour un développement durable en Algérie, outre l’urgence d’une gouvernance rénovée passant par plus de moralité, il s ‘agira impérativement de réhabiliter le rôle du journaliste et de l’intellectuel dans la société.*Par Pr Abderrahmane Mebtoul | mardi 03 mai 2016
ademmebtoul@gmail.com

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Depuis l’avènement de l’ouverture audiovisuelle au privé en 2012, plus de 30 chaînes privées occupent aujourd’hui notre paysage audiovisuel.

Il y a de la concurrence dans l'air

En l’espace de trois ans elles sont devenues le grand acquis d’une «révolution arabe» que l’Algérie n’a pas connue. L’information libre et le ton critique étaient pourtant les deux paramètres qui ont poussé le pouvoir dans un premier temps à fermer le champ audiovisuel aux chaînes privées. La mauvaise aventure de Khalifa TV et Khalifa News, en 2004, avait contraint le gouvernement à mettre l’ouverture audiovisuelle en veilleuse. Mais en 2012, avec les «révolutions arabes» et surtout la facilité de trouver des espaces de diffuser à travers le satellite Nilesat, le champ audiovisuel s’est ouvert.
Au lendemain du discours du président appelant l’ouverture médiatique aux chaînes privées, les patrons de journaux, les nouveaux riches et certaines fortunes se sont lancés dans l’aventure audiovisuelle. Très vite, deux pôles se sont investis dans ce domaine: le groupe Echourouk et le groupe Ennahar. Deux grands quotidiens arabophones qui ont souhaité se lancer dans le monde très compliqué et budgétivore de l’audiovisuel. C’est Ennahar TV qui s’est illustrée la première, en marquant de son empreinte sa présence dans le paysage médiatique algérien et régional ensuite. La télé privée d’Anis Rahmani s’est distinguée la première fois en diffusant des informations exclusives sur la riposte de l’armée à Tiguentourine, au point où les télévisions occidentales sont restées branchées sur Ennahar TV à la recherche de la moindre information. Après cet épisode, le JT d’Ennahar TV est devenu le plus regardé par les médias étrangers pour s’enquérir des dernières informations sur l’Algérie, sachant que la chaîne bénéficie de bonnes sources d’information. Mais la télévision Ennahar TV se sert de la polémique pour faire le buzz. Ainsi, l’émission Ensahouni, le programme religieux de la chaîne, provoque à la fois la colère et le succès grâce aux tribulations du premier télé-islamiste algérien cheikh Shemseddine, qui attire chaque jour plus de 3,6 millions de téléspectateurs. Ennahar TV est surtout une télévision de proximité. Elle a toujours été la première chaîne de télévision à donner l’information sur les tremblements de terre en Algérie, même à 3h du matin. A peine 10 mn après le séisme, le fil d’information de la chaîne commence à être diffusé. Selon certains sondages, le JT d’Ennahar TV capte l’intérêt de 8 millions d’Algériens. Le JT d’Ennahar TV, s’illustre par sa courte durée et surtout par son contenu. Il touche à tout, aussi bien à la politique qu’aux sujets anodins qui intéressent directement le téléspectateur algérien, comme la grève dans l’éducation, le cas d’un malade qui n’arrive pas à trouver un médicament ou des sujets sociaux qui sortent de l’ordinaire. Pour faire face à cette montée en puissance d’Ennahar TV, le groupe Echourouk qui reste branché dans le divertissement a créé en 2014 sa chaîne d’info, Echrourouk News, une chaîne qui va très vite marquer son passage avec des émissions phares comme Houna El Djazair de Kada Benamar ou encore Noukout ala el hourof de Leïla Bouzidi. Le patron d’Echourouk, Ali Fodil, s’est d’ailleurs illustré en donnant la chance à Khaled Derarni, pour lancer 19hINFO, le JT en français le plus regardé dans le paysage audiovisuel algérien. A côté d’elles, le groupe Haddad a misé sur un grand challenge, Dzair News, la chaîne d’info du groupe médiatique Haddad. Née au lendemain de la présidentielle d’avril 2014 sur les coulisses de la télévision à vocation électoraliste Wiam TV, cette télévision d’information a démarré comme une grande télévision, avec des moyens colossaux. Grande par le budget, puisqu’elle est financée par un grand groupe, Haddad. Elle emploie plus de 200 personnes. Parmi elles plus d’une soixantaine ont déjà travaillé à la télévision publique. Son directeur est un expert: Djamel Maâfa, l’ancien responsable de la rubrique économique et l’ex-responsable du syndicat Ugta de l’Entv. C’est un cadre connu pour sa droiture et son sens du dialogue. Aujourd’hui, Dzair News possède l’une des meilleures rédactions d’information en tamazight et en anglais. Elle envisage d’améliorer son rendu sur les autres angles de la chaîne. Malgré leurs coûts, les chaînes d’info n’apportent pas de publicité, mais enregistrent de l’influence dans certains clans du pouvoir. Quand certains ministres se disputent le passage sur Ennahar TV et Dzair News, et que certains chefs de l’opposition se disputent le passage sur Echourouk TV considérée comme une chaîne loin du cercle du pouvoir, cela signifie que ces télévisions existent et s’imposent.

*Par Salim AGGAR - Mardi 03 Mai 2016 / L’Expression

**Journaliste: quel statut?

Tandis qu’on évoque volontiers les enjeux de mise à niveau, de formation continue, de perfectionnement qui restent, en fin de compte, autant de voeux pieux, il y a cet écueil persistant de l’absence de représentativité.

**La question est pendante depuis de nombreuses années. Le statut du journaliste professionnel, en vigueur jusqu’à la crise de 1988 et à l’émergence d’une presse privée, au départ liée à la qualité professionnelle des fondateurs avant de se dissoudre pour accueillir toute une variété de managers et autres marchands qui ont investi le temple, est-il réellement de mise?
La réponse est malheureusement diluée dans un contexte flou où la relation de travail, la classification professionnelle et les modalités de rémunération telles que prévues par les articles 9,10 et 11 du décret exécutif 08-140 du 10 mai 2008 fixant le régime spécifique des journalistes n’ont connu d’autre évolution que celle qui a permis, en 2012, l’adoption d’une grille des salaires de référence des journalistes et assimilés, comportant la nomenclature des postes de travail, ainsi que le nouveau régime indemnitaire y afférent pour l’ensemble des journalistes et assimilés de la presse publique. Cet accord collectif a également porté sur le point indiciaire arrêté à 40 DA entre les sections syndicales publiques, le ministre de la Communication, Nacer Mehal, ainsi que les directeurs des entreprises publiques du secteur. A l’époque, le ministre avait assuré que la commission «devait poursuivre son travail» pour généraliser le dispositif à l’ensemble du corps des médias. Le sort en a décidé autrement.
Ainsi va la législation dans notre pays qui s’adapte vaille que vaille à des conjonctures, reconquérant avec enthousiasme des acquis sans cesse gaspillés, au fur et à mesure des crises jalonnant le parcours d’une nation où les textes sont aussi nombreux et avant-gardistes que leur application s’avère trop souvent décevante. Qu’en est-il, dès lors, du rôle et du statut de la presse en Algérie? D’abord, il convient de prendre acte de la naissance, au pas de charge, de nombreux médias qui se sont frayé un chemin dans le paysage: sites électroniques et chaînes de télévision privées ont transformé, en à peine quelques années, le concept et les méthodes de la communication, rendant caduque une bonne partie de la presse écrite confinée au seul volet de l’information brute. Désormais, les journaux qui veulent survivre doivent transcender l’événementiel pour se consacrer au décryptage et offrir des analyses capables de convaincre le lectorat, sinon de le séduire. Exercice difficile et ingrat, au regard des conditions matérielles et morales dans lesquelles bon nombre de journalistes exercent une profession de plus en plus hasardeuse. Tandis qu’on évoque volontiers les enjeux de mise à niveau, de formation continue, de perfectionnement qui restent, en fin de compte, autant de voeux pieux, depuis plus de deux décennies, il y a cet écueil persistant de l’absence de représentativité qui affecte aussi bien la corporation des journalistes que celle des éditeurs. Même si les pouvoirs publics cherchent à progresser dans certains domaines, et en dépit de tous les efforts qu’ils voudront bien y consacrer, le fait de n’avoir d’autres interlocuteurs que ceux qui veulent bien se proposer rend la démarche sans cesse incertaine et toujours sujette à caution.
Pourtant, qui nierait qu’on se trouve aujourd’hui confronté à un grave dilemme en matière de déontologie et de professionnalisme?
Les exigences antérieures en termes de respect de l’intérêt supérieur de la nation, de défense des droits fondamentaux à la santé, à l’éducation, au travail, sont quotidiennement bafouées au point que c’en est devenu banal. Mais à qui la faute? Lorsque le mercantilisme règne en maître dans une profession censée être un bouclier de la République et du peuple, à l’heure d’une mondialisation vorace et sans merci, lorsque des marchands de pizzas et des spéculateurs de haut vol s’érigent en patrons de presse grâce aux capitaux accumulés depuis la décennie noire, le résultat s’affiche brutalement: des journalistes recrutés au rabais, livrés à une précarité et un turn over effarants, parfois non déclarés, et des lignes éditoriales aussi fluctuantes que les gains obtenus de-ci de-là. Depuis trop longtemps, on disserte à diverses occasions de la nécessité d’une réhabilitation authentique de la profession, à travers la résurgence d’un statut du journaliste professionnel qui s’impose à toutes les catégories et à toutes les corporations publique et privée, incluant tous les droits et devoirs tels qu’ils existaient dans les années…1980, de l’indispensable recours à la formation, au perfectionnement et autres stages de mise à niveau. Sans une telle politique concrètement menée jusqu’à son terme, sans la reconnaissance explicite des médias nationaux comme vecteur de l’information prioritaire par rapport aux concurrents étrangers, sans la levée du carcan étatique au profit des instances de régulation conformes aux exigences de la démocratie, toutes les incantations auxquelles on assiste, depuis de trop nombreuses années, ne sont que littérature…*Par Chaabane BENSACI - Mardi 03 Mai 2016 / L’Expression

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**la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme dénonce les pressions multiformes exercées sur la presse 

Rassemblement des journalistes devant le siège de l'APN, en novembre 2011. Sid-Ali/New Press

A l’occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, célébrée le 3 mai de chaque année, la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) dénonce avec véhémence les pressions multiformes exercées sur la presse nationale. Dans une déclaration adressée à notre rédaction, le secrétaire national chargé des dossiers spécialisés au sein de la Ligue s’en réfère aux derniers rapports en date de Reporters sans frontières et de Freedom House, deux ONG internationales, qui classent l’Algérie parmi les pays où la liberté de la presse est la «moins libre». A cette occasion, la Ligue qualifie les pressions exercées sur les opérateurs économiques étrangers et nationaux pour les empêcher de publier leurs annonces dans des journaux indépendants d’«indice clair de la détermination du clan actuellement au pouvoir de verrouiller le champ médiatique et de bâillonner la presse, le but étant de maintenir le statu quo et de continuer à gérer, en toute impunité, les fonds alloués à la publicité institutionnelle estimés à 1 450 milliards chaque année», selon la LAADH. La Ligue considère que la publicité «demeure une arme entre les mains du pouvoir qui l’utilise pour appliquer sa politique du bâton et de la carotte, à travers le maintien d’une loi scélérate qui ne sert qu’à exercer le chantage sur les éditeurs pour leur imposer une ligne éditoriale conforme à ses intérêts». A l’occasion de la Journée internationale de la presse, la LADDH demande la libération du journaliste Abdessami Abdelahaï, en prison depuis une année et demie, dans l’affaire de l’exfiltration de l’ex-directeur de Mon Journal, Hichem Aboud, par les frontières, et qui se trouve aujourd’hui malade. Dans le même temps, la Ligue dénonce les conditions sociales dans lesquelles travaillent les journalistes dans certains organes privés : surexploités pour un salaire ne dépassant pas 20 000 DA et souvent sans protection sociale. Par ailleurs, la Ligue propose de mettre en place une autorité de régulation «paritaire» pour résoudre tous les problèmes qui se posent aux éditeurs et à liberté de la presse. Elle propose également la constitutionnalisation du droit d’accès à l’information et la réhabilitation du Haut Conseil à l’information. *algeriepatriotique.com/1. MAI 2015

*«Journée nationale de la presse» , célébrée chaque année le 22 octobre

      *Les journalistes et la défense du pays

Une journée pas comme les autres. Aujourd’hui, c’est notre journée. Celle de tous les journalistes algériens. Depuis l’année dernière, la Journée nationale de la presse, décrétée par le président de la République, est célébrée chaque année le 22 octobre. C’est le jour, en 1955, de la parution du premier numéro du journal El Mouqawama El Djazaïria (la Résistance algérienne) qui était l’organe du FLN et de l’ALN en pleine guerre de Libération nationale. C’est toute la particularité de cette journée qui se distingue de la Journée mondiale de la presse du 3 mai de chaque année, décidée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1993. Deux journées dans l’année qui offrent l’occasion de faire le bilan de nos forces et de nos faiblesses. Collectivement car un journaliste professionnel fait son bilan 365 jours dans l’année. Pour s’améliorer et mettre à jour son «logiciel», pour reprendre le langage des nouvelles technologies dont notre métier dépend de plus en plus. Ceci dit, où se trouve l’intérêt du 22 octobre par rapport au 3 mai? Quelle est la particularité du journalisme algérien par rapport au journalisme mondial? On est tenté d’y répondre par analogisme. La musique est universelle dit-on. Cependant, la musique algérienne reflète des valeurs, une identité et des émotions propres aux Algériens. Ce qui ne l’empêche pas de s’inscrire dans l’universalité des sens et de la création artistique. La journée du 22 octobre replonge le journaliste algérien dans sa propre histoire. Dans une de ses pages les plus glorieuses. Celle de la lutte pour la libération du pays plongé près d’un siècle et demi dans une féroce colonisation qui a failli nous faire disparaître en tant que peuple et nation. Par l’extermination. Par tous moyens. Par les enfumages. Par la misère. Par la sanction collective. Par la déculturation. Par l’asservissement. Par l’anéantissement moral. Par l’inoculation du mépris de soi et de ses semblables. Oui quand on y repense, seuls les Indiens d’Amérique ont subi le même enfer que nous. Tocqueville, qui s’en est inspiré, a laissé pour l’Histoire ses recommandations qu’il formulait sur notre sort. Des hommes, une poignée d’Algériens, ont décidé, un certain 1er Novembre 1954, de lui démontrer le contraire. Au fil des jours, des semaines, des mois et des années, les Algériens de toutes conditions et de toutes les régions du pays les ont rejoints dans le combat. Nombreux parmi eux sont morts pour nous. Pour la liberté que nous vivons aujourd’hui. Après une année de lutte, les combattants se sont dotés d’un journal. C’est ainsi qu’est né El Mouqawama El Djazaïria le 22 octobre 1955. Tout le monde sait que la plume est aussi, sinon, plus redoutable que le fusil. C’est ainsi (sans oublier l’apport des diplomates, des artistes et des sportifs) que l’indépendance a pu être arrachée le 5 juillet 1962. Notre Journée nationale coïncide cette année avec la célébration du 60e anniversaire du déclenchement du 1er Novembre 1954. Est-ce à dire que le combat est terminé? Que l’indépendance est un acquis irréversible? C’est faire preuve de grande ignorance que de le croire. Aveuglé par sa propre arrogance, l’ennemi avait commis des erreurs de jugement qu’il regrette amèrement aujourd’hui. Comme le départ massif du pays. Comme notre prétendue incapacité à gérer notre pays. Depuis, il ressasse les moyens de revenir à la charge. Hier, le message du président de la République était très clair. Il a rappelé le rôle des journalistes dans «l’effort collectif (pour) la défense des intérêts de la patrie, face aux dangers multiformes et autres convoitises qui la guettent». Oui, les dangers et les convoitises sont toujours là, 60 ans après! Certains, une petite poignée, trouvent «risible» cette vérité. L’essentiel pour le journaliste algérien est de ne pas faire le jeu de cette même arrogance des vieilles erreurs de jugement! *Par Zouhir MEBARKI - Mercredi 22 Octobre 2014*L’Expression

**condamnés pour une caricature!

A l’Est. Un caricaturiste, Tahar Djehiche, est convoqué au commissariat d’El Oued pour ses dessins. Ma ibqa fel Oued ghir 7djarou ? Au Centre, le régulateur de vitesse de l’Autorité audiovisuelle a convoqué El Djazaïria pour la menacer de sanctions pour l’émission «Week-end», qui s’est d’ailleurs autosuspendue. L’Ouest ?

On pourrait rire de ce caricaturiste d’Oran condamné pour un dessin qui n’a pas été publié, fait unique dans la presse mondiale, et du Nord au Sud d’une terre quadrillée par le sérieux et régulée par la force, combattant la dérision et l’humour plus qu’elle ne lutte contre la corruption et le salafisme. Tout est sérieux en Algérie et même si le Premier ministre aime à faire des blagues, il n’est pas bon d’en faire sur sa fille des Champs-Elysées, surtout au moment où il parle de consommer algérien en exhortant les enfants du pays à planter des tentes dans le sol national pour s’enraciner, tels des acacias.

Il ne faut pas en rire car au fond c’est dramatique et El Djazaïria en aura fait les frais, même si elle n’est pas de droit algérien, ce qui est rigolo. Chorfi, président de l’Autorité, connu comme Grine pour n’avoir aucun humour et des liens forts avec l’ANEP version O+, donneur universel, aura donné la définition de la régulation, ne jamais rire de plus fort que soi. C’est d’autant plus absurde que le pays est plein d’humour et les Algérien(ne)s ne manquent jamais de faire des blagues, tout prendre au second degré, rire, humour noir, blanc, vert et rouge.

Résultat, les dirigeants ressemblent de moins en moins à ceux qu’ils dirigent, comme s’il s’agissait de deux pays différents. Les premiers investissent avec sérieux à l’étranger pendant qu’ils demandent aux seconds de croire sans rire en leur pays. Khelil est aux Etas-Unis ou en Iran, Cherif Abbas à Lyon, Bouchouareb et Saadani à Paris. On espère qu’ils prennent Air Algérie quand ils se déplacent. Lol.*Chawki Amari –El Watan-dimanche 26 avril 2015

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**Boutéflika et la presse: confusion à la Présidence

Maladresse ou manipulation du discours présidentiel ? Il s’est produit un fait rare dans les annales de la parole présidentielle. L’allocution prononcée par Benamar Zerhouni, le conseiller de la présidence de la République, au nom de Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de la fête de la Victoire dans la ville de Ghardaïa, a été modifiée dans sa version francophone.

En effet, un passage – aux relents menaçants – concernant la presse a été ajouté insidieusement au texte original en arabe qui devait faire foi, et à l’insu du président de la République lui-même, affirment des sources dignes de foi. Un précédent grave qui renseigne sur le cafouillage qui règne au palais d’El Mouradia.

Si en effet le Président assume pleinement les attaques formulées contre l’opposition, «il est totalement étranger au passage sur la presse», confirment encore nos sources. Soit. Cela étant dit, le règne de Bouteflika est fait aussi et surtout de menaces permanentes contre la presse. Que s’est-il passé ? Et qui en est responsable ?

Une modification substantielle du texte de président de la République qui a suscité l’étonnement et l’inquiétude des professionnels de la presse, et a provoqué également un quiproquo au sommet. Dans la version francophone répercutée par l’Agence presse service (APS), on pouvait lire dans le message du chef de l’Etat : «Je constate que des pseudo hommes politiques, soutenus par une presse qui n’a aucun souci de son éthique professionnelle, s’évertuent, matin et soir, à effrayer et démoraliser ce peuple, à saper sa confiance dans le présent et l’avenir, ce peuple qui n’a pas accordé, et n’accordera pas, de crédit à leurs sornettes, ce peuple vaillant qui réprouve le mal et la déloyauté et méprise ceux qui s’y adonnent, ce peuple qui aspire à aller de l’avant et à investir l’énergie de sa jeunesse dans une dynamique nationale tous azimuts ayant pour finalité de construire et non pas de détruire.» Une attaque jugée excessive contre une presse qui ne fait qu’exercer son devoir d’informer l’opinion publique nationale sur ce qui anime la société.

Contexte hostile

C’est d’autant plus inquiétant que le passage concernant la presse intervient dans un contexte hostile, où des journaux indépendants subissent depuis des mois des attaques aussi viles qu’insidieuses visant à les faire taire. Difficile de croire à une imprudence à ce niveau de responsabilité, à moins que la parole présidentielle ait à tel point perdu de sa valeur. 

En rajoutant ce passage à son discours, ceux qui mènent la guerre contre la presse cherchent-ils alors à se cacher sous le parapluie du Président pour poursuivre leur croisade contre les voix dissonantes ? En mettant cette phrase assassine, annonciatrice d’une campagne de répression, dans la bouche de Bouteflika, veulent-ils se donner une impunité présidentielle pour achever les dernières poches de la liberté ? Tout porte à le croire.

La tentative de «corriger l’imprudence» via l’APS par une dépêche, vendredi, en précisant que la fameuse phrase «dédiée» à la presse ne devait pas figurer dans le discours du Président ne fait que valider l’hypothèse selon laquelle le cercle présidentiel agit au nom du chef de l’Etat. Une usurpation de fonction. Si tel est le cas, Ali Benflis n’a pas eu tort de douter de l’identité même de l’auteur du discours du 19 mars.

Il est vrai que dans la tradition, ce n’est jamais le Président lui-même qui rédige ses discours, mais il fixe tout de même les grandes lignes et surtout il tient à les relire avant de les rendre publics. Manifestement, ce n’est pas le cas pour ce qui du discours de Ghardaïa qui a prêté au chef de l’Etat des propos graves qu’il ignore.

Qui sont alors les responsables de cette manipulation ? Les services de presse de la présidence de la République restent muets, entretenant la confusion et la suspicion. Un rectificatif n’est jamais suffisant pour réparer un tel dérapage, surtout quand cela émane de la plus haute institution de l’Etat. * -El Wayan-dimanche 22 mars 2915 **Hacen Ouali

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**Il y a une trentaine de chaines de droit étrangers et seulement 5 chaines  ont des bureaux qui sont accrédités (en Algérie) », selon la déclaration d’un ministre. Les 5 chaines de droit étranger « ne sont ni agréées  ni accréditées en Algérie mais il n’y a que leurs bureaux qui sont accrédités ».  Il s’agit d’Ennahar TV, Echourouk TV, Hoggar TV, DzairTV  et El-Djazairia. *jeudi  12/02/2015 |

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**Chaines de télévisions algériennes de droit étranger,

  encore une aberration algérienne

Il y a environ deux ans, nous interrogions un ex ministre de la communication sur cette aberration que sont les chaines de télévisions algériennes de droit étranger, encore une spécificité algérienne, il eut cet aveu qui ont dit long : « elles échappent au contrôle du ministère de la communication ». Et quid de la façon dont l’argent est transféré à l’étranger pour le paiement des droits de diffusion ? Un autre aveu : « ilmi, ilmek » ( je n’en sais pas plus que toi) répond t-il dans un surprenant élan de sincérité.

Apparemment, les choses n’ont pas évolué depuis, alors que la télévision publique dont la jumelle ne doit plus exister qu’en Corée du nord, tant elle accuse un décalage horaire par rapport à l’évolution de la société algérienne.

M. Hamid Grine, animé par son fameux cercle vertueux, avait promis de donner un coup de pieds dans la fourmilière. Mais plus qu’un coup de pied à donner dans la fourmilière, le ministre de la communication est en face d’écuries d’Augias. Malheureusement, il n’est pas Hercule et n’a pas de pouvoir du héros mythologique pour détourner les fleuves Alphée et Pénée.

Pour quitter la Grèce antique et revenir au présent de l’Algérie, interrogé jeudi sur un éventuel droit de regard du gouvernement algérien sur le contenu de ces chaines notamment sur les aspects relatifs au message religieux, M Grine a indiqué avoir reçu récemment les directeurs généraux de trois de ces chaines de télévision pour leur demander « de se conformer aux règles de déontologie et au droit algérien ».

Peine perdue. « Malheureusement un certain nombre de chaines, parce qu’elles font du marketing commercial, partent du principe qu’une mauvaise nouvelle est une très bonne nouvelle pour leur audimat », a-t-il dit, regrettant que ces chaines TV mettent en avant le plus souvent le « sensationnel ».

Il a indiqué qu’ »il y a eu des rappels à l’ordre » et qu’il préfère « raisonner » que sanctionner, expliquant cet état de fait par un « manque » de professionnalisme et de formation chez les journalistes.

Et maintenant que l’Autorité de régulation de l’audiovisuelle (ARAV) est mise en place (dans  des conditions pour le moins abracadabrantesques), verra t-on bientôt Chorfi prendre son courage à deux mains car il y a comme un sentiment largement partagé dans les milieux médiatiques et politiques que l’ARAV n’est qu’une structure alibi, juste pour faire bien dans la vitrine.*Par Abbès Zineb | 12/02/2015 | algerie1.com

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*Liberté de la presse:

*L’Algérie à la 119é place selon Reporters sans frontières 

L’Algérie a progressé de deux places dans le classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières (RSF) et publié et ce comparativement à celui de 2014.

L’Algérie arrive ainsi à la 119e parmi les 180 pays concernés par ledit classement contre 121e en 2014. Elle devance ses voisins en Afrique du Nord la Tunisie(126e) et le Maroc(130e) mais derrière la Mauritanie(55e).

Alors que sur le continent, l’Algérie se classe derrière le Mali (118e), la Zambie(113e), le Nigeria (111e), la République centrafricaine(110e), le Congo(107e), la Guinée(102e), le Kenya(100e), le Liberia(98e), la Côte d’Ivoire(86e), le Mozambique(85e), le Bénin(84e), la Guinée-Bissau(81e), le Togo(80), la Sierra Leone(79e), la Tanzanie(75e), le Sénégal(71e),  le Niger(47e), le Burkina Faso(46e), le Botswana(42e), l’Afrique du Sud(39e), le Cap-Vert(36e), le Ghana(22e) et la Ghana(17e).

Parmi les pays arabes, les mieux classés ce sont :  le Koweït(90e), le Liban(98e) et le Qatar(115e). En haut du classement de RSF, arrivent la Finlande(1e), la Norvège(2e) et le Danemark(3e). Tandis que le Turkménistan(178e), la Corée du Nord (179e) et l’Érythrée(180e) arrivent comme derniers pays en liberté de la presse 2015.

Selon RSF, durant l’année 2014, la liberté de la presse a connu une « régression brutale », conséquence notamment de l’action de groupes comme l’organisation Etat islamique (EI) et les islamistes nigérians de Boko Haram.

Le  secrétaire général de la même ONG, Christophe Deloire a, à ce propos, déclaré qu’ »il y a eu une détérioration globale, liée à des facteurs très différents » en citant entre autres « l’action de groupes non étatiques qui se comportent en despotes de l’information ».*Par Mourad Arbani | 12/02/2015 |algerie1.com

rsf2015

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*Journée mondiale de la liberté de la presse

Où en est  l’état de l’information et de la communication en Algérie

Presque un quart de siècle après l’ouverture de la presse au secteur privé dans notre pays, le forum d’El Khabar revient sur le parcours et les entraves encourues par les professionnels.

En scrutant l’état de l’information et de la communication en Algérie, le forum d’El Khabar, organisé lundi, au siège du quotidien arabophone, a voulu faire le bilan de la presse, presque un quart de siècle après l’ouverture démocratique et l’aventure intellectuelle suggérée par les réformes de Hamrouche, alors chef de gouvernement.
Quel bilan et quelles perspectives ? Constat mitigé, partagé par les intervenants qui ont mis en avant la volonté des professionnels pris en étau entre le désir de s’ouvrir de nouveaux horizons, et le blocage et les manœuvres de l’administration pour parasiter le paysage devenu une «foire d’empoigne», pour reprendre les termes d’un intervenant.

«Ceux des journalistes qui auront quelque peu réussi l’aventure sont ceux qui n’ont misé que sur leur seul professionnalisme. Ce n’est donc pas étonnant que sur les 130 titres quotidiens existants, seule une quinzaine tire son épingle du jeu et a l’adhésion du lectorat», a noté Ahmed Brahimi, ancien directeur de l’Ecole supérieure de journalisme, qui s’est par ailleurs appesanti sur le rôle d’une presse d’avant-garde, en phase avec le lectorat et qui traduit ses préoccupations et ses espoirs. L’orateur a prévenu sur le danger véhiculé par certaines chaînes satellitaires qui œuvrent pour des intérêts occultes et qui sèment la culture de la haine. Dans ce cas, l’éthique et la déontologie sont mises à rude épreuve.

Pour le sociologue Nacer Djabi, le système politique illégitime ne fait pas l’effort d’aider la presse pour défendre son projet. Le clivage linguistique (arabe, français) a été exploité pour  davantage creuser le fossé entre une presse arabophone qui s’adresse aux masses et une francophone élitiste et qui influence l’opinion. Selon le constat objectif dressé après 25 ans, «il n’y a pas d’entreprises de presse fortes, même si celles-ci compensent le vide laissé par une production universitaire quasi inexistante. De même que la presse dans certains cas, face au vide, s’est substituée aux partis politiques, mais le revers de la médaille, c’est que cette corporation, qui s’est fortement féminisée, est largement divisée».

Pour Ahcène Djaballah, expert et ex-cadre de l’information, «l’évolution du système informationnel est liée au système politique. Si celui-ci est ouvert, l’information prospère mais le système est gelé et ne réagit que s’il y a pression de l’extérieur. Les élites ne sont pas organisées. Les idées existent mais tardent à se concrétiser, ce qui fait de nous de grands frustrés», regrette-t-il.

Pour Mohamed Arezki Ferad, historien et acteur social, «hormis quelques titres, ce n’est pas de la communication mais de la propagande qu’on nous offre. Il y a évolution de la presse, mais le retard est dû à une volonté politique inexistante. Ceux qui ont réussi le doivent à leur naissance naturelle et non dans les labos du système, parce qu’il n’y a pas de démocratie. Dans un environnement non démocratique, on ne peut espérer une presse forte qui demeure la pierre angulaire de tout développement».

Mais M. Ferad ne se fait pas d’illusion : «Alors que je suis sollicité pour intervenir dans les débats par une radio avec laquelle je collabore depuis des mois, j’ai appris dernièrement par les responsables de cette même radio que je n’étais plus désirable et que mon nom figure sur une liste rouge.»

Pour Zoubir Souissi, premier directeur du Soir d’Algérie, doyen des journaux indépendants, créé en mars 1990, le combat a été rude durant ces 25 dernières années, le journaliste étant pris au piège entre la mahchoucha du terroriste et le harcèlement de l’administration. Aujourd’hui, relève-t-il, il y a un nouvel état d’esprit dans le monde de la presse où chacun se bat pour son grade.
«N’empêche, conclut Bedjaoui Ahmed, expert en communication et auteur, il ne faut guère se décourager, c’est une presse jeune qui n’a pas fait toutes ses preuve et qui a les possibilités de s’épanouir, à condition que l’environnement ne lui soit pas hostile.

Car la liberté d’entreprendre donne toute sa signification à la citoyenneté.» Même avis partagé par Hamid Abdelkader, journaliste et modérateur de ces débats qui, à l’instar du célèbre chroniqueur d’El Khabar, Saâd Bouakba, suggère que sans démocratie, point de salut et point de liberté.Et une presse muselée est la pire image que les autoritarismes veulent pérenniser à l’ère d’internet, de facebook et du numérique. Les pouvoirs «déconnectés» finiront bien un jour par se rendre à l’évidence, ont pronostiqué les uns et les autres.*Hamid Tahri-El Watan-30.04.2014

*Le dispositif juridique qui régule les médias depuis l’indépendance à ce jour.

En l’absence d’un Etat de droit, cette construction juridique vouée à l’échec

A l’occasion du 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, le centre de documentation et d’information sur les droits de l’Homme (CDDH) et un collectif des journalistes de Béjaia ont organisé une conférence débat avec Belkacem Mostefaoui, professeur à l’Ecole supérieure de journalisme d’Alger. 

Le conférencier a dressé un état des lieux de la presse algérienne à l’ombre des derniers événements sociopolitiques qui ont traversé le pays, notamment, à la veille de l’élection présidentielle d’avril 2014. Outre les thèmes didactiques inhérents à la profession de journaliste, l’orateur s’est attardé sur le dispositif juridique qui régule les médias depuis l’indépendance à ce jour.

Pour M. Mostefaoui, «la liberté de la presse suppose une construction concomitante des décrets, des règles et des instances de régulation qui doivent conforter le travail de journaliste». Mais en l’absence d’un Etat de droit, cette construction peut être vouée à l’échec, car il y a, d’après lui, une volonté de retarder la mise en œuvre du système de régulation.

Pour lui, contrairement à ce que pensent les autres, les médias construisent les réalités sociales. Un fait qui a été constaté avec la profusion des dizaines de chaînes de télévisées en off shore. «Il y a eu tromperie sur la marchandise», dit-il succinctement, pour qualifier la qualité et le rôle joués par ces nouvelles chaînes d’information.

Un rôle de levier attendu dans la construction d’un système de communication démocratique. Dans ce «marécage de quotidiens», précise-t-il, «il y a des règles qui relèvent de l’informel, c’est plus du trabando de l’information que du journalisme».

Dans le même chapitre, l’hôte de l’AJB et du CDDH a ajouté que «ces chaînes privées et certains journaux ont comme logique de faire décompresser la société».

À ce titre, l’orateur dit craindre que ces chaînes de télévision dont on ne sait rien, ne soient mises dans «une feuille de route d’une autre guerre contre la société ».

Soulevée lors des débats, la question du syndicalisme dans la presse est perçue comme inexistante. Car, selon le chercheur, le législateur a fait en sorte que cette organisation soit « manageable », maniable, moins nuisible. Un fait qui s’est caractérisé dans les tentatives de noyautage et e colonage des associations et syndicats de journalistes par le pouvoir.*Nordine Douici-El Watan-04.05.2014

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    «Journée nationale de la presse» 

l’occasion de rappeler les 23 années de « liberté de presse »

Hier c’était la «Journée nationale de la presse» décrétée le 2 mai dernier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Cela donne l’occasion de rappeler les 23 années de notre liberté de presse. De marquer une pause et faire un bilan. Avec 79 quotidiens en langue nationale et 58 autres en langue française, sans compter les centaines de périodiques, la diversité est incontestable. Ce qui atteste de la liberté d’expression. Jusque-là c’est positif. Mais passé de la quantité à la qualité, le bilan vire. La presse algérienne, publique et privée, souffre d’un grand déficit de journalistes qualifiés. Le constat est chaque matin affiché dans les kiosques. Par contre, ses causes sont moins connues du grand public. En 1990, lorsque le gouvernement avait, par décret, permis la création de journaux privés, il n’y avait aucun journaliste professionnel demandeur d’emploi. Les seuls journalistes existants étaient ceux que comptaient les journaux publics de l’époque. En tout et pour tout deux quotidiens en langue nationale (El-Chaâb et El-Massa), deux quotidiens en langue française (El-Moudjahid et Horizons), un hebdomadaire en langue nationale (El-Moudjahid hebdo), un hebdomadaire en langue française (Révolution Africaine) et un autre (Algérie-Actualité) qui éditait en plus quelques revues spécialisées. C’était le seul «parc» de ressources humaines disponibles. L’arrivée inattendue des journaux privés a provoqué une véritable hémorragie dans les rédactions du secteur public. Si l’Etat ne s’en plaignait pas pour «éponger» la pléthore de journalistes qui émargeaient dans le secteur public, cela était loin de suffire à la forte offre provoquée par l’irruption simultanée de dizaines de nouveaux titres privés. D’autant plus que ces mêmes nouveaux titres étaient créés par des journalistes du secteur public. Qui devenaient, de fait, patrons de presse et non plus de simples journalistes. Le décret de mars 1990 ne permettait la création de journaux privés qu’aux seuls «collectifs de journalistes», donc du secteur public. Une Maison de la presse leur a été créée en guise de facilitation. Leur était assuré également par ce même décret, l’accès au crédit bancaire mais jamais accordé en réalité, contrairement à ce qu’affirment certains. C’est un autre débat. Revenons à la ressource humaine. Les défis auxquels se sont vite retrouvés confrontés les nouveaux titres privés étaient quasiment insurmontables. Leurs moyens financiers étaient très limités. Ils ne disposaient que de l’équivalent de trois années de leur salaire qui leur avait été versé pour cette «aventure intellectuelle». Ils devaient se doter, par leurs propres moyens du matériel technique (PAO ou presse assistée par ordinateur) indispensable pour la mise en page qu’ils devaient présenter à l’imprimerie où un «carnet de crédit» leur était ouvert. Un crédit qui s’est vite transformé en «épée de Damoclès». D’autre part, l’Etat avait, dans sa grande générosité, accordé une dispense de «bon de rationnement» pour l’acquisition, après paiement, d’un véhicule auprès de la Sonacome (société nationale qui avait le monopole de la vente de véhicules). Quelques titres ont eu plus de «chance» que d’autres pour surmonter cette course d’obstacles. Mais passons! Restait alors l’autre difficulté de trouver des journalistes salariés (ceux qui avaient créé les titres étant devenus patrons ou actionnaires) pour faire «tourner» les rédactions. Dilemme! Pas un seul journaliste professionnel demandeur d’emploi sur le marché. Ce fut l’appel au tout-venant. La reconversion des anciens journalistes en gestionnaires ou rentiers additionnée à l’absence de qualification des nouvelles recrues donne le résultat que l’on connaît. Un résultat aggravé par la création de titres sans condition de qualification. On dit qu’avec le temps…! *Par Zouhir MEBARKI -L’Expression-23.10.2013.

Une gerbe de fleurs à la mémoire des journalistes assassinés

la place de la Liberté de la presse complètement bouclée par la police

Les journalistes étaient choqués de trouver la place de la Liberté de la presse complètement bouclée par les barrières de la police.

La surprise était à la hauteur de l’illusion que se sont faits les journalistes venus, hier, à la place de la Liberté de la presse, à Alger, pour célébrer la Journée nationale qui leur est dédiée. Croyant en la bonne volonté des pouvoirs publics de les laisser «s’exprimer» au niveau de la place qui leur est réservée, ils s’étaient vite rendus à l’évidence. Ils étaient choqués de trouver la place de la Liberté de la presse complètement bouclée par des barrières de la police. Les policiers, dont la plupart en civil, étaient catégoriques: «On est instruits de ne pas laisser se dérouler le rassemblement.» L’un d’entre eux s’est même permis d’inviter les journalistes à rejoindre la réception organisée par le ministère de la Communication en l’honneur de la presse à Djenane El-Mithak!
«Si vous avez faim, vous pouvez aller manger», lui a répliqué un journaliste. Le rassemblement a failli donc être empêché n’étaient les négociations et l’intervention d’un supérieur qui a accordé 5 minutes aux journalistes pour tenir leur action. Les policiers ont alors enlevé une barrière pour permettre aux journalistes de rejoindre la place, déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des journalistes assassinés par le terrorisme et lire le communiqué de l’Initiative nationale pour la dignité du journaliste, initiatrice de ce mouvement de protestation.
Cette action a été organisée pour rappeler les problèmes dont souffre la corporation et réitérer ses revendications socioprofessionnelles. Dans le volet des libertés, les journalistes réclament l’annulation de toutes les dispositions confisquant la liberté d’opinion ainsi que la liberté d’expression. Ils disent refuser «toute forme d’intimidation des journalistes dans l’exercice de leur métier ou pour leurs écrits». Ils suggèrent aussi l’élaboration de rapport période sur la liberté d’expression par des journalistes algériens.
Pour ce qui est du volet professionnel, les protestataires exigent un statut du journaliste avec son application. Demandant l’achèvement du projet de la carte nationale de journaliste professionnel, ils appellent le ministère de la Communication à assumer pleinement ses responsabilités dans l’organisation et le développement de la profession sans distinction entre le public et le privé. L’installation de l’autorité de régulation de la presse écrite et celle de l’audiovisuel et la promulgation de la loi sur la publicité figurent aussi parmi les revendications des journalistes.
Une autre revendication de la corporation consiste en la mise en place d’un cadre juridique obligeant les organes de presse à faire bénéficier les journalistes des bénéfices et des revenus issus de la publicité.
Au titre des revendications sociales, les protestataires demandent de généraliser la grille des salaires appliquée dans le secteur public pour qu’elle puisse concerner le secteur privé. Ils demandent aussi la mise en place d’un comité des oeuvres sociales au profit de la presse tout en définissant le mode de son organisation et gestion.
Parmi les autres revendications, on cite celle relative à la signature de conventions en matière de santé, de formation et d’assurance au profit des journalistes afin d’améliorer leurs conditions de travail et leur cadre de vie. Alors que mes journalistes n’avaient pas encore débattu de tout, les policiers sont revenus à la charge pour les prier de quitter les lieux. Une place de la Liberté de la presse transformée malheureusement, en un urinoir à ciel ouvert et un lieu où gîtent des vagabonds et des SDF.*Par Karim AIMEUR -L’Expression-23.10.2013.

**Les lecteurs donnent leurs avis:

«On trouve les mêmes articles avec des angles d’attaque différents. Mais peu de reportages et enquêtes sur la corruption», déplorent les lecteurs algériens.

Des hauts et des bas partout et dans tous les domaines. «Tant qu’il n’y a pas un journalisme d’investigation au sens propre du mot, on ne peut pas s’exprimer sur le développement de la presse algérienne. Mais, il faut reconnaitre tout de même l’existence d’un minimum d’information crédible sur la scène médiatique nationale», ont souligné hier, de nombreux lecteurs que nous avons interrogés sur la problématique de la presse dite indépendante.  Partagés entre ceux qui approuvent l’engagement de la presse à fournir des articles de qualité et crédibles et ceux qui n’hésitent pas à traiter les journalistes de menteurs, le lectorat algérien est unanime à reconnaître que sans liberté d’expression au sens noble du terme, on ne peut pas s’attendre à grand-chose de ce quatrième pouvoir, tant que des pressions de toutes sortes sont dénoncées aussi bien de la part des journalistes que des lecteurs.
Moussa Ouyougout, journaliste à Béjaïa dira: «Je suis journaliste et lecteur en même temps. Mais, je dois dire que je me retrouve souvent noyé lorsqu’on trouve des dizaines de quotidiens étalés chez les buralistes, sans pour autant apporter une valeur ajoutée pour les médias»,a-t-il dit avec un esprit neutre.
Tout en insistant sur la qualité du produit au lieu de la quantité, Moussa n’a pas hésité à relever les difficultés qu’il a rencontrées chaque fois, en tant que correspondant local pour accéder aux sources d’information. Un avis partagé par plusieurs correspondants que nous avons rencontrés à maintes reprises.
Rencontré par le fait du hasard, Ali Fawzi Rebaïne président du parti AHD 54, s’emporte contre le pouvoir politique qui est à l’origine de tous les blocages selon lui. «La journée du 22 octobre qui a été inscrite comme Journée nationale de la presse, n’est que de la poudre aux yeux et cette journée n’a aucun sens», dit-il tout en stigmatisant l’activité politique qui limite la liberté d’expression et d’actions, aussi bien pour les médias, que pour les partis politiques. Usant et abusant du fait que la journée du 22 octobre, n’est autre qu’un «entretien artificiel» qui va dans le sens des intérêts politiques et commerciaux occultes, M.Rebaïne ajoute que tant que «la critique n’est pas admise comme une exigence pour faire avancer le rôle de la presse en tant que fer de lance, il ne faut pas espérer un changement en Algérie» à croire le président de AHD 54. Mettant en avant la situation précaire des journalistes algériens qui ne bénéficent pas tous des mêmes avantages, des lecteurs et des buralistes qui sont à la pointe avec un nombre indéterminé de journaux reviennent sur la question de la presse. «Souvent on trouve les mêmes articles avec des angles d’attaque différents». Avant d’ajouter que les lecteurs trouvent rarement des reportages, des enquêtes, des dossiers qui sont liés au phénomène de la corruption qui gangrène le pays, déplore-t-il.
Faisant la comparaison entre la presse écrite et la presse électronique qui donnent des informations plus ou moins complémentaires les unes que les autres, le lectorat algérien se retrouve plus ou moins satisfait par rapport à la presse qui relève de la presse publique qui écrit souvent dans le sens de la complaisance. «Entre la presse indépendante et la presse publique, il n’y a pas une grande différence.
Chacun des titres soutient des intérêts qui vont parfois à l’encontre de la déontologie et de son lectorat», déplore Hamid H., chercheur en sociologie. Quant à Slim, le célèbre caricaturiste qui n’est plus à présenter, dira à propos de la presse: «La presse ne dit pas toute la vérité surtout lorsqu’il s’agit des opérateurs de téléphonie mobile», regrette-t-il tout en insistant sur le devoir et la responsabilité des journalistes professionnels à respecter l’éthique du métier de journaliste, si l’on veut faire progresser les mass-médias en Algérie.*Par Amar CHEKAR -L’Expression-23.10.2013.

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*Le rapport annuel de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse publié le 12 février place l’Algérie à la 121e position sur un total de 180 pays. L’année précédente, le pays était assigné à la 125e place. Légère amélioration ? Pas vraiment.

Le lendemain de la publication du rapport de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, le tribunal correctionnel de première instance d’Oran a requis une peine de 18 mois de prison ferme ainsi que 30 000 DA d’amende pour une caricature non publiée. Alors que la partie civile demandait un dédommagement de 1 DA, le procureur a voulu sanctionner plus sévèrement ce que la justice qualifie d’«outrage au président de la République», «abus de confiance» et «accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données». Quelques mois plus tôt, Abdelghani Aloui était accusé d’outrage à corps constitué pour des photos montages publiées sur facebook. Entre les deux, le ministère de la Défense, pourtant discret, a réagi immédiatement à la chronique de Saad Bouakba publiée dans El Khabar. L’armée estime savoir quelles doivent être les règles de travail des journalistes : cette chronique est «un acharnement clair et une attaque manifeste contre l’institution militaire, assortis de diffamation et de provocation à l’endroit des cadres de l’ANP, d’une manière étrangère à la déontologie du métier de journaliste», explique le communiqué.

Tutelle

Au-delà des conditions de travail des journalistes, le début d’année médiatique a été marqué par l’adoption d’une loi d’ouverture de l’audiovisuel qui a déçu. Le texte qui permet la création de chaînes privées «thématiques» va forcément poser problème aux chaînes privées existantes et ne va pas faciliter la création de diffuseurs d’information globale. «Cette loi ne répond pas aux exigences de notre époque. Le gouvernement a clairement exprimé son intention d’aller vers la limitation et la mise sous tutelle d’un secteur qui n’existe même pas» encore, a déclaré Lakhdar Ben Khellaf, député du parti El Adala. La volonté d’ouverture des autorités peut être remise en cause lorsque de hauts responsables de la police algériens ont été aperçus, il y a deux semaines, au Forum international cybercriminalité, là où se réunissent les vendeurs de solutions de surveillance internet. «Je suis étonné d’avoir vu des Algériens», affirme un expert qui assure que l’Algérie n’a pas pour le moment de réseaux de surveillance d’internet strict, comparable à celui qui existait en Tunisie sous le règne de Ben Ali.

Soazig Dollet. Responsable Afrique du Nord chez Reporters sans frontières : Les monopoles de l’audiovisuel et de la publicité posent encore problème

- Entre 2013 et 2014, l’Algérie gagne quatre places dans le classement mondial de la liberté de la presse malgré plusieurs violations graves de la liberté d’information. Comment expliquez-vous cette variation ? 

Cette variation est en grande partie mécanique. Quatre places sont gagnées par l’Algérie dans le classement, mais cette élévation ne signifie pas une amélioration. La situation actuelle est même problématique. Des fluctuations au niveau d’autres pays ont un impact sur la position de l’Algérie. De toute façon, au-delà des 34 premiers pays du classement, un changement de position est plus mécanique qu’autre chose.

- Quelles sont les principales restrictions à la liberté de la presse dans le pays, selon vous ?

En termes de pluralisme, la presse écrite s’essouffle. L’audiovisuel est, quant à lui, caractérisé par l’absence même de pluralisme. Des chaînes privées ont été créées, mais elles ont un statut particulier et sont basées à l’étranger. La loi de l’audiovisuel et le code de la presse étaient un engagement de bonne volonté, mais ils ne sont pas tenus. Les monopoles de l’audiovisuel et de la publicité posent encore problème. On espère un changement après l’élection présidentielle.

- Quelles actions peut mener Reporters sans frontières en Algérie ?

RSF a suivi le cas de Rabah Benamghar de kabyle.com qui a écopé de deux mois de prison avec sursis le 30 octobre 2013 et dont l’affaire est portée en cassation. Nous avons contacté Djamel Ghanem, le caricaturiste en procès à Oran, mais il n’a jamais répondu à nos messages. Nous diffusons des communiqués, mais le mandat de RSF concerne la liberté d’information et non la liberté d’expression. Il nous est difficile de prendre position par rapport à des blogueurs sur facebook comme Abdelghani Aloui. Ils peuvent exprimer leur opinion personnelle, ce qui outrepasse le mandat de RSF.

- Les périodes électorales sont-elles davantage propices à ce genre d’entraves à la liberté d’information ?

On sent la crispation des autorités à l’approche des élections. Elles ont tardé à ouvrir la Toile. L’Algérie n’est toujours pas entièrement équipée en 3G. Tous les efforts ne sont pas mis en place pour permettre l’accès à internet, alors que facebook est le premier lieu d’expression de la dissidence et de la jeunesse algérienne.

Souriez, vous êtes surveillés :

Le Groupement de contrôle des réseaux (GCR) est une sous-structure opérationnelle spécialisée du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), chargé de la surveillance des réseaux électroniques. Le GCR s’occupe du renseignement électronique à travers la surveillance des réseaux et le contrôle du trafic internet. Il est dirigé par le général Mohamed Bouzit dit Yacef depuis le mois de septembre.

Ce que les candidats à la présidentielle proposent :

Général Mohand Tahar Yala

Les journalistes subissent des pressions qui se traduisent parfois par un chantage judicaire ou financier. Ce classement n’est pas faux. La presse parle et dénonce sans un réel écho, c’est comme la caravane qui passe et le chien qui aboie. Comme tous les maux de la société (corruption, injustice sociale, liberté de la presse), la solution est politique. Il faut instaurer une nouvelle société où le citoyen est au centre des préoccupations de l’état.

Mohamed Hadef

C’est un rang déplorable pour l’Algérie. J’exigerai que la liberté de la presse et le devoir d’informer soient garantis dans les faits. Il faut protéger cette liberté par l’établissement de textes constitutionnels suivis par des lois claires et précises. Les médias publics et indépendants doivent avoir les moyens d’accéder à l’information. Ce classement déshonore notre pays, qui se retrouve proche dans ce rapport de pays qui viennent d’acquérir des libertés.

Amar Chekar

Les journalistes subissent des pressions internes et externes. Il y a le deux poids, deux mesures instauré par le ministère de la Communication. Les journalistes du secteur public sont favorisés contrairement aux journalistes du secteur privé. Par exemple, un journaliste stagiaire dans le public gagne au début de sa carrière 50 000 DA, alors qu’un journaliste du privé gagne 25 000 à 30 000 DA. Il faut mettre en place une grille des salaires unique pour tous les journalistes.

 **L. Beratto, S. Chellali et H. Hadjoudj-EL Watan-14.02.2014

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*la relation de l’information avec les nouvelles technologies

Le chercheur et universitaire, Bouzid Boumedienne, a abordé mardi dernier à l’occasion de la Journée nationale de la presse, la question de la relation de l’information avec les nouvelles technologies et la problématique de leur développement sous leurs formes techniques et créatives. Celles-ci, selon le conférencier, réunissent les aspects traditionnel et moderne de l’information, étant donné, souligne-t-il, que «l’idée fait partie de la forme choisie par les mass-médias récents pour transmettre l’information tout en se basant sur son aspect esthétique.
S’exprimant lors d’une conférence organisée hier par la Radio algérienne à l’Ecole nationale supérieure de la presse et de l’information (Alger), le chercheur pense que «le problème du secteur public de l’information chez nous demeure traditionnel tant en matière d’utilisation des nouvelles technologies qu’en matière de transmission de l’information d’une manière moderne et en utilisant un langage simple et beau». Il a ainsi préconisé l’utilisation d’un langage simple et accessible à toutes les catégories de la population afin que le message parvienne au mieux au citoyen.
Donnant un exemple lors de son intervention, M.Boumedienne a cité l’expérience des chaînes radiophoniques locales qui sont au service du développement culturel du pays de par les émissions in live sur les questions qui préoccupent les citoyens. Le conférencier n’a pas manqué cependant de critiquer une certaine presse qui effectue un travail d’information biaisé qui repose uniquement sur la propagation de la «rumeur» et la semence dans l’esprit des lecteurs de la «déception chez les citoyens».
La conférence qui s’est déroulée en présence de nombreux étudiants en journalisme, a vu la participation à la tribune de Aïssa Benhachem qui a développé, pour sa part, l’éthique de la profession. Une séance de questions-réponses s’en est suivie sous l’attention particulière des étudiants présents.*L’Expression-23.10.2013.

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*Le pouvoir a peur de la liberté d’expression

*Un citoyen bien informé, est un homme capable d’assumer ses choix politiques en toute conscience.

 Dans le jeu politique, le contrôle de l’information – à l’instar du contrôle du fichier électoral et des données électorales – est l’un des piliers de la stratégie de l’accès et surtout du maintien au pouvoir…La répression de la parole libre est une atteinte au droit à l’information…

** débat controversé sur la loi organique de l’information…

Dans le débat controversé, voire ubuesque, sur la loi organique de l’information, le député de Bouira, Ali Brahimi, semble avoir eu les mots d’à-propos qui s’interrogeait: «Que faire d’une République qui a peur de ses propres journalistes?» Que faire en effet! Mais l’éminent parlementaire a eu le mérite de mettre le doigt sur la plaie. Il faut qu’on se le dise, nous n’avons rien inventé, dès lors que les rapports entre la presse et le(s) pouvoir(s) n’ont jamais été de tout repos. Dans le jeu politique, le contrôle de l’information – à l’instar du contrôle du fichier électoral et des données électorales – est l’un des piliers de la stratégie de l’accès et surtout du maintien au pouvoir. Un citoyen informé, est un homme capable d’assumer ses choix politiques en toute conscience. Dans ce contexte, le journaliste apparaît, pour ceux qui gouvernent, comme l’élément perturbateur, le grain de sable susceptible de faire dérailler le train. C’est dire donc l’importance, pour le pouvoir, de contrôler le flux de l’information, ne s’accommodant que de celle qui l’encense, réprimant tout ce qui peut se trouver à contre-courant de la parole ou de l’image qu’il se fait ou veut se faire de lui. Les Algériens – l’Algérie est le pays au monde qui a le plus de paraboles au mètre carré – qui suivent les multiples chaînes satellitaires peuvent, chaque jour, comparer les «exploits» de l’Unique avec ce que «information» veut dire. Toutefois, cette situation de rétention et d’encadrement de l’information, n’est ni propre ni particulière à l’Algérie et est singulièrement le fait de pouvoirs autoritaires n’admettant ni la contradiction ni, a fortiori, une liberté de ton à laquelle ils sont totalement allergiques.
Ainsi, la répression de la parole libre est aussi vieille que les canaux véhiculant cette parole et a eu à se manifester sous d’autres cieux. Partout dans le monde, la presse et les journalistes ont dû se battre pour faire valoir le droit à l’expression, le droit de dire, le droit à l’information. C’est dire donc que la mésintelligence presse-pouvoir n’est pas une chose nouvelle et a toujours constitué le vecteur de friction entre les hommes qui ont fait de l’information leur métier et des hommes de pouvoir qui, méconnaissant le droit à une information crédible comme une nécessité, font en sorte de maintenir le secteur de la presse et des médias sous pression (pénalisation du délit de presse) et sous contrôle (lois coercitives). D’ou l’incompatibilité des lois organisant le secteur de la presse avec une information libre et indépendante.
La presse algérienne, notamment, s’est éveillée à la puissance qui pouvait être la sienne, lorsqu’elle s’est substituée à un contre- pouvoir absent en Algérie, comme d’avoir assumé un rôle politique loin d’être le sien, alors que le gouvernant semblait n’avoir de compte à rendre qu’à lui-même. De fait, de ce point de vue on peut même estimer que l’Algérie a pris de l’avance sur nombre de pays africains et, singulièrement, arabes, parce que, le besoin du droit à l’information et de son corollaire, la liberté d’expression, se sont tôt manifestés et se sont accompagnés de luttes pour les droits de l’Homme en général, les droits citoyens plus particulièrement. Peut-on revenir en arrière, effacer sans autre forme de procès des acquis pour lesquels de nombreux journalistes se sont sacrifiés? On ne peut que regretter que le pouvoir n’ait pas tiré profit et leçons des expériences faites ailleurs en faisant l’économie de lois qui marquent surtout le décalage existant entre un pouvoir coupé de la société et de citoyennes et citoyens aspirant à consolider des espaces de liberté chèrement payés. Aussi, toute chose égale par ailleurs, le débat sur la loi de l’information, qui occupe présentement nos parlementaires, apparaît-il surréaliste et hors du temps. L’Algérie a déjà pris trop de retard dans des secteurs innombrables névralgiques (agroalimentaire, industrie, technologie…) pour s’amuser encore à grignoter la petite fenêtre qu’est pour le citoyen le droit à une information juste et crédible. (L’Expression-01.12.2011.)

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Des journalistes algériens évoquent la situation actuelle des médias

Où en est le quatrième pouvoir en Algérie? lapressealgerienne04

Les médias en Algérie ne jouissent pas de toute la liberté requise. Le pouvoir invente tant de subterfuges pour empêcher les professionnels du secteur à s’émanciper», estime Faten Hayed, journaliste à El Watan Week-end, qui ne considère pas «la presse comme le 4e pouvoir pour la simple raison que les médias ne s’impliquent pas assez dans les affaires publiques». Mlle Hayed pense que «la liberté d’action des journalistes algériens est limitée par les rédactions. De ce fait, les journalistes se contentent de faire un travail de bureau, en retravaillant les dépêches et le peu d’informations qui arrivent par fax ou par téléphone». «Le terrain est pourtant la base de tout journaliste. D’abord pour sa crédibilité, puis pour celle de son média», rappelle-t-elle. Dans le même sillage, la journaliste déplore «le manque d’engagement des patrons de presse et des rédacteurs».

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Elle juge que «se résigner en donnant des informations fabriquées par des agences, aussi crédibles soient-elles, remet en cause le travail du journaliste». Faten Hayed regrette qu’«aujourd’hui, les journalistes ne se battent ni pour leurs droits ni pour leurs idées. C’est aussi affligeant de voir que la corporation ne peut protéger concrètement le journaliste. On devrait revoir l’essence même des lois pour l’information, remanier le syndicat qui est censé nous représenter et surtout arracher la liberté de penser et d’agir des journalistes». Selon elle, «le public se désintéresse de la presse traditionnelle, car il n’existe plus de proximité réelle entre les deux. Les médias sur internet et les réseaux sociaux prennent le relais». De son côté, Karim Aimeur, journaliste à l’Expression, affirme que «la presse algérienne traverse des moments très difficiles depuis notamment la division de la corporation en deux collèges».
Il explique que «depuis que les salaires de la presse publique ont augmenté et que des rappels conséquents ont été versés, il y a comme un sentiment d’injustice chez les journalistes de la presse privée. Cela les met devant trois choix : soit quitter la presse privée pour la presse publique et sacrifier le peu de liberté dont ils disposent, soit quitter la corporation, ou tout simplement rester dans la presse privée pour profiter du peu de liberté».

Quant au travail des journalistes, Karim Aimeur estime qu’«il se dégrade de plus en plus sur le plan de la qualité, ce qui s’est accentué avec la multiplication de titres dont le contenu est médiocre». «Il y a plus de journaux que de journalistes. Certains de ces journaux fonctionnent avec 5 journalistes. Il faut mettre des règles pour dépasser cette clochardisation. Moi-même, j’ai été victime de ces patrons qui n’ont rien à voir avec la corporation. J’ai travaillé dans un journal appartenant à un membre du bureau politique du FLN ; je l’ai quitté il y a plus de deux ans et jusqu’à aujourd’hui, il refuse de me donner mon certificat de travail et mes fiches de paie», explique-t-il.

Sur un autre point, Karim Aimeur indique que «la peur de la communication des institutions et des organismes publics est un autre problème». «Les sources parlent souvent sous l’anonymat, ce qui décrédibilise l’information», juge-t-il. Tarik Hafid, du Soir d’Algérie, observe pour sa part que «le journalisme en Algérie en 2013 reste un métier aussi passionnant que difficile». «Aujourd’hui, les rédactions sont devenues le réceptacle de tous les maux de la société. Dans l’impossibilité de régler leurs problèmes via l’administration ou la justice, les Algériens se tournent vers la presse en espérant trouver des solutions à travers la médiatisation. Les multiples affaires de corruption dévoilées par les journaux sont là pour confirmer ce phénomène», dit-il. «Mais les journalistes sont-ils armés pour mener à bien ce travail ? A mon avis non. Il suffit de lire le code de l’information pour comprendre que l’accès aux sources d’information est loin d’être garanti. Et les journalistes ne bénéficient d’aucune protection», regrette Tarik Hafid.

Mehdi Bsikri -El Watan-02.05.2013.

Le pire métier du monde 4000286231826

**consulter par ailleurs: Le pire métier du monde

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     La magie du web

Les Algériens et les nouveaux médias

un clic, un partage, un statut et un commentaire. N’importe quel citoyen peut faire circuler n’importe quelle information et être intronisé «journaliste citoyen».

La frénésie de l’info tous azimuts s’est emparée des Algériens. Entre réseaux sociaux, journalisme citoyen et sites d’information en ligne, les nouveaux médias ont chamboulé les modes de consommation algérienne d’information. «Les médias alternatifs, qui reposent sur les nouvelles technologies, offrent aux Algériens des potentialités que les médias traditionnels ne permettent pas», juge Aïssa Merah, expert en communication. Le professeur a, pour les besoins d’une étude, scruté les habitudes numériques des Algériens et passé au crible des centaines de pages de forums et autres sites d’informations et leurs commentaires. «En plus de la liberté et de l’indépendance garanties dans les contenus et les échanges, l’interactivité et le débat sont rendu possibles, ce qui s’apparente à une participation quasi politique, pas au sens stricte du terme, mais cela révèle un très fort intérêt pour la chose publique», analyse-t-il.

Car c’est cela même la magie du web : un clic, un partage, un statut et un commentaire et un «j’aime» plus tard, n’importe quel citoyen peut faire circuler n’importe quelle information et être intronisé «journaliste citoyen». Le journaliste «classique» a-t-il donc tant de souci à se faire ? «Pour l’heure, pas tant que ça», rétorque Yanis, spécialiste en multimédia, «car les nouveaux médias, bien qu’omniprésents, sont encore trop rares à ‘‘produire’’ de l’information». «Dans la blogosphère algérienne, sur la dizaine de sites d’actualité les plus consultés par les internautes, il n’y en a que deux ou trois qui proposent réellement un contenu ‘‘original’’ dans le sens où ce sont les journalistes de l’organe qui rapportent et produisent l’information. Les autres se contentent de reproduire, sous une forme plus ou moins lisible, les écrits publiés dans la presse, en mettant en avant un autre angle ou un détail plus racoleur», explique-t-il, critique. «L’on parlera de menace réelle lorsqu’il y aura un apport qualitatif à cette masse d’informations relayée», assène-t-il.

«Rumeurs en attente de confirmation officielle»

Car l’avènement de ces médias alternatifs n’est pas que pour le meilleur. Si l’un des avantages des nouveaux médias est que «rien n’arrête la circulation de l’information», cette célérité peut parfois être un désavantage, voire une tare. La «course» au scoop donné le plus rapidement a parfois conduit à de graves «imbroglios» journalistiques, comme ce fut maintes fois le cas avec des rumeurs de décès, remaniements ministériels ou autres.

De nombreux lecteurs ont donc trouvé la «parade infaillible : l’info mixte». «Je consulte plusieurs sites d’actualité, les réseaux sociaux et autre. Ensuite, je consulte les médias classiques, journaux, radios ou télévision, afin de confirmer la véracité d’une information ou avoir des détails et des analyses plus pertinentes ou plus profondes», confie un jeune cadre. «Il est évident que la crédibilité de l’information donnée par tel ou tel site est somme toute relative, et varie de son origine. Et la propagation des rumeurs et autre intox est directement liée au black-out de la communication officielle et au non-accès à l’information fiable. Mais ce problème n’est pas inhérent aux nouveaux médias. Il arrive très souvent que les journaux papier disent n’importe quoi, en bafouant l’éthique et la déontologie du métier !», objecte toutefois Aïssa Merah. Paradoxalement, en dépit des possibilités de diversification des faits et des «versions», l’on assiste à la multiplication, à l’infini, de la même information, tout juste agrémentée de commentaires différents. «Et pour au final attendre qu’une information officielle soit donnée par l’APS ou dans le JT de l’ENTV», commente un journaliste. «Dans ce domaine, il est du devoir de l’Etat d’investir pour un développement optimum de ce terrain vierge, à la suite duquel la professionnalisation sera inéluctable», affirme M. Merah.  

Absence de modèle économique viable

Le frein objectif ? Le retard technologique certain qu’accuse l’Algérie. A l’heure de la 4G et autre très haut débit, les infrastructures du pays font office de charrette de l’informatique. Avec une bande passante très faible, une connexion poussive, pas de réseau 3G et un taux de pénétration d’internet de seulement 14%, l’on est encore loin de la généralisation du virtuel.
Et si le journalisme 2.0 se cherche encore dans le reste du monde, ce n’est d’autant plus le cas en Algérie, où afin de passer de l’amateurisme au professionnalisme, un modèle économique viable n’a toujours pas été trouvé. «Quelques sites ont pu tirer leur épingle du jeu.

Sinon, les internautes se réfèrent aux sites internet des journaux traditionnels, qui ont la capacité financière d’offrir, en plus de leur édition quotidienne, une plateforme multimédia, parfois même adaptée à plusieurs supports électroniques», énumère M. Merah. Même si les investissements d’annonces sur internet sont en hausse, reste qu’ils sont marginaux comparativement aux autres supports, et qu’une publicité sur un site coûte beaucoup moins cher et ne permet pas de faire fonctionner une entreprise de presse.
L’autre écueil est l’absence de technologies de e-commerce. «Le site Médiapart par exemple arrive à fonctionner grâce à ses abonnés. En Algérie, les sites ne peuvent pas vendre leurs services, puisqu’il n’existe pas de paiement en ligne, pas de circuits sécurisés pour les téléchargements et autres signatures électroniques», poursuit M. Merah. 

Ghania Lassal -El Watan-02.05.2013.

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**AVANT-PROJET DE LOI SUR L’INFORMATION

    Débats à l’Ecole supérieure de journalisme

 La nécessité de procéder à une distribution légale de la publicité institutionnelle

Les interventions ont porté essentiellement sur les articles de loi régissant la presse écrite et l’audiovisuel.

Professionnels de la communication, universitaires et étudiants se sont invités, jeudi dernier, au débat sur l’avant-projet de loi organique sur l’information. Cela lors d’une conférence-débat animée à la salle de conférences de l’Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l’information, sise à Ben Aknoun, Alger.
Le débat a porté notamment sur les articles de loi régissant la presse écrite et l’audiovisuel. Sans réserve aucune, les intervenants n’ont pas omis de souligner le retard que connaît la corporation comparativement aux autres pays arabes. Sur l’audiovisuel, Ahmed Bedjaoui a axé son intervention sur les grandes avancées qu’a connues l’Algérie au début des années 1970 avant de connaître une période de stagnation depuis cette période.
Pour le conférencier, l’Algérie était parmi les premiers pays qui avaient envisagé en 1984 la création d’une autre chaîne de télévision indépendante. Le projet était avorté pour des raisons beaucoup plus politiques que techniques, selon M.Bedjaoui. «On a beau essayé d’expliquer à cette époque que la gestion d’une télévision est une profession et non pas un poste politique. Hélas! C’était des explications en vain», a-t-il dit. Il trouve injustifiées les craintes des pouvoirs publics quant à l’ouverture du champ audiovisuel. Il explique que l’audiovisuel en Algérie est ouvert vu le grand nombre de chaînes satellitaires, environ 450 chaînes arabes que captent les Algériens.
M.Aïssaoui a expliqué de son côté, que la nouvelle loi a traité d’une façon superficielle le chapitre relatif à l’audiovisuel. «L’avant-projet de loi en débat a été écrit, à mon avis, dans la précipitation», a-t-il relevé. Quant au chapitre relatif à la presse écrite, c’est Ali Djeri du quotidien El Khabar et Abdelwahab Djakoune, directeur de La Nouvelle République, qui étaient les invités du débat. Le premier n’a pas été tendre avec les autorités qui ont élaboré cette loi.
D’emblée, il estime que cette loi aura pour but d’organiser la corporation, sans plus. Il l’a qualifiée de régression et non pas d’«avancée», comme l’avait annoncé le ministre de la Communication, Nacer Mehal. Pour M.Djeri, les articles intégrés dans cette nouvelle loi n’apportent, sur le plan pratique, aucune nouveauté aux professionnels. C’est ainsi qu’il critique l’article qui consacre le droit à l’accès à l’information aux journalistes. M.Djeri estime qu’un tel article ne change en rien la situation tant il n’oblige en aucun cas les parties concernées de communiquer et donner des informations aux journalistes. Quant aux amendements proposés par la commission de la culture, de l’information et du tourisme de l’APN, ils ne sont que de simples ajustements, estime le confrère d’El Khabar.
De son côté, M.Djakoune fait endosser la responsabilité de la détérioration des conditions socioprofessionnelles de la corporation aux acteurs concernés en premier lieu. Il reconnaît que ni les éditeurs et encore moins les journalistes ne se sont organisés pour défendre cette noble profession.
Les interventions de Ahcen Djabellah Belkacem, modérateur de la conférence, ont porté sur «les problèmes et les problématiques» que connaît la corporation. Les intervenants ont également abordé la nécessité de procéder à une distribution légale de la publicité institutionnelle. (L’Expression-03.12.2011.)

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Le Pr André Cabanis:

la presse écrite algérienne jouit d’une liberté de ton qui étonne parfois en France

L’Algérie a enregistré des progrès « énormes » en matière de démocratie notamment dans le domaine de la presse écrite qui jouit d’une  « liberté de ton » qui étonne parfois en France, a estimé dimanche à Alger M.André Cabanis, professeur à l’Université de Toulouse.  

Le Pr Cabanis, qui s’exprimait devant la presse en marge d’un colloque  international sur le thème « La démocratie par le droit constitutionnel », a affirmé  qu’il ne trouvait pas dans des journaux de son pays cette « liberté » et ce « ton » qui existent dans la presse algérienne et qui « étonnent parfois les Français ».   « Contrairement à la presse française, celle de l’Algérie possède une capacité à s’engager qui est supérieure à celle de la France », a-t-il poursuivi.

« Il n’ y a aucun doute qu’il y a eu des progrès en matière de démocratie en Algérie notamment dans le domaine de la presse qui est parfois supérieure à la France », a-t-il ajouté.

Le Pr Cabanis a, en outre, expliqué dans son intervention que le droit  « ne peut pas suffire » pour installer ou pour garantir la démocratie mais pourrait  être « un renfort et un élément de protection » des libertés.*APS-13.01.2013.

**Qui est le Pr Cabanis

André Cabanis

- né le 6 juin 1947 à Toulouse

- études primaires et secondaires à Toulouse

- études supérieures à la Faculté de droit et à l’Institut d’études politiques de Toulouse

- docteur en droit (mention histoire du droit) en 1971

- agrégé de droit en 1972

- professeur à l’Université des sciences sociales de Toulouse depuis 1972

- directeur du Centre de recherche et d’information sur le droit à la formation depuis 1973

- chargé de mission auprès du préfet de la région Midi-Pyrénées de 1973 à 2005 (secteur : affaires culturelles, éducation nationale)

- directeur de l’Institut d’études politiques de Toulouse (établissement public d’enseignement supérieur) de 1980 à 1995

- directeur des Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse depuis 1993

- président de la commission de spécialistes d’histoire des institutions de l’Université des sciences sociales depuis 1996

- vice-président de l’Université des sciences sociales chargé des presses universitaires et des bibliothèques, depuis 2003

- enseignements à la Faculté de droit de Casablanca (Maroc), à l’Université Cheik Anta Diop de Dakar (Sénégal), à l’Université des sciences sociales d’Hanoï (Viet Nam), à l’Ecole nationale d’administration de Ouagadougou (Burkina Faso), à l’Institut diplomatique de Pékin (Chine populaire), à la Faculté de droit de Tunis (Tunisie), à la Faculté de droit de Wroclaw (Pologne)…

- thèmes de recherche : histoire du droit et des institutions français ; droit et institutions

des pays du Maghreb et d’Afrique francophone

- publications : une dizaine de livres, deux cents articles environ

BIBLIOGRAPHIE André Cabanis

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*dernier amendement par l’APN…

Le journaliste seul responsable devant le juge

L’APN a adopté, hier, les projets de loi amendant et complétant la loi 01-06 sur la lutte contre la corruption et l’ordonnance 66-156 portant code pénal dont l’article 144 bis consacrant l’allégement de l’amende, mais tout en portant la responsabilité pénale sur l’auteur de la publication. Les membres de l’Assemblée populaire nationale ont adopté, lors d’une séance plénière les projets d’amendement du code pénal et de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Les membres de l’APN ont voté à la majorité le projet d’amendement du code pénal. Les députés du Parti des travailleurs (PT), du Mouvement Al- Islah et du Front national algérien (FNA) se sont abstenus lors de ce vote. Après l’amendement apporté au code pénal, l’article 144 bis stipule qu’ «est punie d’une amende de 100 000 DA à 500 000 DA toute personne qui offense le président de la République par une expression outrageante, injurieuse ou diffamatoire, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou de tout autre support de la parole ou de l’image, ou que ce soit par tout autre support électronique, informatique ou informationnel. Les poursuites pénales sont engagées d’office par le ministère public. En cas de récidive, l’amende est portée au double». Concernant le projet de loi modifiant et complétant le code pénal, le groupe parlementaire du PT, s’est abstenu de voter, car, selon les rédacteurs d’un communiqué rendu public, s’agissant de la liberté de la presse, le PT a toujours milité pour l’abrogation pure et simple de l’article qui a institué le délit de presse et d’opinion. Selon toujours le groupe parlementaire du parti de Louisa Hanoune, alors que le pays entier aspire à un renouveau politique inclut la liberté de la presse, d’opinion et d’organisation, le texte bien qu’il atténue les sanctions (suppression de la peine d’emprisonnement), reste néanmoins dissuasif et constitue de fait une pression sur les médias en général et les journalistes en particulier. Dès lors, le groupe parlementaire plaide pour une refonte générale de la loi sur l’information. Même son de cloche chez le groupe parlementaire du mouvement En- Nahda, qui dans un communiqué soutient que « l’amendement porte la responsabilité pénale sur le journaliste sans pour autant inclure la société éditrice. Un amendement qui est en total déphasage avec les règles internationales consacrant la liberté de la presse et d’expression. Ceci n’est qu’une grande tromperie vis-à-vis de la consécration de la liberté de la presse et il ne s’agit que d’un désaveu des réformes politiques initiées par le président de la République». Il convient de signaler que le vote des deux projets d’amendement s’est déroulé en l’absence des députés du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) qui boycottent les travaux de l’APN depuis plusieurs semaines, ainsi qu’en l’absence des députés du Mouvement En-Nahdha. S’agissant du projet d’amendement de la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, l’adoption était à l’unanimité à l’exception de ceux du Mouvement Al-Islah qui se sont abstenus de voter. (Le Courrier d’Algérie-05.07.2011.)

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*Où en est le quatrième pouvoir en Algérie?

* Me Khaled Bourayou évoque les étapes de la profession depuis l’ouverture politique

Presse : le sens d’un combat

1L’on ne peut s’appliquer à dresser un bilan des vingt premières années de la liberté de la presse dans le pays, sans revenir au contexte historique ayant prévalu à la naissance de la loi n°90-07 du 3 avril 1990 relative à l’information.

Ce bref rappel s’impose pour mieux appréhender l’économie et les limites imposées volontairement à ce texte :
1) Cette loi supposée être le socle de la liberté d’expression en Algérie s’inscrivait alors dans le cadre des réformes initiées par le gouvernement de Mouloud Hamrouche pour préparer une transition démocratique rendue nécessaire par le soulèvement d’Octobre 1988 ; évènements ayant sonné le glas d’un système de parti unique, qui s’est avéré incapable de contenir la revendication sociale et inapte à répondre aux aspirations légitimes de liberté qu’exprimait le peuple.
2) À sa naissance, ce texte souffrait déjà des contraintes du contexte de l’époque qui, tout en cédant à la volonté d’ouverture, imposait en même temps des frontières sûres à l’exercice de la liberté d’expression.
À ce titre, tout en concédant la liberté d’édition au profit de la presse écrite, la loi sur l’information soumet, par contre, le secteur de l’audiovisuel au régime de l’autorisation préalable relevant des prérogatives d’un éphémère conseil supérieur de l’information, dont la disparition probablement provoquée, ou heureusement souhaitée, réglait définitivement le sort à toute tentative d’élargir la liberté d’expression aux médias lourds.
En dépit de ses limites, ce texte a permis l’émergence d’une presse écrite qui a immédiatement occupé l’espace démocratique en se positionnant comme le véritable leader d’opinion et en faisant découvrir à la société les bienfaits de l’exercice des libertés avec tout ce qu’elles peuvent charrier comme possibilités d’expression de critique et de contestation.
3) Pour ce qui concerne la presse écrite, il convient de relever que cette loi autorisait, tout à ses débuts, la libre création d’organes de presse par le simple dépôt d’une déclaration préalable auprès du procureur de la République territorialement compétent, qui est tenu de délivrer, sur-le-champ, un récépissé au directeur de publication. Ce récépissé n’est ni un agrément, encore moins un titre de propriété.
Cette liberté d’édition consacrée par l’article 14 de la loi sur l’information n’aura pas longtemps survécu à cause de l’instauration du régime de l’autorisation préalable initiée par le ministère de la Justice.
Cette mesure, prise en flagrante violation des dispositions précitées de ladite loi, mit un sérieux frein à la liberté d’édition qui relèvera désormais des prérogatives de censure de la chancellerie.
4) Sur le plan de la répression des crimes et délits de presse, ce texte, que la corporation qualifie à juste titre de “code pénal bis”, prévoit 5 infractions criminelles telles que les crimes de provocation et les atteintes à la sûreté de l’État et pas moins de 17 délits dont les plus importants, eu égard à la sévérité de la sanction – 2 à 5 années d’emprisonnement – sont liés à la réception de fonds publics ou privés, au prête-nom au propriétaire du journal et à la distribution par câbles d’émissions radiophoniques sonores et télévisuelles ainsi que l’utilisation des fréquences radiophoniques.
Les premières applications de la loi sur l’information ont donné lieu à deux poursuites criminelles à l’encontre des journalistes de la presse indépendante :
La première concerne le journal Al Khabar, dont le directeur de publication Mohamed Sellami, et deux de ses journalistes, Abdelhakim Belbaki et Zaïdi Sekia, font l’objet, en janvier 1992, d’une inculpation criminelle pour atteinte à la sûreté de l’État, conformément à l’article 86 de cette loi… pour avoir publié un communiqué de l’ex-parti du FIS.
Libérés après un bref séjour à la prison Serkadji, ces journalistes seront renvoyés par-devant le tribunal criminel relevant de la cour d’Alger qui ordonne leur acquittement en vertu d’un jugement du 07 juillet 1997.
La seconde poursuite concerne le quotidien El Watan qui, pour avoir donné une information, en janvier 1993, sur l’assassinat de cinq gendarmes à Kasr El-Hiran (wilaya de Laghouat) par un groupe de terroristes, voit son directeur de publication, Omar Belhouchet, et cinq journalistes de la publication poursuivis du chef d’inculpation de diffusion d’informations comportant un secret défense, conformément à l’article 88 de ladite loi. Ils subissent le même sort d’incarcération que leurs collègues d’Al Khabar.
Cette poursuite aura duré plus d’une décennie pour aboutir, en fin de compte, et après correctionnalisation des faits, à la simple relaxe des journalistes.
En contrepartie de ce lourd dispositif répressif, la loi n’accorde… qu’une seule et unique protection de l’activité journalistique, selon laquelle l’auteur d’une offense ou menace commise à l’encontre d’un journaliste est puni d’un emprisonnement de dix (10) jours à deux (02) mois d’emprisonnement.
À cet égard, il convient de souligner les multiples agressions dont sont victimes les journalistes dans l’exercice de leur métier. L’illustration la plus significative et la plus malheureuse reste indéniablement le cas de Beliardouh qui a été poussé directement au suicide du fait des menaces de mort et des multiples humiliations subies lors de sa séquestration par un certain Guerboussi, président de la Chambre de commerce de l’époque, et qui n’avait pas toléré la teneur des articles du défunt journaliste au sujet de ses spécieuses activités.
5) Sur le plan des procédures de poursuites pénales contre les journalistes, cette loi est dépourvue de toute protection telle que l’exception de vérité ou la bonne foi ; autant de faits justificatifs dont pourraient se prévaloir les journalistes pour assurer leur défense et soutenir la véracité des allégations et imputations de leurs écrits.
L’absence de ces protections minimales, consacrées par ailleurs par toutes les législations libérales sur la liberté d’expression, prive le journaliste algérien des moyens d’apporter la preuve des faits qui lui sont reprochés. Les documents et justificatifs en sa possession ne lui seront pas d’un meilleur secours.
L’exemple qui exprime le plus cette anomalie est, incontestablement, le procès opposant le quotidien El Watan à la Télévision algérienne et à l’animateur Abdehafid Derradji.
Ces derniers ont assigné le directeur de cette publication pour avoir dénoncé, dans un article publié en février 1999, l’irrégularité des procédures publicitaires dont bénéficiait spécialement un opérateur économique, et dont la marque de son produit était affichée durant toute l’émission sportive. Mieux encore, l’animateur est allé jusqu’à consommer le produit au cours de cette émission.
La production, au cours des débats, d’une lettre émanant de l’ancien ministre de la Culture et de la Communication, en exercice à l’époque des faits, selon laquelle l’information est vraie n’a pas été d’un secours pour le directeur de publication puisqu’il a été condamné.
C’est dire la difficulté de l’exercice de l’activité journalistique qui, en l’absence de ces protections et garanties légales, devient un métier à haut risque pénal.
Par ailleurs, la loi sur l’information n’offre aucune protection spécifique quant aux conditions d’exercice de l’action publique en matière de délits de presse, tels que la plainte préalable, la nécessité de l’articulation des faits dans le réquisitoire introductif du parquet ou les délais de prescription.
Beaucoup de plaintes sont engagées plusieurs mois après la date de parution de l’article incriminé. La longueur des délais de prescription – trois ans au lieu de trois mois dans la plupart des pays – pénalise, en effet, les organes de presse qui sont tenus de conserver leurs moyens de preuve tout au long de cette période.
6) À l’appui du caractère répressif de cette loi, le législateur a préféré maintenir dans le corps du code pénal les délits de diffamation et d’injure. Le but étant de faire de ces infractions des délits de droit commun et de leurs auteurs – directeurs de publication et journalistes –, de vulgaires délinquants.
Il y a lieu de relever que les poursuites engagées par les particuliers contre les organes de presse se fondent, pour la qualification des faits, sur le code pénal pour ce qui concerne la diffamation et sur les dispositions de l’article 41 du code de l’information pour situer la responsabilité pénale de l’auteur de l’écrit incriminé.
Mais lorsqu’il s’agit d’un ministre ou d’un haut dignitaire de l’État, on prend soin de privilégier la fameuse inculpation d’“outrage à corps constitués” en raison du rang social du plaignant et surtout de la sévérité de la sanction à administrer – deux (02) années d’emprisonnement au lieu de six (06) mois pour la diffamation.
Même la sœur d’un haut cadre de l’administration avait bénéficié, de la part du ministère public, de ce privilège de qualification à l’effet de renvoyer un journaliste par-devant le tribunal correctionnel au titre de cet abus d’inculpation d’outrage à corps constitués.
Il va sans dire que le corps constitué ne peut être une personne physique. Ce corps s’identifie à toute institution jouissant d’un organe délibérant tel que l’Assemblée nationale, le Sénat, l’université…
7) Alors qu’elle ne cessait de payer un lourd tribut pour son combat contre le terrorisme – plus de 80 journalistes assassinés –, la corporation devait subir, à partir de l’année 1995, un autre défi, celui de la recrudescence des poursuites initiées par le parquet au profit des ministères et autres administrations publiques dans le but d’étouffer les révélations faites par la presse à propos des affaires de corruption, de malversation et de détournement de deniers publics.
Les pouvoirs publics étaient manifestement irrités par l’intérêt croissant que portait la presse privée aux questions liées à l’administration de la chose publique, à la gestion des biens de la collectivité et à l’organisation du pouvoir politique.
Pour preuve, un simple billet paru, le 4 décembre 1995, dans le Radar du quotidien Liberté à propos d’une éventuelle promotion du général Betchine comme ministre de la Défense, allait coûter très cher à son directeur de publication, Abrous Outoudert.
Arrêté au pied de l’avion en compagnie de son rédacteur en chef Hacène Ouandjeli, avant d’être auditionnés longuement par la Police judiciaire à propos des tenants et des aboutissants de cette information, les deux journalistes sont présentés au magistrat instructeur. Abrous est mis sous mandat de dépôt et incarcéré à Serkadji.
Un formidable élan de solidarité ponctué par un cinglant éditorial de Omar Belhouchet intitulé “Libérez Abrous” mit fin au calvaire de ce dernier… à la faveur d’une condamnation de trois mois d’emprisonnement avec sursis.
8) Les délits de presse connaîtront une sérieuse évolution à travers les amendements apportés au code pénal par la loi n°01-09 du 26 juin 2001. Ces infractions, qui relèveront désormais des délits contre l’ordre public, seront sévèrement sanctionnées tant au plan de la qualification et de la responsabilité pénale qu’au plan de l’aggravation de la peine.
Au plan de la qualification pénale, ces amendements introduisent l’outrage comme nouvelle incrimination relevant de la catégorie des délits de presse et dont le principal critère et dénominateur commun est la publicité.
À ce titre, il y a lieu de préciser que l’outrage s’en distingue justement par l’absence de publicité.
Dans la diffamation, le journaliste s’adresse au public et plus précisément à ses lecteurs, alors que dans l’outrage, l’auteur s’adresse directement à la victime.
En consacrant cette infraction parmi les délits de presse, ces amendements visent, à travers cette incrimination, à sacraliser l’autorité publique afin de la mettre à l’abri de toute critique de la presse et à prévenir toute immixtion ou droit de regard sur la gouvernance de la cité.
Contrairement aux délits de presse tels que la diffamation ou l’injure qui n’emportent qu’une peine de 6 mois tout au plus, l’infraction de l’outrage sanctionne lourdement le journaliste qui pourrait être condamné à deux années d’emprisonnement ferme.
Au plan de la responsabilité pénale, ces amendements impliquent le rédacteur en chef.
En tant que coordinateur technique du travail journalistique, ce dernier devient également comptable pénalement de la publication de l’écrit. Cette extension de responsabilité vise en fait à bousculer la hiérarchie fonctionnelle au niveau du journal et à perturber l’autorité du directeur du journal, qui n’aura plus, en termes de prérogatives de publication, à décider seul du sort de l’article.
D’autre part, ces amendements, pour mieux marquer leur caractère répressif à l’égard des délits de presse, ne s’embarrassent d’aucun préjugé à l’égard de l’exigence de la cohérence des normes que le législateur est tenu de préserver pour assurer l’harmonie du droit et la rigueur des situations juridiques. Ces amendements créent en effet une nouvelle catégorie juridique ; la publication, à laquelle ils donnent vie et personnalité.
Ils font ainsi de la publication, c’est-à-dire le journal pris dans son élément le plus matériel (le papier), un sujet de droit devant rendre compte à la loi.
À ce titre, l’article 144 bis du code pénal condamne la publication à une amende de 500 000 DA à 5 000 000 DA lorsque l’infraction est commise par voie de presse.
Par ailleurs, il convient de signaler que ces mesures d’aggravation des sanctions pénales à l’encontre de la corporation s’expliquent par la volonté des pouvoirs publics de museler une presse à la fois frondeuse et critique, tout particulièrement à l’égard des méthodes de gouvernance et des formes de gestion des biens de la collectivité.
9) Ainsi accompli et mis en place, ce dispositif de répression allait prouver son entière efficacité à mater la corporation à l’occasion des plaintes initiées par différentes administrations telles que le ministère de la Défense nationale et le ministère de l’Intérieur. Cette répression sera plus dure et plus soutenue à l’égard des journalistes et des organes de presse n’ayant pas soutenu la candidature du président Bouteflika pour un second mandat.
Pas moins de 30 poursuites furent engagées d’office par le ministère public pour offense au chef de l’État. Elles étaient dirigées, tout particulièrement, contre le collectif rédactionnel du Soir d’Algérie dirigé par Fouad Boughanem, le caricaturiste Ali Dilem et le directeur de publication de Liberté, ainsi que Mohamed Benchicou, directeur de publication du Matin. Ces poursuites aboutiront, bien évidemment, à de sévères condamnations et à de lourdes amendes.
Ces campagnes de harcèlement judiciaire, au-delà de l’élan de solidarité qu’elles avaient suscité de la part de la société civile, ont fait l’objet d’une résistance soutenue de la part de la corporation et tout particulièrement les journalistes de la presse indépendante qui ont décidé d’un commun accord de ne pas déférer aux convocations de la police judiciaire ordonnées par le ministère public. La corporation considère à juste titre que cette mesure, qui consiste à soumettre l’écrit journalistique à l’enquête judiciaire dont les misions ont trait à la constatation de l’infraction, à rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, est injustifiée compte tenu du fait que l’article est publié et son signataire connu.
En vingt ans d’existence, la presse algérienne, qui a mené inlassablement un combat contre l’intégrisme et qui continue à livrer une âpre bataille contre la corruption, les malversations et les détournements de deniers publics mérite, à l’évidence, un meilleur sort et une attention particulière de la part des pouvoirs publics, notamment en matière d’accès du journaliste à l’information. Elle reste, en ces temps difficiles et d’ostracisme politique, l’unique et seul refuge de liberté dans le pays.(Liberté-03.04.2010.)

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Toutes les professions sont structurées, organisées, représentées sauf les journalistes !

Les avocats ont leur bâtonnat. Les médecins, leur Conseil de l’ordre. Les dentistes aussi. Les huissiers ont leurs chambres ainsi que les notaires. Toutes les professions sont structurées, organisées, encadrées, représentées sauf les journalistes. Pourquoi? Quel mauvais sort poursuit ceux qui ont décidé de faire du journalisme leur métier? Le ministre de la Communication, Mohamed Saïd, en déplacement à Constantine a fait part, lundi dernier, de son souci de «réorganiser» et de «professionnaliser» le secteur. L’intention est louable, mais comment va-t-il réussir là où tous ceux qui l’ont précédé ont échoué? Voilà plus de 20 ans que la profession est rongée par le désordre. A tel point que la question existentielle ne trouve plus de réponse. Qui est journaliste aujourd’hui en Algérie? Dans le secteur public, presse écrite et audiovisuel, il est possible d’obtenir un début de réponse. Dans le secteur privé, tout le monde écrit, mais tout le monde n’est pas journaliste. C’est le désordre. C’est l’incurie. Même le mot «journalisme» devient un cache-misère. Un terme générique qui évite de distinguer les différents postes et étapes qui jalonnent la carrière de journaliste qui est longue, laborieuse et souvent ingrate. On n’a plus besoin de dire rédacteur stagiaire. On ne dit plus reporter ou grand reporter. On ne dit plus chef de rubrique ni rédacteur spécialisé. Etc. Les grades ont disparu et avec eux les commissions paritaires. Tout le monde est journaliste. C’est plus simple. Pour un jour ou pour la vie. La rubrique «tribune» n’existe plus chez nous. Il n’y a que des collaborateurs et quelquefois des «contributeurs». Donc des journalistes. Ils mènent une vie active ailleurs et viennent écrire à l’occasion. Ils se présentent malgré tout comme des journalistes. On peut citer dans la foulée l’usage inconsidéré du «pseudo» et même des initiales qui illustrent ce même côté «informel» du journalisme. C’est toute cette incurie qui a décoté le journalisme avant même le manque de formation. C’est cette incurie qui ne favorise pas la communication institutionnelle. Les structures de l’Etat ne font pas confiance à des journalistes dont ils ne sont pas sûrs qui le soient vraiment. Les journalistes, les vrais, souffrent de ces travers. Il faut bien l’admettre, le journalisme sert de «marchepied» à bon nombre de «collaborateurs». C’est une profession qui s’avère être un très bon «placement» pour décrocher une place au soleil. Si le bon journaliste est celui qui a le plus d’adresses dans son carnet, certains le remplissent uniquement pour se propulser dans une autre carrière à plus forte «valeur ajoutée». Ces quelques tares suffisent pour dire que la profession a vraiment besoin d’un grand toilettage.
Malheureusement, c’est une chose de le dire et une toute autre de le faire. Pour au moins une raison, l’absence de structures regroupant les journalistes. Syndicat non représentatif. Association inexistante. D’ailleurs, cette incapacité à s’unir est favorisée et entretenue par plusieurs cercles. Elle sert leurs desseins. Grenouiller dans une corporation désorganisée est plus facile pour eux. Pour instrumentaliser, faire pression, régler des comptes ou se faire une place au soleil sans code d’éthique ni règles professionnelles à respecter. On est jaloux de voir les avocats se battre pour tel ou tel article de leur statut. On envie les médecins protégés par leur Conseil de l’ordre. Les notaires, les huissiers, les dentistes,… Pendant ce temps, les divisions n’ont permis aucune organisation de journalistes. Au grand dam des «sous-marins» qui font leurs affaires sur notre dos. Dans cette grande «auberge espagnole» où loge un si noble métier. Un métier qu’il faudra impérativement codifier, réglementer. Pour le sauver! *Par Zouhir MEBARKI -L’Expression-Mercredi 27 Mars 2013

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 La presse algérienne : Hommage et souvenirs

 Cette année qui s’annonce, sera-t-elle, pour la plume et l’expression en Algérie, complètement identique à celles qui l’ont précédée, une continuité sans changement ?  Ou bien l’histoire a-t-elle amorcé son inéluctable marche en avant pour des peuples épris, mais interdits de liberté ? 

Notre presse se ressource des menaces qu’elle subit et se renforce des défis qu’elle relève. Ni le terrorisme et son horreur, ni les harcèlements judiciaires qu’elle a connus, ni les pressions économico-commerciales ne sont arrivés à bout d’une presse courageuse, convaincue et rebelle. J’aimerais, au passage, m’inscrire en faux contre une idée répandue, donnant à la presse plurielle d’après-1988 l’exclusivité de la lutte pour la liberté d’expression. Cette thèse défendue, de bonne ou de mauvaise foi, est une vision réductrice et procède d’une méconnaissance des réalités dans lesquelles a évolué ce qu’on appelle la presse unique. Cette période a connu aussi les martyrs de l’expression qui n’ont été ni tués ni traînés devant les tribunaux, mais marginalisés, frustrés d’exercice, envoyés aux rubriques de chiens écrasés ou licenciés avec plus ou moins d’élégance.

Le combat pour la liberté d’écrire a commencé dans les salles de rédaction, car, comme une eau tranquille, le besoin de liberté finit toujours par faire éclater l’espace où on veut le circonscrire.Les lecteurs  d’Algérie-Actualités se souviendront sans doute du ton contestataire qui marquait l’hebdomadaire le plus lu de la presse unique. Après le texte de 1989 et l’ouverture qu’il permit, la bataille changea d’âme et les combattants changèrent de fronts. La presse, débarrassée du joug du parti unique allait subir des velléités de mainmise de la part d’un pouvoir, qui, sans changer de nature, changea de méthode. Il déploya d’autres arsenaux pour amadouer ou asservir une presse dont il était loin de soupçonner les audaces, et qui le gênait sérieusement. Cette nouvelle phase créa de nouvelles adversités et de  nouvelles agressions.

La presse algérienne entama les combats que la liberté lui permettait pour la liberté ; les pages de cette décade sont parsemées de moments obscurs et de leurs revers de gloire ; ce  fut la section des délits de presse qu’on appela ironiquement club de la presse. Nous avons connu les harcèlements judiciaires faits de lectures tendancieuses du code pénal et l’usage intempestif et malléable du délit de diffamation. La procédure de citation directe, mécanisme  simplifié, permettait la comparution sans instruction d’un journaliste directement à la date d’audience.

Ce raccourci procédural transformait le journaliste en accusé commode qu’on pouvait traîner aisément à la prochaine audience possible ; pour peu qu’on paye une caution, et la moindre information déplaisante se transformait en «diffamation» potentielle. Abderrahmane Mahmoudi, on s’en souvient, fut mis en prison pour avoir dénoncé des «magistrats faussaires». Dans son procès, on ne s’interrogea guère sur la véracité des faits allégués ou sur la fiabilité de sa source, mais on se contenta de soutenir que la «dénonciation» était calomnieuse.

L’Organisation nationale des moudjahidine se saisit du dossier et aboutira à la conclusion que l’information était fondée ; celui-ci fut mis en liberté provisoire et, à notre connaissance, il n’a jamais été jugé (la source de cette information aussi, Mellouk, un fonctionnaire du ministère de la Justice, connut des déboires semblables) ; cinq journalistes d’El Watan séjournèrent à Serkadji, parce qu’ils avaient publié dans leur canard un article révélant des informations liées à la sécurité concernant l’attaque d’une caserne ; ils ont été libérés quelque temps plus tard, et, à notre connaissance, ne furent jamais jugés. Les journalistes d’El Khabar ont eu de sérieux démêlés pour avoir publié dans un placard publicitaire un texte estimé subversif ; cette affaire posait le problème juridique de la responsabilité du directeur de la publication des espaces publicitaires et de leur contenu, car s’il est peut-être acceptable qu’un directeur assume une part de responsabilité (laquelle ?) des écrits de ses journalistes, il est autrement problématique de délimiter sa responsabilité quant aux espaces publicitaires qui n’émanent pas de sa rédaction.

Un jour, le directeur d’Alger Républicain (journal qui a survécu à la censure coloniale) sera détenu, puis relâché  aussitôt pour avoir publié un article qui n’avait tout simplement pas été apprécié par les dirigeants. Le directeur d’El Watan avait aussi été poursuivi en justice pour avoir ouvert ses colonnes au secrétaire général d’Ettahadi, qui y avait affirmé à propos de l’arrestation du directeur d’Alger Républicain ; «celui-ci devait être assassiné en prison». Le directeur de la publication et le secrétaire général d’Ettahadi furent condamnés à une légère peine de prison. L’affaire d’El Khabar pose le problème des espaces publicitaires, celle d’El Watan pousse à s’interroger sur la responsabilité des interviews car, dans quelle mesure un responsable d’une publication peut-il sélectionner les déclarations faites par un interviewé ? Et comment peut-il orienter ou contrôler un individu qui ne fait pas partie de son équipe ?
Outre les déboires côté cour, la presse connut d’autres mésaventures, d’autres restrictions et d’autres misères ; nous citerons les suspensions «commerciales» sélectives décidées selon l’indocilité par l’imprimerie publique agissant en situation de monopole, pour sanctionner les titres politiquement incorrects. Il y eut aussi sous prétexte et sous couvert de l’état d’urgence, les situations administratives pour des raisons diverses, insolites et inédites, nous rappellerons la publication «d’informations prématurées» jusqu’à l’interdiction d’écrire prononcée par l’Exécutif à l’égard de certains journalistes d’El Watan.

Citons qu’en matière de suspensions administratives, la période Belaïd Abdessalem a été la plus épouvantable. Fort du texte de l’état d’urgence, Da Belaïd ne badinait pas. Cependant, cette censure radicale ne disparut pas avec son départ, elle prit, toutefois, d’autres formes empreintes de plus d’arbitraire ; les «interdictions de paraître» n’étaient même pas justifiées, «la hogra officielle» ne se souciait même plus des apparences. Puis, revinrent «les comités de lecture», ces visiteurs de l’aube qui avaient été annoncés avec une arrogance inoubliable par un chargé de la communication, «Aït Chaâllal» annonça sans pudeur le retour de «l’imprimatur». Nous terminerons ces mauvais souvenirs par l’épisode évocateur de La Tribune, suspendu pour six mois pour une caricature, rien qu’une caricature. Notre arrière-pensée, en égrenant ce chapelet des mauvais souvenirs, est d’exprimer deux idées :
1- la première est que cette profession a survécu à toutes les épreuves qu’elle a connues, et, dans lesquelles, loin d’en être affaiblie, elle s’en est plutôt ressourcée ;
2- la seconde est que le pouvoir en place a pu,  avec la législature existante, faire subir à la presse toutes les vilenies possibles. Il a pu incarcérer des journalistes, interdire de paraître et suspendre des journaux.

L’évaluation de la période actuelle est réellement mitigée. Elle se caractérise par une mainmise sans précédent du pouvoir sur les médias lourds et canaux officiels (télévision, radios, APS). Il a réussi, dans ses abus, à faire perdre le sens du service public dans les médias publics qu’il a transformés en instruments de propagande. Mais, réciproquement et paradoxalement, il a laissé l’entière liberté et indépendance aux médias libres et indépendants. Aucun journal n’a été suspendu, en dépit de toutes les occasions que les audaces de certaines caricatures ont données. Il y a eu, toutefois, des censures et des représailles qui ont touché des livres : citons Benchicou, auteur d’un livre sur Bouteflika, il perdra un journal (Le Matin) qui manque terriblement à la scène médiatique, et qui est condamné maintenant à exister au mode virtuel. Benchicou eut un destin épouvantable en purgeant deux années de prison qu’il raconta dans un deuxième, les Geôles d’Alger.

Le pouvoir assumera la censure par la bouche d’une ex-démocrate devenue ministre de la Culture, qui confirmera sa haine des livres par deux grandes phrases. «C’est moi qui ai interdit la publication du livre, et j’assume», à propos du livre de Benchicou. «Je ne parle pas des choses», réitérera-t-elle à propos de Poutakhine, un livre d’El Jazaïri. Elle aurait dit aussi : «Il ne sera jamais publié tant que je serai là !», à propos du livre de Saïd Sadi, un ancien camarade de combat.  

Nasr Edine Lezzar (avocat) …(El Watan-02.05.2011.)

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Un toilettage est nécessaire

1Avec la Constitution de 1989, qui a consacré le pluralisme politique et, partant, médiatique, la loi sur l’information d’avril 1990 a permis à des anciens journalistes du secteur public de créer leurs propres titres. C’est l’époque de l’aventure intellectuelle où pas moins de 450 titres, toutes périodicités confondues, sont lancés dans la foulée des 66 partis et de centaines d’associations de la société civile (dont 500 à caractère national).
Avril 1990-avril 2010 ; la presse privée ou indépendante, mais avant tout nationale, fête ses vingt ans d’existence. Une naissance au forceps car, contrairement aux croyances, elle s’est imposée de haute lutte par des confrères qui n’arrivaient plus à tenir sous le harnais d’une presse dirigée par le haut : le parti et l’État. Le MJA a été en première ligne des revendications.
Aujourd’hui, l’Algérie compte plus de 80 quotidiens nationaux pour une population de près de 35 millions d’habitants. À titre indicatif, la France avec ses 60 millions d’habitants n’en a que 6.
Le tirage moyen quotidien de la presse écrite quotidienne est de près de 2,5 millions avec  une prépondérance pour la
presse arabophone, dont  deux titres dépassent chaque jour les 500 000 copies (El Khabar et Echourouk), alors que les meilleurs tirages en langue française sont dans les 150 000 exemplaires.
Une dizaine dépasse les 50 000 et les autres ne dépassent pas les 20 000 et parfois même pas les 10 000 exemplaires.
Mais là n’est pas le problème puisque le marché de la demande permet à tout un chacun  d’avoir une niche et un lectorat à même de lui assurer un équilibre financier.
La création des titres, le premier Le Jeune Indépendant a vu le jour en mars 1990, le départ a coïncidé avec le début de ce qu’on appellera plus tard la décennie noire ou plus prosaïquement “la tragédie nationale” qui a vu l’islamisme politique parvenir aux portes de la République, soutenu par des groupes terroristes armés dont une des filiales était spécialisée dans les assassinats des intellectuels, notamment les journalistes. Il y eut 105 journalistes tués. Le premier à être visé fut Tahar Djaout, écrivain, poète et journaliste assassiné en bas de chez lui le 26 mai 1993. Son dernier édito s’intitulait : “La famille qui avance et la famille qui recule.” Pour en revenir aux mécanismes mis en place en Algérie, la première tentative a été initiée par le parti unique, le FLN, qui voyait d’un mauvais œil les tentatives de récupération du secteur par le ministère de l’Information et a donc voté une recommandation sur l’information lors de son 4e congrès en janvier 1979.
En 1982, un code de l’information a fait l’objet d’une loi.
Il a fallu attendre la révision de la Constitution, en 1989, qui ouvrait le champ politique et par là même médiatique avec ensuite l’adoption de la loi sur l’information en avril 1990 qui a permis la création de supports de statut privé.
Il y a lieu de signaler que les journalistes organisés en association ont dénoncé la mainmise de l’État et du parti sur la presse et ce, en 1988, suite aux évènements d’Octobre. Le 3 avril 1990 était promulguée la loi sur l’information, qui comporte 9 titres, pour organiser la profession. C’est une victoire pour les journalistes. Du moins pour l’époque. Cette loi, est-il stipulé dans son article 1, a “pour objet de fixer les règles et les principes de l’exercice du droit à l’information”.
L’article 2 repose sur le droit du citoyen à être informé de manière complète et objective et par l’exercice des libertés fondamentales de pensée, d’opinion et d’expression, “conformément aux articles 35, 36, 39 et 40 de la Constitution” du 23 février 1989. Un des 9 titres est consacré au CSI (titre 6) et un autre aux dispositions pénales (titre 7). Celui-ci comporte 23 articles qui énumèrent les différents délits de presse. La peine la plus lourde est dans l’article 86 qui prévoit une peine de réclusion de 5 à 10 ans pour une information “qui porte atteinte à la sûreté de l’État et à l’unité nationale”.
Le Code de procédure pénale revu en 2001 a introduit la pénalisation de délit de presse en aggravant les peines d’emprisonnement et en ajoutant des amendes à l’encontre des journaux qui peuvent aller jusqu’à un million de dinars.
Ce texte est néanmoins considéré comme un premier pas pour l’émergence d’une information libre et ouverte à la société diverse puisque des titres peuvent être créés par des partis politiques, ainsi que par les personnes physiques ou morales de droit algérien.
Cela a été le début de l’aventure intellectuelle puisque plus de 500 titres, toutes périodicités confondues, ont vu le jour. Mais le rêve a été de courte durée.
En effet, cette loi sur l’information a été vidée de sa substance (le Conseil supérieur de l’information qui a été dissous trois ans à peine, après son installation). Cet organe avait, par ses prérogatives et par le mode de nomination et d’élection de ses membres, un rôle de régulateur (article 59 de la loi).
Autant de missions importantes qui auraient pu aujourd’hui régler pas mal de situations dans lesquelles la profession se débat dans un désordre désolant.
À titre indicatif, le CSI pouvait se “prononcer sur les conflits relatifs à la liberté d’expression et de conscience”, “fixer les règles et veiller à la répartition équitable des éventuelles subventions” ou encore “déterminer les conditions d’attribution des cartes professionnelles”. Autant de questions encore récurrentes et toujours d’actualité.
Aussi, ce qui reste de ce texte de loi, c’est le titre 7 portant sur les dispositions pénales, renforcées comme si cela ne suffisait pas par des amendements au Code des procédures pénales, en 2002.
Au lieu de se présenter comme une loi organique avec des dispositions de principes, le législateur a tenu plus à bâillonner qu’à permettre une liberté d’expression. De cette loi sont exclus la publicité (art 100) et les sondages d’opinion (art 101).
Le seul article qui permettait l’ouverture du champ médiatique à la presse écrite est l’article 14 qui stipule : “L’édition de toute publication périodique est libre. Elle est soumise, aux fins d’enregistrement et de contrôle de véracité, à une déclaration préalable, trente (30) jours avant la parution du premier numéro…”
Malheureusement, cet article n’est plus appliqué et des dizaines de titres sont toujours en attente d’agrément comme ne sont pas respectées les autres dispositions telles que l’indication du tirage quotidien (art 23), l’origine des fonds (art 18), et nous passons.
20 ans à peine, après sa promulgation, ce texte se trouve dépassé, d’une part, à cause de l’environnement de l’époque (les années 90, années de feu et de sang) où les islamistes avaient le vent en poupe et tout l’argent nécessaire pour créer titres, radios et télévisions, ce qui a poussé à la dissolution du Conseil supérieur de l’information et, d’autre part, par les mesures pénales trop lourdes du fait de la pénalisation du délit de presse. À titre indicatif, selon des statistiques du cabinet de Me Khaled Bourayou, avocat-conseil de plusieurs titres, il y a eu, depuis l’année 2000 jusqu’au mois de mars 2010, 357 affaires de diffamation jugées pour seulement quatre titres : El Watan, Le Soir, El Khabar et Liberté.
Des journalistes ont été emprisonnés, des journaux saisis durant ces dernières années. Il est urgent aujourd’hui de procéder à son toilettage avec comme premiers objectifs : la dépénalisation du délit de presse, l’ouverture des médias lourds, le libre accès à la source de l’information et à la publicité, un traitement équitable des titres au niveau des sociétés d’impression.
Le premier responsable du pays a lui-même, lors de son adresse à la famille de la presse le 3 mai dernier, appelé “à procéder à une révision de la loi sur l’information qui doit être effectivement adaptée aux nouvelles donnes…” (L’Expression-03.04.2010.)

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**Débat sur l’ouverture de l’audiovisuel

«Le pouvoir pense que la liberté est un problème»

 Le débat sur l’ouverture du champ audiovisuel est plus que jamais d’actualité. Plus qu’une affaire de professionnels, il concerne tous les Algériens puisqu’il est intimement lié à une question plus globale : la démocratie avec tous ses ingrédients.

Le club des anciens de l’Ecole nationale supérieur de journalisme a ouvert, hier, une sérieuse discussion sur le sujet à la salle de conférences du quotidien gouvernemental Echaab. Un habitué des lieux, le docteur Ahmed Adhimi, enseignant à l’Institut des sciences politiques, revient encore une fois insister sur l’idée que l’ouverture du champ de l’audiovisuel était une question qui relève de la sécurité nationale. Regrettant que les débats, qui devaient concerner exclusivement les Algériens, soient organisés, ailleurs, le conférencier met en garde contre le danger que pareille situation est capable de véhiculer. Le premier risque, selon lui, est de s’exposer à la désinformation qui mettra à la longue l’opinion publique à la merci de l’étranger.

Ahmed Adhimi parle évidemment des chaînes satellitaires qui orientent les débats à leur guise en l’absence d’espaces de débat en Algérie. C’est normal que les jeunes ne connaissent pas Ali Yahia Abdennour, Aït Ahmed ou Ben Bella, parce qu’ils sont bannis du petit écran de l’ENTV. Mais attention,  avertit le conférencier, en l’absence totale de symboles nationaux et de repères, la jeunesse sera amenée à les chercher ailleurs. Ahmed Adhimi ne comprend pas pourquoi le pouvoir ne veut pas ouvrir le champ de l’audiovisuel ! Ce qui est sûr, dira-t-il, il n’y a aucune volonté de le faire. Il fait allusion au dernier discours du chef de l’Etat Abdelaziz Bouteflika. Présent à ce débat, au même titre que d’autres éditeurs, entre autres Zoubir Souissi, Omar Belhouchet, directeur de la publication du quotidien El Watan, considère que la question de l’audiovisuel «n’est pas technique, mais un problème qui est beaucoup plus lié à la question des libertés publiques dans le pays».

Selon lui, «le pouvoir considère toujours qu’il faut plus d’autorité pour régler la crise et que la liberté est un problème». «Il n’est pas prêt à se réformer et les quelques journaux indépendants se sont faits dans l’adversité», indique Omar Belhouchet convaincu que «les conditions politiques de l’ouverture n’existent pas malgré ce qui se passe dans le monde arabe». Invité au débat par le club des anciens de l’ENSJ, Boualem Aïssaoui, producteur audiovisuel, a battu en brèche les idées préconçues disant que le public algérien n’est pas suffisamment mûr, ou celles mettant en avant l’argument de la fragilité de la société algérienne. L’Algérie subit un arrosage de son et d’images, dit-il, avant d’ajouter : «Nous sommes un pays retardataire qui a peur de sa propre image.»

Pour récuser l’idée du manque de professionnels en la matière, M. Aïssaoui souligne que «l’avènement de la presse privée n’a pas attendu des managers clés en main». Maâzouz Rezigui, un autre intervenant lors de ce débat, a tenté de répondre à la problématique de l’ouverture de l’audiovisuel, mais avec quel contenu et avec quel mécanisme de régulation ? S’inscrivant dans la perspective de cette ouverture, M. Rezigui soutient que dans le cas où il y a démantèlement du monopole sur l’audiovisuel, la régulation est indispensable. A cet effet, le conférencier est revenu sur l’expérience des années 1990 du Conseil supérieur de l’information. A l’issue de ces débats, un consensus s’est fait autour de la nécessité et l’urgence d’ouvrir le champ de l’audiovisuel. Tous les intervenants dans les débats étaient convaincus que le pouvoir en place n’a aucune intention de changer. (El Watan-26.04.2011.)

 

**ouvrir l’audiovisuel

“En Algérie, on reçoit plus de 1 000 chaînes étrangères. Selon de récentes études, plus de 20 millions d’Algériens de moins de 20 ans ont déclaré n’avoir jamais regardé une chaîne du service public”, a estimé M. Adimi.

C’est à la problématique de l’ouverture du champ audiovisuel que le journal El Chaâb a consacré son forum d’hier. Le déverrouillage du champ audiovisuel constitue-t-il une menace pour la sécurité nationale ? C’était le thème de la communication du professeur d’université et journaliste, Ahmed Adimi.
À cette question, il répond que c’est plutôt le contraire qui se produit. Il soutient que l’absence d’un espace de débat en Algérie fait que les questions d’intérêt national sont discutées sur des chaînes étrangères, à l’instar des évènements de janvier dernier. “En Algérie, on reçoit plus de 1 000 chaînes étrangères. Selon de récentes études, plus de 20 millions d’Algériens de moins de 20 ans ont déclaré n’avoir jamais regardé une chaîne du service public. C’est une catastrophe”, estime M. Adimi. “Je ne comprends pas pourquoi certains pensent que l’ouverture du champ audiovisuel est un danger, alors qu’on est câblé à tant de chaînes de télévision. Pourquoi ne pas permettre en toute transparence un débat à l’intérieur du pays ?” s’interroge-t-il.
Et de lâcher : “Je crains qu’on en arrive à acheter des espaces dans des médias étrangers pour faire passer des messages aux citoyens algériens.” M. Ahmed Adimi aborde, par ailleurs, le volet de la marginalisation, des personnalités symboles de ce pays.
Il cite comme exemple le leader du FFS, Aït Ahmed, et le président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, Ali Yahia Abdenour, même s’il déclare ne pas partager totalement leurs idées. “Un pays qui marginalise ses personnalités symboles se tourne fatalement vers les charlatans.” Tout en considérant que l’Algérie est, du point de vue sécuritaire,  menacée de toutes parts, à travers la présence de forces étrangères à ses frontières, il s’étonne qu’après des années de terrorisme, on n’a pas pensé à mettre en place une stratégie “pour construire le citoyen de manière à ce qu’il ne recourt plus à la violence pour exprimer ses revendications et ses besoins”.
À la question de savoir si la production audiovisuelle privée est un prélude à une ouverture dans le secteur, le producteur Boualem Aïssaoui pense qu’en Algérie, il existe une chaîne unique déclinée en plusieurs logos. “Nous sommes un pays retardataire qui a peur de sa propre image.” M. Boualem Aïssaoui remet en cause les arguments des politiques qui expliquent le verrouillage du champ audiovisuel par l’immaturité des Algériens et la fragilité de la société.
“Qui a dit que l’ouverture du champ audiovisuel ouvrira la voie à l’informel politique ?” s’étonne-t-il. Pour sa part, l’expert en mécanismes de régulation, Mazouz Rézigui, a insisté sur le caractère incontournable de la démonopolisation du secteur audiovisuel, mais considère que le débat sur ce dossier doit être bien encadré, de manière à ne pas remplacer le monopole de l’État par le monopole de l’argent. (Liberté-26.04.2011.)

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Le secrétaire d’État chargé de la communication à Liberté

“L’évolution de la presse demeure étroitement liée à l’évolution adaptée des textes juridiques”

Par : AZZEDINE MIHOUBI (*)

1La commémoration, ce 3 avril 2010, du vingtième anniversaire de la promulgation de la loi 90-07 du 3 avril 1990 relative à l’information donne un cachet particulier au programme préparé cette année en Algérie, pour célébrer le 3 mai 2010 la Journée internationale de la liberté de la presse.

Cela nous donne l’occasion de rappeler que ce texte législatif, promulgué il y a maintenant vingt ans, a constitué le cadre juridique de la contribution des pouvoirs publics à l’émergence d’une presse pluraliste, privée à travers une aide multiforme. L’aide de l’État s’est traduite, en effet, par la multiplication de titres de journaux ayant consacré l’exercice de la liberté de la presse. S’agissant de l’évolution du dispositif juridique algérien, il faut savoir qu’au plan de la législation interne, deux lois ont été promulguées depuis l’Indépendance, en 1982 et 1990, obéissant à des choix et modèles de société différents. Aujourd’hui, alors que la société algérienne exprime de nouveaux besoins en matière d’information, et à l’heure de la véritable révolution véhiculée par les technologies de l’information et de la communication, l’Algérie s’inscrit dans ce processus de transformation et de mutation en œuvrant à une mise à niveau générale qui touche aussi bien les aspects technologiques et les supports que le domaine des libertés, notamment la consécration et la protection de la liberté d’expression et son corollaire la liberté de la presse. Le principe de la liberté de la presse est inscrit à la fois dans le texte fondamental, la Constitution et dans la législation et la réglementation.
En effet, la loi d’avril 90 et les textes subséquents ont offert aux journalistes du secteur public la faculté de “constituer des collectifs professionnels pour la création et l’édition d’un titre indépendant, de revues ou de périodiques” en prévoyant d’accompagner ces projets par des facilités diverses. Elle a servi de levier au processus de diversification de la presse écrite qui a marqué le paysage médiatique national.
La profession de journaliste et son statut se trouvant au cœur de la problématique liée à la liberté de la presse ont connu une évolution qualitative depuis 1999, tant au plan de la pratique de la profession qu’au plan de ses relations avec les pouvoirs publics.
C’est dans le prolongement de ces grands changements sociopolitiques, qui ont touché notre pays, que la presse algérienne a connu un essor sans précédent et fut appelée à jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la montée de l’intolérance et du terrorisme. Elle en paya d’ailleurs le lourd tribut puisque plus d’une centaine de journalistes furent assassinés, tandis que plusieurs dizaines d’autres furent contraints à l’exil.
C’est l’occasion, au moment où notre pays célèbre la Journée internationale de la liberté de la presse, de rendre un hommage appuyé à cette profession noble qui n’a pas hésité un seul instant à s’impliquer aux côtés d’autres forces nationales dans la défense des acquis de la République et de l’unité du pays.
Le sacrifice suprême qu’elle a consenti a été au demeurant maintes fois évoqué par Son Excellence Monsieur le président de la République qui nourrit à son endroit toute la considération et tout le respect qu’elle mérite pour les services qu’elle a rendus à la République et au pluralisme en Algérie.
Ma conviction est que l’expérience algérienne en matière de journalisme ne doit pas être limitée aux vingt dernières années, car il s’agit, plutôt, d’une suite d’accumulations qui se sont faites jusqu’au jour d’aujourd’hui, en passant par la presse du mouvement national, de la réforme, l’indépendance et le pluralisme. Je ne suis pas de ceux qui disent qu’il existe une presse du 4 octobre, qualifiée de langue de bois occulte et stérile, ni une presse du 5 octobre, qui est une langue de verre transparente et constructive, puisqu’en fin de compte, il s’agit d’une expérience journalistique algérienne, évoluant avec l’évolution de la société algérienne. Maintenant, si nous parlons du pluralisme médiatique, il est à noter qu’il a été caractérisé par trois compartiments, à savoir le compartiment relatif au fondement, le compartiment de la lutte pour la consécration de la liberté de la presse et le troisième s’est intéressé à l’instauration des bases professionnelles.
Je considère que la presse algérienne est tenue d’améliorer sa relation avec l’équation aux trois dimensions : la liberté, le professionnalisme et la déontologie qui sont des paramètres de crédibilité et de pérennité de l’exercice journalistique. Dans tous les cas de figure, l’évolution de la presse demeure étroitement liée à l’évolution adaptée des textes juridiques qui régissent ce domaine de manière à obtenir l’harmonisation avec les mutations que connaît le monde des médias. À ce titre, je saisis cette occasion pour dire qu’un avant-projet de loi relatif à l’information est en maturation pour constituer la plate-forme qui sera soumise à enrichissements de concert avec la corporation en vue de mettre en œuvre l’engagement de Son Excellence Monsieur le président de la République Abdelaziz Bouteflika.
S’il y a lieu de résumer le champ d’application de la loi du 3 avril 1990, en termes positifs, elle a consacré l’enracinement de l’expression pluraliste à travers la liberté d’édition et de publication. Il est nécessaire également de rappeler que l’activité de production est ouverte à l’investissement privé dans le domaine de la production d’œuvres et de programmes audiovisuels que les pouvoirs publics ont favorisé et encouragé toutes les démarches tendant à la mise en place d’un statut garantissant aux journalistes l’ensemble de leurs droits sociaux et professionnels, en particulier ceux liés à la formation, à la protection sociale et à l’exercice de leur métier dans la dignité.
Par ailleurs, elle connaît un déficit important en matière d’instruments de régulation de suivi et d’encadrement de la presse écrite notamment parmi les institutions où des mécanismes de régulation et de supervision font défaut. La diffusion, après avoir été organisée sous le monopole de l’État, a été libéralisée. Cette activité a été ouverte à l’initiative privée sans que les précautions idoines n’aient été réunies, notamment l’autorisation de professionnels à activer dans ce créneau. En raison du manque de professionnalisme et de la confusion dans laquelle s’est développée cette activité, de nombreux dysfonctionnements et dépassements ont été et continuent d’être relevés.
La presse a le devoir d’informer de façon objective les citoyens et d’apporter les éclairages nécessaires aux grands débats de société. Par son professionnalisme et sa capacité à assumer ses missions et ses responsabilités morales, intellectuelles et professionnelles, elle tirera un crédit et un pouvoir que les lecteurs seuls peuvent lui conférer. C’est dans cet esprit qu’il faut se rappeler l’appel de Son Excellence Monsieur le président de la République adressé à la presse nationale pour aider, par leur investigation et leur contribution, à la mise en œuvre par les institutions nationales de la politique générale du développement du pays tant au plan du pluralisme, de la transparence, de la participation des citoyens au contrôle de leurs institutions et surtout de l’apport de la presse à l’implantation de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. Tout cela participe à relever le défi de la réalisation des objectifs de défense et d’épanouissement de la personne humaine et de promotion de ses droits.
L’évaluation de l’ensemble de ces développements permet d’affirmer que le secteur a accompli, de l’Indépendance à nos jours, de grands progrès, aussi bien au plan de l’organisation, du fonctionnement que de l’adaptation aux exigences liées à l’extension des libertés. Il est également important de souligner que les conditions de transformation radicale du paysage international de la communication rendent plus que nécessaire l’élaboration d’une doctrine qui fixe la philosophie de l’État dans le domaine de la communication et détermine les priorités en matière d’actions de développement.

(*) Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé de la Communication.

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**Miloud Brahimi à Liberté

“Le moment est venu d’ouvrir le champ numérique aux radios et TV libres”

1Maître, quelle appréciation portez-vous sur la loi du 3 avril 1990 ?
Maître Miloud Brahimi : Si je devais, par un mot, un seul, résumer cette loi à la veille du vingtième anniversaire de sa promulgation, c’est celui de “déclaration” qui me vient à l’esprit. Il s’agit plus exactement de la “déclaration préalable”, synonyme de liberté de la presse écrite (art.14 et ss).
Après une trentaine d’années de parti unique et de presse officielle, le champ médiatique s’ouvrait à la presse libre. Il suffisait d’exprimer sa volonté d’éditer une publication pour se faire délivrer le fameux récépissé qui autorise la concrétisation du projet.
Les évènements d’Octobre 1988 étaient passés par-là, mais aussi la constitution de février 1989 qui a institué le pluralisme politique. On connaît la suite, si ce pluralisme a rapidement été débordé par l’extrémisme, une presse particulièrement dynamique (et militante…) est née, dont on ne soulignera jamais assez le rôle dans la neutralisation de cet extrémisme au prix des énormes sacrifices que l’on sait.
Le reste de cette loi ne laissera pas un souvenir impérissable, y compris les dispositions relatives au Conseil supérieur de l’information, dont la disparition n’a laissé aucun regret.
Hasard ou préméditation ? La diversité audiovisuelle, pourtant si nécessaire avec la prolifération des images satellitaires, tient la portion congrue dans la loi de 1990. À peine est-elle effleurée dans l’article 56… qui soumet l’émission radiophonique ou télévisuelle à “autorisation” (par opposition à “déclaration”…).
C’est dire qu’il est temps de revoir de fond en comble cette loi pour l’adapter aux besoins de la société, surtout que la “déclaration” a fini par se confondre avec “autorisation”, donc de plus en plus difficile à obtenir.

On appelle à sa révision, selon vous, qu’est-ce qu’on pourrait revoir ?
Il est curieux de constater  que si les acteurs médiatiques  ont toujours réclamé la révision  de cette loi, les pouvoirs publics  s’y sont essayés à plusieurs reprises (je pense par exemple aux efforts réels de HHC…), mais sans succès. Peut-être faut-il imputer ces échecs répétés à l’absence d’une vision globale, mais aussi aux exigences parfois déraisonnables du quatrième pouvoir… Plus que jamais, le moment est venu d’ouvrir le champ médiatique aux radios et télévisions libres, quitte à imposer un cahier des charges très rigoureux.
Faut-il pour autant dépénaliser le délit de presse ? Il est acquis qu’une dépénalisation pure et simple ne sera pas à l’ordre du jour dans le court terme. Du moins est-il temps d’envisager la suppression des peines de prison, pour s’en tenir à la seule amende. Le harcèlement judiciaire perdrait beaucoup de son impact négatif (voire le mauvais classement, assurément injuste, pour ne pas dire ridicule, de l’Algérie, chez certaines ONG, à propos de la liberté de la presse dans le monde).
En tout cas, le débat pouvoir public-médias gagnerait en sérénité, à défaut de déboucher sur un consensus. En attendant, force est de constater que les (mauvais) procès à répétition attestent (aussi) de l’existence d’une presse libre, puisqu’aussi bien l’absence de tout harcèlement est le trait dominant des systèmes où une telle presse n’existe pas.(L’Expression-03.04.2010.)

******Si les autorités refusent jusqu’à présent cette ouverture en arguant de l’irresponsa-bilité et de l’immaturité des professionnels algériens, il n’en reste pas moins que l’évolution du Net dans le monde bat en brèche cet argument et le rend irrecevable.

On est toujours derrière la troisième personne du singulier. On relate l’événement, même celui qui nous touche de près, sans pouvoir y mettre une touche personnelle. C’est la loi de ce métier passionnant et complexe à la fois. Parce qu’on est contraint et forcé même d’atteindre une certaine objectivité, ce qui n’est pas toujours évident, que l’on évite de parler de soi. Et pourtant, derrière cette masse d’informations aussi plurielles que diversifiées, même si l’on n’est pas exempt de reproches, existent une profession et des professionnels qui tentent chaque jour que Dieu fait de proposer aux lecteurs un produit.
Si la presse a, bien évidemment, existé depuis l’indépendance mais n’a pas évolué sous le règne du parti unique, elle a en revanche connu son essor avec l’ouverture démocratique de 1989.
Elle en a payé un lourd tribut pour arracher sa place face à la mouvance islamiste qui était tout simplement le prolongement du diktat du parti unique. Aujourd’hui, vingt ans après la promulgation de la loi sur l’information, quel bilan peut-on tirer ? La corporation a-t-elle évolué ? Fait-elle du surplace ? S’est-elle constituée en véritable quatrième pouvoir ?
Si, quantitativement, l’Algérie peut se targuer d’avoir quelque 82 quotidiens, ce qui est énorme, qualitativement les besoins d’une mise à niveau et de formation se font de plus en plus sentir. Ceci d’une part. D’autre part, l’épée de Damoclès qui demeure suspendue sur la corporation avec la pénalisation du délit de presse empêche le secteur de connaître une évolution sereine loin des situations conflictuelles.
Alors que les organes censés gérer la presse écrite à l’exemple, du Conseil supérieur de l’information, n’existent plus depuis plus de 17 ans, ce qui rend la tâche encore plus ardue d’organiser la profession, l’urgence d’une ouverture de l’audiovisuel est de plus en plus pressante, surtout que des pays voisins l’ont entreprise ces dernières années et le dernier en date est la Mauritanie qui vient d’annoncer l’ouverture de son espace audiovisuel au privé, invitant les professionnels du secteur public à se préparer à la concurrence. Si les autorités refusent jusqu’à présent cette ouverture en arguant de l’irresponsabilité et de l’immaturité des professionnels algériens, il n’en reste pas moins que l’évolution du Net dans le monde bat en brèche cet argument et le rend irrecevable.
Une information traitée en Algérie sous l’angle algérien passe mieux, et de loin lorsqu’elle est assumée officiellement, devant les médias étrangers. Ce n’est pas encore le cas maintenant puisque la télévision et la radio sont gérées comme des rubriques ministérielles. (L’Expression-03.04.2010.)

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**Le pouvoir algérien cache mal son aversion pour la liberté de la presse. L’irrespect reste le mode opératoire par excellence… Les textes fondamentaux du pays évoquent pourtant, sans la moindre réticence, le droit à l’information du citoyen, exercé notamment par les journaux. Mais est-ce pour autant que nous baignons dans un climat de travail serein et harmonieux ?

L’ouverture médiatique du 3 avril 1990 initiée à la faveur du fort engagement de Mouloud Hamrouche et du travail remarquable de Mohamed Ghrib, ministre du Travail de l’époque, subit une perpétuelle remise en cause, en temps de guerre comme en temps de paix, des dirigeants du pays. Le mépris affiché frise par moment l’indécence. Les Algériens n’ont apparemment pas le droit d’être informés – le vrai parcours de la presse indépendante relève, pour des tranches de l’histoire récente du journalisme algérien, de l’hallucination. Comment résister quand « tout le monde » vous tombe sur le dos ? En 2001, les autorités dressent les contours de la charge finale.

Le code pénal a pour fonction d’achever l’encerclement des derniers réduits de la presse contestatrice. Le poids démesuré, inouï des sanctions encourues, combiné à un sévère contrôle de l’accès à l’information n’est-il pas le signe le plus probant que la liberté de la presse est indésirable ? Nos dirigeants sont persuadés que le journalisme pratiqué librement, de manière autonome, est synonyme d’anarchie, conduit aux troubles… Certains d’entre eux sont même persuadés que les journalistes portent une responsabilité dans l’irruption des événements qui ont ensanglanté l’Algérie dans les années 1990. Ils proposent en retour une vision fondée sur la mainmise de l’Etat sur l’information.

Un contrôle strict, un encadrement sévère, de tout instant… du stalinisme de la belle époque. Le référent reste le fonctionnement de l’ENTV et ses bulletins d’information. Le modèle à suivre… La planète entière, ou presque, a fait le choix de faire confiance aux journalistes. Notre pays fait exception…*Par Omar Belhouchet (El Watan-03.04.2010.)

***Liberté d’expression, terrorisme et pressions du pouvoir : Les quatre saisons de la presse indépendante

Le 19 mars 1990, le chef de gouvernement algérien, Mouloud Hamrouche, en application des décisions d’un Conseil des ministres, réuni quelques semaines auparavant (le 13 février), signe une circulaire adressée aux directeurs généraux des six entreprises de la presse algérienne dans laquelle il donne le ton concernant les réformes à venir dans le domaine. Objectif : « L’émergence, aux côtés des médias publics, d’une presse diversifiée. » Ce texte est la véritable réglementation fondatrice de la presse privée. Il s’appuyait évidemment sur les nouvelles dispositions de la Constitution du 23 février 1989. Ce texte qui donnait une assise réglementaire à ce qui était alors présenté sous le vocable d’« aventure intellectuelle » offre trois options à ceux qui s’engageraient, et qui sont, jusque-là, tous des fonctionnaires, y compris, bien sûr, ceux qui exercent dans les titres gérés par le parti unique et ses organisations satellites.Deux de ces options sont clairement formulées. La première permet le choix aux journalistes de s’engager dans les titres de partis ou d’opinion. La deuxième leur offre la possibilité de « constituer des collectifs professionnels pour la création et l’édition d’un titre indépendant, de revues ou de périodiques ». La circulaire donnait certaines garanties à ceux qui optaient pour ces deux perspectives s’ils souscrivaient « avant le 15 avril 1990 ». Pour les journalistes qui opteraient pour l’une ou l’autre de ces deux possibilités, la circulaire assurait les rémunérations et autres avantages liés au salaire garantis par le Trésor public du 15 avril 1990 au 31 décembre 1992, soit 32 mois et demi. Ce texte promettait de garantir par ailleurs des accès à de nombreuses facilités « Crédits, locaux, impression, facteurs de production) qui seront prévues et aménagées (…) » La troisième option accordait, sans changement de statut, le choix aux journalistes qui le désireraient de demeurer fonctionnaires du secteur public, en réalité sous monopole et à la dévolution du pouvoir en place comme le montreront les années à venir. Un mois plus tard, ce dispositif réglementaire sera adossé à la loi 90-07 du 3 avril 1990 relative à l’information et sa mise en application sera alors lancée. Comment vont évoluer les libertés de presse et d’expression à partir de ce moment ? Quel bilan et quels regards peut-on tirer et jeter sur la presse écrite après deux décennies d’existence ? A quels revirements et quelles dérobades vont procéder les pouvoirs qui se succéderont à la tête de la magistrature suprême et ceux qui présideront aux destinées des pouvoirs législatif et exécutif ? Comment réagiront les propriétaires des titres, leurs gestionnaires, les journalistes et la société (civile et politique) face aux attaques qui viseront les maigres acquis apportés par la circulaire Hamrouche et la loi 90-07 ? 20 ans après la promulgation de ces textes, il faut admettre que le bilan est loin d’être reluisant.

Inflation de titres non viables

Si la déconvenue n’est pas totale, elle n’est pas très loin de l’être. Quel que soit l’angle d’observation qu’on voudrait prendre, la presse algérienne se présente surtout sous des aspects négatifs (voire honteux au regard de nombre de pratiques journalistiques et des comportements entachés de corruption de certains hommes et femmes des médias) ou à tout le moins non satisfaisants, même si le paysage médiatique semble avoir radicalement changé par rapport à l’étouffant monopole du parti unique d’avant 1989. En effet et pour balayer devant nos portes, il faut bien convenir que l’un des derniers coups, le plus douloureux probablement, asséné à la presse vient de ceux qui la font. Oubliant leur devoir d’exemplarité, voire renonçant aux comportements éthiques et déontologiques nécessaires à la crédibilité de la profession, nombre de dirigeants de la presse, parmi les plus en vue, s’acoquinèrent avec les puissances d’argent ou avec des hommes politiques peu fréquentables de l’ex-parti unique pour ne citer que Ali Benflis, alors que ce dernier a été partie prenante avec Bouteflika dans la régression des médias et la répression des journalistes. N’a-t-il pas, sous l’impulsion de Bouteflika et avec la participation active des Ouyahia et autre Belkhadem, été en 2001, l’artisan de la révision du code pénal dans ses dispositions répressives de la presse ? Le prix de ce compagnonnage contre-nature sera exorbitant pour le crédit de la presse écrite.Pour apprécier la situation actuelle de la presse algérienne, il suffit de jeter un coup d’œil sur les rapports établis par les ONG internationales activant dans les domaines des médias. Ils classent depuis dix ans l’Algérie en queue de peloton parmi les pays les plus hostiles aux libertés de presse, d’expression et des droits de l’homme. De 1992 à 2000, les femmes et les hommes des médias ont été pris entre deux feux avec les conséquences que nous connaissons.

La furie assassine des groupes islamistes issus du FIS s’est soldée par plus de 100 morts entre journalistes et autres personnels des médias. Quant au pouvoir, il n’a pas hésité à déployer la panoplie la plus complète au monde en matière de répression : arrestations et emprisonnements des journalistes et même torture, harcèlement judiciaire ininterrompu, suspension des journaux pour des périodes fatidiques pour la survie des publications, saisies de numéros suivies de mise au pilon et utilisation d’un nombre impressionnant de mesures économiques dont le détournement de la publicité, dans le but de nanifier les titres considérés comme opposants ou tout simplement pour les faire disparaître. Pour compléter ce tableau plutôt sombre, ajoutons que le pouvoir, tout en refusant l’agrément à toute initiative de création de journaux suspectée de ne pas lui être favorable, a laissé gonfler l’inflation des titres non viables (avec des tirages ridicules) pour peser sur la scène médiatique et la faire sombrer dans l’inefficacité et l’atteinte au professionnalisme. (El Watan-03.04.2010.)



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